Lettre ouverte au maire de Sainte-Ursule

Un lecteur nous a fait parvenir une lettre s’adressant au maire de Sainte-Ursule, Réjean Carle, concernant l’avènement probable d’une minicentrale hydroélectrique au Parc des Chutes.

Cher M. Carle,

Avec tous les respects que je vous dois et malgré tous les bons sentiments que m’inspire votre dévouement envers notre communauté, je me dois de vous faire part que je vais m’opposer au règlement d’emprunt de dix millions de dollars concernant le développement hydro-électrique sur le site des chutes de Sainte-Ursule.

J’irai donc le 1er septembre prochain au bureau municipal signer le registre demandant la tenue d’un référendum.

 

Comme bien des citoyens, j’ai remarqué que plusieurs partisans de ce projet le présentaient comme une solution aux problèmes de déficit de la corporation du Parc qui ne semblaient guère s’atténuer au fil des ans. Par contre plusieurs de ses promoteurs le voyaient comme une simple occasion d’affaires pour la municipalité sans trop se soucier de l’impact environnemental et paysager. Moi, je suis de ceux qui voyaient avec regret défigurer un site naturel d’une valeur patrimoniale absolument incontestable. J’étais aussi d’avis que la décision ne devait pas appartenir qu’aux seuls Ursulois mais que ce patrimoine appartenait en fait à tous les Québécois et qu’il aurait fallu interpeller le gouvernement du Québec avant d’en venir à cette solution. Malheureusement, le gouvernement actuel favorise le projet des petites centrales pour regarnir les coffres de bureaux d’ingénieurs et d’entrepreneurs amis et contributeurs du parti au pouvoir. Il ne faut donc pas compter sur ce gouvernement pour sauver les chutes de Sainte-Ursule.

À ce chapitre, je m’inquiète grandement que la firme BPR mandatée par la municipalité pour concevoir ce projet et faire son budget soit une firme qui ait été dénoncée à de multiples reprises par le commissaire au lobbying du gouvernement du Québec.

Ce qui jette de nombreux doutes sur la justesse des projections économiques qui accompagnent ce budget.

 

Malgré mes réticences envers ce projet, je dois vous dire que je devais attendre les études finales avant de faire connaître mon opinion, car la perspective de faire beaucoup d’argent mettait les promoteurs du projet dans une position indélogeable face aux tenants de la préservation des sites patrimoniaux.

Pour la rencontre d’information du 25 août, vous avez eu la bonté de nous faire parvenir enfin quelques chiffres, je prendrai donc ceux-là. Et à la lumière de ce que je vois, je vous dirai que mon opposition qui était basée sur la nécessité de la protection environnementale se transforme désormais en opposition de nature économique. Je suis désormais convaincu que ce projet est une mauvaise affaire pour les finances des citoyens de Sainte-Ursule.

 

D’abord, il s’agit d’un emprunt de dix millions, ce qui est déjà très élevé pour une municipalité rurale. À la lumière de ce qu’on anticipe comme revenus, il apparaît que le rendement de cet investissement sera de 2.5% pendant une période de 20 ans.

Cette marge m’apparaît très faible et classe ce projet parmi ceux qu’on peut qualifier de risqués. Si jamais les soubresauts de l’économie mondiale faisaient qu’à nouveau les taux d’intérêt montent à des niveaux inflationnistes, nous n’aurions guère de marge de manœuvre pour rétablir la marge de profit apparemment déjà très basse.

 

La preuve que ce risque existe c’est la promulgation à l’article 5 d’une taxe spéciale sur la valeur foncière destinée à garantir l’emprunt. Cela veut dire que pour le prêteur les revenus de la centrale ou les surplus des budgets municipaux ne sont pas suffisants pour couvrir le risque qui apparaît donc certain.

 

On nous dira, oui, mais dans vingt ans, le projet sera beaucoup plus rentable. Certes, mais pourquoi comme contribuable devrais-je pendant vingt ans financer un projet qui ne cessera d’être un poids pour moi qu’en 2031? Pour les générations futures?

Mais de quel droit devons-nous décider pour les générations futures que la destruction des sites naturels est une bonne chose pour elles alors qu’il y aura si peu d’espaces naturels dans les temps futurs que la véritable richesse résidera justement dans ce qui aura été préservé.

 

Il ne faut pas non plus se laisser aveugler par les chiffres de 2031. Les profits de la centrale seront certes élevés en 2031, mais entre-temps la valeur foncière de Sainte-Ursule aura déjà doublé voire triplé si on se fie aux tendances normales du marché immobilier.

Ce qui veut dire que sans même investir un sou, donc sans avoir emprunté, les entrées d’argent seront plus certaines, plus massives et plus constantes pour la municipalité que le fait d’avoir voulu investir pour se procurer des revenus. On peut même dire que si la municipalité se dote de programmes pour augmenter la valeur foncière de son territoire, elle fera peut-être plus d’argent qu’avec la centrale et cela pour des investissements apparemment beaucoup moindres.

 

Il va de soi que j’encourage mes concitoyens à aller eux aussi signer le registre le 1er septembre. J’en profite également pour leur demander de s’interroger sur le monde qu’ils veulent laisser à leurs enfants. Il est très important de savoir que le Québec n’a pas besoin de cette électricité. Le programme des petites centrales n’est que l’un des nombreux gestes du gouvernement actuel visant à enrichir un cercle très gourmand d’accapareurs de fonds publics. Les scandales d’ailleurs se multiplient jour après jour.

Comme nous n’avons pas grand-chose à gagner comme contribuable et que cela risque même de nous coûter quelque chose, pourquoi ne pas en profiter pour nous mettre en règle avec notre conscience? En refusant ce projet de mini-centrale, nous pouvons montrer à notre gouvernement corrompu que nous ne sommes pas dupes.

Nous n’allons pas encourager son grenouillage et allons mettre la firme BPR au régime sec de même que tous les autres de son acabit.

 

En échange, nous allons redonner à nos enfants un peu de la beauté que nous avons nous-mêmes pu goûter. Avec un peu d’effort et d’imagination et surtout de persévérance, nous réussirons à sauver notre parc, à préserver son patrimoine naturel et surtout à redécouvrir une nouvelle façon de vivre ensemble.

 

René Boulanger

Pour faciliter le débat

L’Écho de Maskinongé encourage les gens à faire parvenir leur opinion, de façon respectueuse, pour aider les citoyens de Ste-Ursule dans leur décision prochaine.