Un expert demande de lever les brevets sur les vaccins pour mettre fin à la pandémie

OTTAWA — Le Canada doit concentrer son aide liée à la COVID-19 sur l’expansion de la production de vaccins partout, sinon le virus continuera de se répandre, de muter et d’apporter de nouvelles vagues de maladies, selon un expert.

Le Dr Madhukar Pai, titulaire d’une chaire de recherche du Canada en épidémiologie et santé mondiale à l’Université McGill, a déclaré lundi au comité des affaires étrangères de la Chambre des communes qu’il ne pense pas que les pays riches comme le Canada aient appris quoi que ce soit des deux premières années de la pandémie.

Il dénonce «l’égoïsme, la cupidité et la myopie des pays les plus riches du monde» et dit être convaincu à 100% que dans la prochaine crise, «nous nous comporterons exactement de la même manière». 

Dans la hâte d’obtenir un vaccin pour arrêter la pandémie de COVID-19, des pays riches comme le Canada ont signé plusieurs accords d’achat anticipé avec plusieurs fabricants de vaccins dans le but d’être en première ligne lorsque ces vaccins étaient prêts à être utilisés.

Au même moment, le Canada et bien d’autres ont signé l’alliance de partage de vaccins COVAX, dont l’objectif était de faire en sorte que les pays riches aident les moins nantis à acheter des doses de vaccin.

Mais lorsque les vaccins sont arrivés pour la première fois, les doses initiales étaient presque entièrement réservées par un petit nombre de pays riches, laissant tous les autres attendre.

En date du 5 mai, trois personnes sur quatre dans les pays les plus riches étaient complètement vaccinées et près de la moitié avaient reçu une troisième voire une quatrième dose. Dans les pays aux revenus les plus faibles, 12,5% des personnes sont complètement vaccinées et moins de 1% ont reçu une dose de rappel. 

La vaccination dans les pays à faible revenu a repris, avec plus de 79 millions de doses administrées en 2022 à ce jour, contre 74,5 millions pour toute l’année 2021.

Au total, 1,4 milliard de doses de rappel ont été administrées cette année, presque toutes dans les pays à revenu élevé ou moyen. 

L’approvisionnement en vaccins n’est plus un problème, avec une demande plus faible dans les pays à revenu élevé et une production accrue partout. Les facteurs limitants sont maintenant de mettre les doses disponibles dans les bras des gens avant leur expiration et de surmonter l’hésitation qui, dans certains cas, est alimentée par le fait que tant de personnes ont déjà eu la COVID-19.

Plus le virus se propage, plus il a de chances de muter, conduisant à des variantes comme Omicron qui échappent partiellement à la protection vaccinale. Bien que les vaccins existants offrent toujours une excellente protection contre les maladies graves, ils n’empêchent pas la propagation de l’infection aussi bien qu’ils le faisaient avec les variants précédents, ce qui risque de provoquer davantage de mutations.

M. Pai a affirmé que de nouveaux variants continueront à arriver si la société ne prend pas les mesures nécessaires pour faire vacciner davantage de personnes.

«Pouvons-nous nous permettre un variant Sigma? Sommes-nous prêts à entrer dans un autre confinement? Nous ne le sommes pas.»

Certains fabricants de vaccins, dont Pfizer et Moderna, développent des doses de rappel spécifiques à Omicron. Mais le Dr Pai prédit que lorsque ceux-ci seront prêts, le cycle se répétera, les pays riches récupérant tous les approvisionnements initiaux tandis que les citoyens des pays à faible revenu devront à nouveau attendre.

M. Pai est l’un des nombreux témoins qui ont déclaré au comité que la solution consistait à aider chaque pays à fabriquer ou à se procurer ses propres vaccins.

Il mentionne que la seule façon dont cela pourrait se produire est si une règle de l’Organisation mondiale du commerce protégeant les brevets pour les produits pharmaceutiques est levée pour les vaccins et les traitements contre la COVID-19, que les informations technologiques nécessaires soient transférées et que des pays comme le Canada investissent dans des centres de production de vaccins pour les fabriquer.

L’Inde et l’Afrique du Sud ont proposé une telle dérogation en octobre 2020, mais elle a été largement ignorée pendant des mois. Il y a un an, les États-Unis ont dit qu’ils appuieraient l’idée, mais le Canada s’est contenté de dire qu’il était «prêt à en discuter».

Une proposition de dérogation a été faite et réécrite à plusieurs reprises, et la dernière version, qui ne s’appliquerait qu’aux vaccins dans un premier temps, ne sera pas discutée avant juillet.

Le Canada a fait don d’environ 700 millions $ à COVAX et a jusqu’à présent expédié 15 millions de doses à partir de ses propres approvisionnements. Le Canada affirme que ses dons en espèces ont permis à COVAX d’acheter lui-même 87 millions de doses, bien que ce nombre soit basé sur une formule établie par le Royaume-Uni en juin dernier et n’ait pas été confirmé par COVAX lui-même.

Le Canada promet de faire don d’au moins 200 millions de doses ou d’équivalents monétaires d’ici la fin de l’année. Son dernier don de 220 millions $ était destiné à aider à mettre les doses disponibles dans les bras des gens.