Un détenu de l’Ontario aurait dû être transféré dans un hôpital, selon une enquête

TORONTO — L’enquête du coroner portant sur le décès d’un détenu souffrant de troubles mentaux dans une prison de l’Ontario a appris lundi que l’établissement n’avait pas respecté une politique gouvernementale d’envoyer les détenus ne pouvant pas être adéquatement soignés dans un établissement de santé extérieur.

Deux hautes responsables du ministère du Solliciteur général ont témoigné dans le cadre de l’enquête sur le décès de Soleiman Faqiri, en décembre 2016, même si aucune d’elles n’avait à l’époque une supervision directe de l’affaire.

Linda Ogilvie, qui a travaillé au sein de l’unité de soins de santé du ministère et examiné le dossier de M. Faqiri dans le cadre d’une enquête interne, a déclaré que l’on «s’attendait», même avant décembre 2016, à ce que les institutions transfèrent les personnes vers des soins communautaires si leurs besoins en matière de soins de santé nécessitaient plus de ressources que ce que les prisons disposaient.

Ces décisions sont laissées à la discrétion du personnel de l’établissement, un processus qui «repose sur la reconnaissance par les praticiens que les soins dispensés dépassent leurs capacités», a-t-elle résumé.

État préoccupant

En examinant son dossier, il est clair que M. Faqiri était « très malade » et on aurait pu s’attendre à ce qu’il soit envoyé à l’hôpital, a avancé Mme Ogilvie.

L’enquête a également révélé que M. Faqiri avait été arrêté début décembre 2016 après avoir supposément poignardé un voisin alors qu’il était en proie à une crise.

Le personnel des soins de santé et des services correctionnels du Centre correctionnel du Centre-Est à Lindsay, en Ontario, a noté des comportements de plus en plus préoccupants au fil du temps, et un témoin, un psychiatre légiste, a déclaré lors de l’enquête que M. Faqiri avait l’air d’être au milieu d’un «épisode psychotique».

M. Faqiri est décédé après une violente lutte avec des agents pénitentiaires, le 15 décembre 2016.

Mme Ogilvie a témoigné lors de l’enquête que son équipe n’était pas impliquée directement auprès de la prison, mais qu’elle pouvait fournir un soutien et agir en tant que consultante si une institution lui en faisait la demande. Cela ne s’était pas produit pendant la détention de M. Faqiri.

Leçons

Un examen interne de la situation a été lancé par le ministère du Solliciteur général en novembre 2017, mais les travailleurs de la santé de première ligne n’ont pas été contactés dans le cadre du processus, ont appris les jurés. 

«Se peut-il que des leçons auraient pu être apprises par le ministère pendant les 11 mois suivant la mort de M. Faqiri ?»  a demandé l’avocat du coroner, Julian Roy.

«En effet», a répondu Mme Ogilvie, à qui l’avocat a ensuite demandé si l’examen ou toute mesure supplémentaire prise par la suite avait mis en lumière les raisons pour lesquelles M. Faqiri n’avait pas été envoyé à l’hôpital, comme on aurait pu s’y attendre.

Mme Ogilvie a déclaré qu’elle ne disposait que d’« informations anecdotiques » basées sur des conversations avec la direction de la prison.

« D’après ce que je comprends, lorsque les patients étaient envoyés à l’hôpital local, ils étaient souvent refoulés au service des urgences et ne disposaient pas de voie (rapide) d’admission », a-t-elle déclaré.

À la lumière de ces expériences, le personnel a peut-être pensé «qu’il ne serait pas avantageux de l’envoyer dans cet hôpital à ce moment-là», d’autant plus que d’autres mesures étaient prises pour tenter d’obtenir des soins pour M. Faqiri, a-t-elle expliqué.

Les jurés ont également entendu dire que M. Faqiri avait consulté un médecin, mais n’avait pas consulté de psychiatre pendant sa détention. Mme Ogilvie a relevé que le psychiatre de l’établissement était en vacances à ce moment-là et que même s’il avait été de sa responsabilité de trouver quelqu’un pour le remplacer, cela pouvait souvent s’avérer difficile.

«L’autre solution aurait été l’utilisation de la télémédecine et de la télépsychiatrie», a fait valoir Mme Ogilvie, mais celles-ci ont des limites dans la mesure où tous les patients ne peuvent pas être vus de cette façon. Les patients trop malades pour recourir à cette méthode devraient être vus en personne, a-t-elle déclaré.

L’enquête a révélé que M. Faqiri devait subir une évaluation de son aptitude à subir un procès par vidéo, mais qu’il a été jugé trop malade ce jour-là pour qu’elle ait lieu.

L’enquête a également entendu Tracey Gunton, une autre haute responsable du ministère, qui a déclaré que les relations entre la prison et l’hôpital étaient désormais «nettement meilleures». Les conditions de service ont été revues, même si Mme Gunton a déclaré qu’elle ne savait pas si elles avaient été entérinées.