LETTRE OUVERTE : Sortir le hockey d’une culture de violence
La disgracieuse bagarre qui s’est déroulée dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec lors du 2e match de la série entre Québec et Chicoutimi oblige le peuple québécois à se poser de sérieuses questions. Ce désolant spectacle, diffusé à la grandeur de la planète, offre une occasion unique aux propriétaires de la LHJMQ d’extirper une fois pour toutes le hockey amateur de la culture de violence qui est depuis déjà trop longtemps l’une des ces marques de commerce.
Je n’ai aucunement l’intention de blâmer le comportement de Jonathan Roy et des autres joueurs bien que je les juge totalement inacceptables. Ces jeunes sont le fruit d’une société qui continue d’encourager une culture de violence. Ils sont simplement le produit de la sous-culture d’un sport dans lequel ils ont toujours baigné.
La dynamique sociale de la LHJMQ est très simple. Les clubs de la ligue sont des entreprises qui visent à rentabiliser leur investissement et faire des profits. Les propriétaires de ces clubs engagent des administrateurs qui leur sont subordonnés pour gérer leur ligue. Comme ils estiment que la violence est rentable, ils la tolèrent afin d’attirer les spectateurs qui prennent plaisir à de tels spectacles. Ils agissent comme si les Québécois n’étaient pas encore suffisamment cultivés pour apprécier la dimension sportive et esthétique de ce merveilleux sport sans quelques batailles pour relever le spectacle.
Le peuple québécois devra accepter un jour d’affronter lucidement et courageusement ses incohérences et ses contradictions face au hockey professionnel chez les jeunes. D’un côté, il déplore la violence dans les écoles, dans la rue et dans les médias ainsi que celle faite aux enfants, aux femmes et aux aînés. D’un autre côté, il tolère que son sport soi-disant national transmette à chaque nouvelle génération sa culture de violence que des études ont clairement démontrée. Le hockey est suffisamment viril avec ses mises en échec, suffisamment spectaculaire avec la vitesse et l’incroyable habileté de ses joueurs pour se dispenser d’avoir à recourir à la violence brute pour attirer des spectateurs.
L’histoire de la LHJMQ a clairement démontré que la violence est considérée comme un élément vendeur du hockey, même s’il s’agit de jeunes de moins de 20 ans. Les propriétaires n’ont jamais envisagé sérieusement de l’abolir puisque les batailles sont acceptées par la nature même des règlements de la ligue et des punitions insignifiantes infligées aux coupables. Plusieurs sports et plusieurs ligues de hockey de différents niveaux ont réussi à éliminer presque totalement les batailles. Pourquoi les propriétaires de la LHJMQ n’y arrivent-ils pas? Pour la simple raison qu’ils ne le veulent pas.
Devant une organisation sportive qui tolère et encourage insidieusement chez les jeunes des comportements qui seraient jugés comme des voies de fait à l’extérieur de la patinoire, le gouvernement a alors l’obligation morale d’agir. Sinon, il nage en pleine contradiction, et devient complice d’une culture qui déshonore ce merveilleux sport qui a pris naissance au Québec.
J’ai passé plus de 40 ans de ma vie universitaire à étudier, développer, enseigner et humaniser le hockey au Québec et au Canada. Devant tous les progrès physiques, techniques, tactiques, pédagogiques et technologiques qui nous ont donné un des sport les plus excitants au monde, il est triste de constater jusqu’à quel point les propriétaires de la LHJMQ, malgré des progrès notables, n’ont pas encore réussi à extirper les bagarres de leur ligue.
Devant cet état de fait, il est à espérer que nos politiciens prendront enfin leur responsabilité, et qu’ils seront fortement appuyés par les partis d’opposition, le peuple québécois et les médias lorsqu’ils décideront de mettre fin à la culture de violence transmise par le hockey aux jeunes Québécois. Gaston Marcotte
Professeur associé
Département d’éducation physique
Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval
Président-fondateur du Mouvement Humanisation