Un gouvernement conservateur renégocierait l’accord Canada-Ukraine, assure un député

OTTAWA — Un député conservateur assure qu’un gouvernement dirigé par son parti renégociera l’accord commercial entre le Canada et l’Ukraine afin qu’il ne contienne plus aucune référence à la tarification du carbone.

Le projet de loi du gouvernement libéral qui mettrait en vigueur une version mise à jour de l’accord commercial a été adopté par la Chambre des communes la semaine dernière, et les députés conservateurs ont été les seuls à voter contre.

Ce n’est pas parce qu’ils ne soutiennent pas l’Ukraine, assurent les députés, mais parce que l’accord stipule que les deux pays feront notamment la promotion de la tarification du carbone comme mesure pour lutter contre les changements climatiques.

Le premier ministre Justin Trudeau a attaqué à plusieurs reprises les conservateurs de Pierre Poilievre pour leur position dans ce dossier, les accusant d’imiter les républicains américains qui veulent réduire l’aide à l’Ukraine.

M. Poilievre a assuré que son parti soutenait toujours l’Ukraine; il a plutôt accusé M. Trudeau d’utiliser cette question pour détourner l’attention des préoccupations économiques croissantes dans sa propre cour.

Face à des critiques soutenues, des députés conservateurs – dont plusieurs ont été élus dans les Prairies, où on retrouve une importante diaspora ukrainienne – ont fait pression ces dernières semaines pour que davantage d’armes soient envoyées en Ukraine.

Le député manitobain James Bezan a vanté ce soutien lors d’une récente entrevue à Kontakt Ukraine TV, un réseau qui dessert la communauté canado-ukrainienne. Il a expliqué que la référence à la tarification du carbone dans le libellé de l’accord commercial constituait une «pilule empoisonnée» que les conservateurs ne pouvaient pas soutenir.

«Nous n’inscrirons une taxe sur le carbone dans aucun de nos accords commerciaux, y compris celui avec l’Ukraine», a déclaré M. Bezan, qui est porte-parole du parti en matière de défense. «Nous allons former le gouvernement lors des prochaines élections (et) nous renégocierons cet accord de libre-échange.»

Il a déclaré que le nouvel accord, «amélioré», contiendrait aussi des «assurances» qu’il y ait davantage «de garanties». Le député manitobain a aussi indiqué qu’un éventuel gouvernement conservateur veillerait à ce que les systèmes de défense du Canada et de l’Ukraine collaborent mieux, afin que l’Ukraine ait la capacité de produire ses propres armes.

L’«amendement taxe carbone»

Après le vote de la semaine dernière, le chef conservateur a déclaré que son parti ne respecterait pas ce qu’il a appelé l’«amendement taxe carbone», mais il n’a pas précisé ce qu’il envisageait de faire concernant cet accord commercial.

M. Poilievre a défendu le vote de son parti contre le projet de loi en affirmant que c’était le gouvernement conservateur de Stephen Harper qui avait conclu l’accord de libre-échange initial avec l’Ukraine en 2015.

Le député conservateur Ed Fast, qui était justement ministre du Commerce à l’époque, a déclaré mardi qu’il croyait également comprendre que son parti renégocierait l’accord.

Le porte-parole conservateur Sebastian Skamski a déclaré que son parti envisageait de «renforcer les relations commerciales entre le Canada et l’Ukraine et d’abandonner les dispositions préjudiciables et coûteuses de Justin Trudeau en matière de taxe sur le carbone».

L’actuelle ministre du Commerce, Mary Ng, a déclaré mardi que l’Ukraine tentait simplement de mieux aligner ses politiques sur celles de l’Union européenne, notamment en matière de dispositions environnementales. L’accord récemment signé avec le Canada l’y aidera, a-t-elle ajouté.

«Je dirais aux conservateurs: pourquoi font-ils obstacle ? C’est l’Ukraine qui l’a négocié.»

Le Congrès ukrainien canadien déçu

Des organisations ukrainiennes disent qu’elles espéraient que tous les partis aux Communes appuient le projet de loi de mise en oeuvre de l’accord que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a signé lors de sa visite officielle au Canada en septembre.

La présidente du Congrès ukrainien canadien avait écrit à M. Poilievre en novembre pour lui proposer de la rencontrer afin de discuter de l’accord commercial et du soutien de son parti à l’Ukraine.

«Nous lui écrirons encore une fois pour lui dire que nous sommes prêts à le rencontrer à tout moment pour discuter du soutien du Canada à l’Ukraine», a écrit mardi Alexandra Chyczij.

Elle a déclaré que le Congrès était heureux de voir le projet de loi adopté aux Communes et elle demande maintenant aux sénateurs de l’adopter rapidement, pour que le nouvel accord commercial entre en vigueur.

«Nous avons toutefois été déçus que (le projet de loi) n’ait pas été adopté à l’unanimité. À l’heure où la Russie mène une guerre d’agression génocidaire contre l’Ukraine, l’unité en faveur de l’Ukraine revêt une importance sans précédent», a estimé Mme Chyczij.

Les libéraux soutiennent que grâce à cet accord commercial, les entreprises canadiennes pourront éventuellement aider l’Ukraine à se remettre de la guerre lancée par le président russe Vladimir Poutine il y a bientôt deux ans.

Le Canada a dépensé 2,4 milliards $ en armes et autres équipements pour l’Ukraine depuis le début de cette guerre et des millions de dollars supplémentaires pour d’autres mesures de soutien.