Les combats se font plus rares dans la LNH, mais ils sont là pour rester

MONTRÉAL — L’attaquant du Wild du Minnesota Marcus Foligno a encaissé une mise en échec, avant d’en asséner une au défenseur des Blackhawks de Chicago Jarred Tinordi, et les deux colosses ont laissé tomber les gants. Devant une foule de 82 000 spectateurs réunis au MetLife Stadium, il en aura fallu encore moins à Matt Rempe et Matt Martin pour qu’ils en viennent aux coups, soufflant ainsi sur les braises de la rivalité new-yorkaise entre les Rangers et les Islanders.

Et quand Morgan Rielly a asséné un double échec à Riley Greig après que le joueur des Sénateurs d’Ottawa eut décoché un lancer frappé dans un filet désert?  Une petite escarmouche. Rien d’autre. 

«Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu de mêlée? Je ne comprends pas pourquoi tous les joueurs présents sur la patinoire n’ont pas laissé tomber les gants, a déclaré Todd Simpson, un ex-joueur âgé de 50 ans qui a accumulé plus de 1300 minutes de pénalité en 580 matchs en carrière dans la LNH. Il aurait dû y avoir un gros combat.»

Tous ces incidents se sont produits au cours du dernier mois, rappelant à tous que les bagarres existent toujours dans la LNH — même si elles sont beaucoup moins fréquentes qu’auparavant. Il y a 20 ans, Simpson et ses coéquipiers des Sénateurs se sont retrouvés dans une mêlée générale avec les joueurs des Flyers de Philadelphie, un match au cours duquel un record de 419 minutes de pénalité ont été décernées. Parmi les 40 joueurs qui y ont participé, 23 ont écopé au moins d’une pénalité mineure. Plusieurs ont passé beaucoup plus de temps au cachot. 

Ces mêlées générales appartiennent aujourd’hui au folklore, tout comme les coups salauds et les effusions de sang dépeints dans le film ‘Lancer frappé’ (‘Slapshot’). À l’instar de ce film légendaire, toutefois, les bagarres occupent une place particulière, voire appréciée, par les amateurs de hockey, et il n’est pas rare de voir des spectateurs applaudir lorsque deux joueurs laissent tomber les gants. Ces amateurs n’ont pas à s’inquiéter. Même dans la LNH, où les durs à cuire sont en voie de disparition, des bagarres éclatent à l’occasion. On recense aujourd’hui environ un combat aux quatre ou cinq parties dans le circuit Bettman. 

Plusieurs amateurs considèrent que les bagarres sont toujours légitimes dans un sport qui encourage des valeurs comme celle de se porter à la défense d’un coéquipier, même si certains grands bagarreurs y ont laissé leur santé en raison des nombreux coups portés à leur tête. 

«Ça n’arrive plus souvent, mais elles (les bagarres) ont encore leur place, a dit l’entraîneur-chef des Canucks de Vancouver Rick Tocchet, dont les 237 combats en carrière le placent au 21e rang de l’histoire de la LNH à ce chapitre. Quand je jouais, on se servait vraiment de la carte de l’intimidation. On peut encore l’utiliser un peu de nos jours, mais pas autant. Les combats organisés et tout ceci, ça ne fonctionne plus. Mais il y a toujours une place et un moment pour ce genre de chose.»

Les bagarres en déclin

La LNH ne recense pas publiquement les pénalités par type d’infraction, comme les bagarres ou d’autres pénalités majeures. Selon le site ‘HockeyFights.com’, il y a eu 219 bagarres jusqu’ici cette saison, et 63 autres devraient éclater d’ici la fin de la saison, pour un total de 282. Il s’agirait là d’une baisse marquée par rapport au sommet de 789, enregistré pendant la saison 2003-04. En fait, ce serait une baisse de 200 % en 20 ans, et une baisse significative par rapport aux 645 bagarres répertoriées en 2010-11. 

