Une Première Nation se prépare à l’enquête du coroner sur la tuerie de septembre 2022

SASKATOON — Le chef d’une Première Nation de la Saskatchewan dit qu’il sait que des blessures seront probablement rouvertes alors que sa communauté se prépare à revivre le jour où un tueur de masse a fait du porte-à-porte pour poignarder des gens.

«Notre communauté est toujours en deuil», a déclaré le chef Wally Burns de la nation crie James Smith, située au nord-est de Saskatoon.

Une enquête du coroner devrait commencer lundi pour découvrir ce qui s’est passé le 4 septembre 2022, lorsque Myles Sanderson s’est déchaîné à l’arme blanche dans la Première Nation et le village voisin de Weldon.

Il a tué 11 personnes et en a blessé 17 autres.

Sanderson, 32 ans, un membre de la Première Nation, est décédé en détention quelques jours plus tard.

L’enquête menée à Melfort, au sud de la Première Nation, doit permettre d’établir les événements qui ont conduit aux décès, les personnes décédées, ainsi que la date et le lieu où chaque personne a été tuée. 

Une deuxième enquête portant sur la mort de Sanderson est prévue en février. Les enquêtes publiques sont obligatoires en Saskatchewan lorsqu’une personne décède lorsqu’elle est sous garde policière.

«Cela va rouvrir beaucoup de blessures, beaucoup de traumatismes», a dit M. Burns.

Les massacres et la chasse à l’homme contre Sanderson ont dévasté cette Première Nation très unie, située près des rives de la rivière Saskatchewan Nord. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a décrit comment Sanderson a volé des véhicules, enfoncé des portes et poignardé des personnes au cours de cette attaque chaotique et imprévisible.

La GRC a indiqué que, puisque Sanderson est mort, on ne pourra jamais savoir exactement ce qui s’est passé et pourquoi.

M. Burns affirme que la Première Nation s’est appuyée sur la culture et les traditions pour tenter de trouver la guérison, mais le vide laissé par les êtres chers qui ont été tués demeure.

Un coroner était dans la communauté la semaine dernière pour préparer les familles des victimes aux détails choquants qui devraient être présentés lors de l’enquête, a détaillé M. Burns. Le neveu et des cousins du chef figurent parmi les personnes tuées. Il ne voulait pas voir les photos de leurs blessures, choisissant plutôt de se souvenir de leur esprit et de leur mode de vie.

L’objectif d’une enquête du coroner est pour un jury de déterminer les circonstances factuelles derrière les décès et de formuler des recommandations qui pourraient permettre d’éviter des cas similaires à l’avenir. Les gouvernements provincial et fédéral ne sont pas tenus de donner suite aux recommandations.

Une enquête est le plus souvent utilisée lorsqu’une personne décède en détention, lors de son arrestation ou de son incarcération.

«C’est un cas un peu inhabituel dans cette situation d’événement qui a fait de nombreuses victimes», a déclaré Keith Brown, l’avocat représentant la Première Nation dans les deux enquêtes, lors d’un entretien téléphonique depuis Vancouver.

L’approche universelle présente des limites lorsqu’elle est appliquée aux attaques au couteau, a expliqué M. Brown.

«Le processus d’enquête du coroner n’a pas été conçu en collaboration avec le pays», a-t-il dit. 

«La Première Nation de James Smith n’a pas eu et n’a pas son mot à dire sur ce à quoi ressemblera le processus d’enquête, comment il va se dérouler, quels membres du jury seront choisis ou quoi que ce soit d’autre de ce genre.»

Cela laisse à la communauté, la plus touchée par la violence, des droits de participation limités, a indiqué M. Brown. La Première Nation se limite à interroger les témoins et ne peut pas suggérer de recommandations. L’enquête ne trouve pas non plus de responsabilité ou de faute.

«Elle n’est pas conçue pour pointer du doigt qui que ce soit», a soutenu M Brown.

L’avocat et le chef affirment qu’une enquête fédérale aurait été un meilleur moyen de comprendre ce qui a conduit aux meurtres. Selon eux, l’enquête aurait une portée plus large, inclurait davantage de perspectives autochtones et serait davantage capable d’analyser les problèmes systémiques qui ont contribué aux attaques.

Toutefois, selon M. Brown et M. Burns, l’enquête à venir pourrait constituer une première étape.

«La nation espère que l’enquête fournira davantage d’informations sur les décès, tant aux familles qu’au grand public, afin qu’ils puissent comprendre comment la tragédie s’est produite et peut-être, dans cette mesure, fournir un certain niveau de clôture ou de compréhension», a déclaré M. Brown. 

Des actions demandées 

Ce que la communauté recherche, c’est de l’action. Le chef affirme que les membres souhaitent que les services de police autoadministrés deviennent un service essentiel auquel la Première Nation a droit. Ils veulent une réforme des systèmes correctionnels et des libérations conditionnelles pour garantir que les personnes bénéficient de programmes et d’un soutien significatifs après leur libération.

Ils souhaitent également que les Premières Nations soient prises en compte lorsque les décisions sont prises quant à la libération ou non des membres de la communauté. Cela comprend d’aviser la Première Nation d’une libération.

M. Burns dit qu’il n’était pas informé que Sanderson sortait de prison avant les coups de couteau.

Sanderson, qui avait des antécédents d’agressions violentes, avait bénéficié d’une libération d’office plus tôt cette année-là, mais était illégalement en liberté au moment des meurtres.

Ces coups de couteau ont soulevé des questions sur les raisons pour lesquelles il a été libéré et sur la manière dont il a réussi à rester libre dans les mois qui ont précédé les attentats.

L’enquête conjointe de la Commission des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada sur la libération de Sanderson n’a pas été rendue publique. 

«Je suis vraiment frustré par notre système, car il ne fonctionne pas. Quand il ne fonctionne pas, il échoue… et regardez ce qui se passe», a fait valoir le chef.

Il est trop tôt pour connaître le résultat de l’enquête, selon M. Burns.

Mais, une fois de plus, la Première Nation s’appuiera sur la tradition et les cérémonies pour soutenir ses membres alors qu’ils revivent le terrible cauchemar du carnage, a-t-il dit. 

«On m’a appris lors d’une cérémonie que nous ne pouvons laisser personne derrière nous.»