Harnacher la chute de Ste-Ursule?

Je ne réside pas à Ste-Ursule. Je n’y paye pas de taxes. J’y passe souvent en voiture et j’y achète des matériaux de construction chez I. Gagnon et fils.

J’habite Montréal et j’ai depuis 6 ans une maison de campagne à St-Justin. Je ne suis pas un artiste, j’ai les cheveux courts et je paye des impôts.

Depuis 6 ans, j’ai visité le Parc des chutes de Ste-Ursule 5 ou 6 fois avec divers invités que nous recevions au chalet. À St-Justin, il n’y a pas abondance d’attraits touristiques… Une fois arpentée la rue Gérin d’ouest en est, puis d’est en ouest, le tour est pas mal fini… Heureusement, il y a les chutes!

Lors de chaque visite au Parc des chutes, il y avait du monde et je trouvais à chaque fois le site magnifique, spectaculaire, extraordinaire.

J’ai une photo de la chute St-Ursule dans mon bureau à Montréal et il y en a 3 encadrées ensemble sur un mur de ma résidence. La chute St-Ursule fait suffisamment partie de ma vie pour justifier que je prenne la parole pour exprimer ce que je pense du projet de barrage.

J’ai eu connaissance du projet par hasard. Je suis resté incrédule : « Comment c’est possible? », que je me suis dis.

On m’a remis le dépliant du projet. Sur la page couverture, on lit : « Une centrale électrique au Parc des Chutes…Un bien collectif… Une source de fierté! »

À mon avis, il est bien clair que les chutes de Ste-Ursule à leur état naturel, qui sont mises en valeur dans un parc depuis des dizaines d’années, sont en soi un bien collectif. Un inestimable patrimoine collectif, en fait.

Les gens de Ste-Ursule sont les gardiens de ce patrimoine qui commande un profond respect. Ils ont la chance que les chutes se trouvent chez eux.

Les chutes, c’est l’emblème de leur village en plus d’être le joyau naturel de toute la région et une des plus belles et grandes cascades du Québec tout entier.

Les chutes, c’est un majestueux produit de la puissance de la nature où les vestiges de l’industrie du bois ajoutent au charme du lieux en lui donnant sa place dans l’histoire.

La construction de la centrale entraînera la transformation définitive d’un site naturel exceptionnel en un site naturel amputé par l’industrie. On ne peut sérieusement prétendre que l’on conservera l’« aspect visuel » des chutes en les coiffant d’un barrage, en la ceinturant de ponts et de tuyaux et en en détournant une partie de l’eau pour faire tourner une turbine! Prétendre le contraire n’est pas honnête.

Invariablement, les travaux envisagés auraient pour effet de dévisager à jamais le site magnifique qui est la raison d’être du Parc des chutes. Les visiteurs tourneront le dos à un site ainsi dégradé. Moi, le premier.

Une centrale de 1,8 MW n’est pas un attrait touristique. Il y a des dizaines de centrales électriques au Québec, des milliers de MW de puissance installée! Une petite centrale, c’est banal. Par contre, les chutes à l’état naturel sont de plus en plus rares, de plus en plus précieuses.

La centrale, une « source de fierté »? Pour moi , c’est la chute à l’état naturel et le choix collectif de la conserver pour toujours dans cet état qui est de nature à être une source intarissable et inestimable de fierté.

Il y a des choses qui ne devraient pas pouvoir être marchandées. Il y a des choses qui n’ont pas de prix. Pour moi, les chutes de Ste-Ursule sont de celles-là.

Mais moi, s’il y a un référendum sur le projet, je n’aurai pas le droit de vote…

 

Jasmin Lefebvre