Les changements aux règlements expliquent en partie ces résultats. L’adoption du plafond salarial en 2005 a compliqué la tâche des équipes qui choisissaient de payer un joueur uniquement pour ses poings et sa capacité à défendre les joueurs étoiles. En 2013, on a interdit aux joueurs de retirer leur casque protecteur avant une bagarre, et la visière est devenue obligatoire pour tous les nouveaux joueurs de la ligue. 

«Évidemment, les choses ont bien changé et les joueurs comme moi sont disparus — les hommes forts n’existent plus, a noté Riley Cote, qui a livré 50 combats en 156 matchs avec les Flyers entre 2007 et 2010, sans compter tous les autres dans les rangs mineurs. Ça s’est fait naturellement… J’ignore s’ils parviendront un jour à complètement éradiquer les bagarres dans la LNH, mais ils ont fait du très bon boulot pour les limiter.»

Personne ne s’attend à une interdiction des bagarres, qui entraîneraient des expulsions ou des suspensions comme dans les rangs universitaires ou internationaux. Le commissaire de la LNH Gary Bettman a déjà dit que les bagarres servent de soupape d’échappement pour éviter que les choses dérapent pendant un match. 

«Les bagarres, de façon spontanée, servent de thermostat lorsque les choses s’enveniment pendant un match, avait dit Bettman en 2013. Au sujet d’une bagarre qui avait éclaté entre les joueurs étoiles Jarome Iginla et Vincent Lecavalier, Bettman avait mentionné: «Je préfère qu’ils s’assènent des coups de poing plutôt que des coups de bâton». 

Est-ce que les bagarres survivront?

Un sondage commandé en 2011 par l’Association des joueurs et CBC a indiqué que 98 % des joueurs de l’époque étaient contre l’idée d’interdire les bagarres. La plupart de ces joueurs étant maintenant à la retraite, ceux-ci ont été remplacés par une génération de hockeyeurs plus rapides et plus talentueux que jamais auparavant — ils sont tout de même prêts à laisser tomber les gants lorsque la situation le commande, et souhaitent le maintien de cette opportunité. 

«Ça doit demeurer en place dans ce sport, a évoqué le capitaine des Blues de St. Louis Brayden Schenn, qui a livré deux combats cette saison, mais qui n’a jamais pris part à plus de quatre combats au cours d’une même saison depuis qu’il est devenu un joueur professionnel. Il nous faut des gars qui vont se charger de ça, car si tu décides de patiner à fond de train et de frapper tout ce qui bouge, alors tu dois savoir que tu t’exposeras à ce genre de conséquence.»

C’est de toute évidence l’opinion de Steve Oleksy, qui aurait livré 107 combats, tous niveaux confondus, selon HockeyFights.com. Il est âgé de 38 ans, a pris sa retraite et, après quelques commotions cérébrales et quelques blessures, doit éviter les places trop bruyantes. Les longs trajets en voiture et les activités sportives sont difficiles à supporter pour ses mains, qui ont asséné des centaines de coups de poing au fil des ans. 

Il croit d’ailleurs que les bagarres disparaîtront de facto d’ici une décennie. 

«Elles (les bagarres) disparaissent de façon exponentielle, et je crois aussi que la définition d’une bagarre a bien changé, a dit Oleksy. Le nombre de coups de poing lancés, les véritables combats — ce qui constituait une véritable bagarre à mon époque —, je crois qu’ils n’existent plus. Et je crois qu’à cause de ça les coups salauds, comme les doubles échecs, les coups de bâton et tout ça, sont en hausse.»

Oleksy et plusieurs autres croient d’ailleurs que la situation actuelle est attribuable au hockey junior ainsi qu’aux niveaux inférieurs, qui ont interdit ou réprimé les bagarres, plutôt que de s’en servir pour éduquer. En conséquence, croit-il, les joueurs ne savent plus se battre, et ils ne sont plus prêts à le faire.