Un ex-employé à l’Agence spatiale canadienne est acquitté du chef d’abus de confiance

LONGUEUIL, Qc — Un ancien ingénieur de l’Agence spatiale canadienne a été acquitté vendredi de l’accusation d’abus de confiance concernant ses relations avec une entreprise aérospatiale chinoise alors qu’il était à l’emploi de l’agence fédérale.

Wanping Zheng, âgé de 63 ans, a exprimé son soulagement, vendredi, après la décision du juge Marc-Antoine Carette, de la Cour du Québec à Longueuil, sur la Rive-Sud de Montréal.

M. Zheng, un résident de Brossard, était accusé d’avoir utilisé son poste pour agir au nom de la société aérospatiale chinoise Spacety.

Le juge Carette a déclaré vendredi dans son jugement lu sur le banc que même si les actes reprochés à M. Zheng méritaient certainement des sanctions disciplinaires, la Couronne n’avait pas réussi au procès à prouver hors de tout doute qu’il avait commis un acte criminel.

Pour le juge, il est clair que M. Zheng a commis de nombreuses erreurs de jugement et que ses gestes constituent clairement de nombreuses fautes disciplinaires. 

Mais il a ajouté que la Cour n’était pas convaincue hors de tout doute raisonnable que la conduite de M. Zheng constituait une négligence criminelle — en d’autres termes: un écart marqué par rapport à la conduite attendue d’une personne raisonnable occupant la même position de confiance.

La Couronne a allégué au procès que M. Zheng avait agi comme intermédiaire pour l’entreprise chinoise Spacety en contactant deux entreprises spatiales canadiennes pour faire affaire avec elle. Les infractions présumées se seraient déroulées entre juillet 2018 et mai 2019.

M. Zheng a notamment contacté Ewan Reid, PDG de Mission Control Space Services, pour discuter de la construction d’une station satellite au sol en Islande pour le compte de Spacety. M. Reid avait des liens étroits avec ce pays insulaire nordique.

Au cours des discussions, il est devenu évident pour M. Reid qu’il n’y avait pas beaucoup de travail pour son entreprise et que M. Zheng était plus intéressé par ses contacts en Islande. Mais il a déclaré au tribunal qu’il n’osait pas blesser M. Zheng, un ingénieur de haut rang à l’Agence spatiale canadienne, un client clé de son entreprise.

M. Zheng a également contacté Kepler Communications, une société canadienne de satellites, au sujet d’une occasion d’affaires avec Spacety impliquant la construction et le lancement de 50 satellites.

La notion de conflit d’intérêts

L’ingénieur Zheng n’a pas révélé ces transactions aux responsables de l’Agence spatiale canadienne, où il a travaillé pendant 25 ans.Or, le tribunal a appris au procès que l’agence fédérale avait demandé à M. Zheng de divulguer et de documenter tous ses contacts.

De plus, les responsables de l’agence avaient souligné les difficultés de M. Zheng à bien saisir la notion de conflit d’intérêts. Ils ont déclaré qu’ils avaient dû lui expliquer à plusieurs reprises qu’il devait faire attention à ses interactions.

M. Zheng a pris un congé autorisé en décembre 2018 lorsque l’agence a ouvert une enquête interne sur son comportement. Il a définitivement quitté l’ASC en septembre 2019. Dans les jours qui ont suivi son départ, l’agence a contacté la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui l’a accusé en 2021.

L’accusé n’a pas témoigné au procès, mais la Couronne a déposé en preuve la déclaration qu’il avait faite aux policiers en 2021, après son arrestation, au cours de laquelle il défendait ses gestes. Il soutenait alors qu’il avait seulement voulu aider les deux sociétés canadiennes en les mettant en liaison avec la firme chinoise. Il a toutefois reconnu qu’il était allé trop loin dans ce rôle d’intermédiaire. 

Le tribunal a appris que M. Zheng n’avait ni demandé ni reçu de compensation de la part de Spacety lorsqu’il a contacté les entreprises canadiennes. Il n’a également partagé aucune information de l’Agence spatiale canadienne, un fait que le juge Carette a qualifié de remarquable.

Alors qu’il était à la recherche d’un nouvel emploi après sa démission de l’Agence spatiale canadienne, en septembre 2019, M. Zheng a été embauché par Spacety pour implanter l’entreprise chinoise au Luxembourg.

M. Zheng n’a pas commenté son acquittement, vendredi, mais son avocat, Andrew Barbacki, a indiqué  aux journalistes que cette procédure avait été très stressante pour son client. «Je ne crois pas qu’il ait commis quoi que ce soit de criminel et c’est ce que le juge a dit.»

Le procureur Marc Cigana a déclaré que son bureau étudierait la décision avant de décider s’il devait faire appel. Mais il a précisé que si la Couronne avait pensé qu’il s’agissait simplement d’une «erreur de jugement», le Service des poursuites pénales du Canada n’aurait pas porté d’accusation criminelle.