Traumatisme à l’enfance, douleur chronique à l’âge adulte

MONTRÉAL — Des expériences négatives à l’enfance sont associées à une probabilité plus élevée de douleur chronique à l’âge adulte, constate une méta-analyse pilotée par un chercheur de l’Université McGill.

Plus spécifiquement, les individus qui ont rapporté avoir été agressés physiquement à l’enfance étaient ensuite beaucoup plus susceptibles de témoigner d’une douleur chronique ou d’une incapacité causée par la douleur à l’âge adulte.

«Les expériences négatives durant l’enfance sont associées à différents problèmes de santé qu’on peut comprendre sur un plan psychologique, mais aussi sur un plan physique», a rappelé le professeur André Bussières, de l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de McGill.

«On s’est demandé si, effectivement, il y avait un lien qui peut exister entre ces expériences négatives chez l’enfant et plus tard, chez l’adulte, des conséquences à long terme.»

Une expérience négative directe à l’enfance (comme une agression physique, sexuelle ou émotionnelle, ou encore de la négligence) combinée à une expérience négative indirecte (violence domestique ou maladie mentale au sein du foyer) augmentait le risque de douleur chronique ou d’incapacité causée par la douleur à l’âge adulte.

Le risque de douleur chronique à l’âge adulte augmentait progressivement selon que le sujet avait été victime d’une, deux, trois, quatre ou plus expérience(s) négative(s) à l’enfance.

L’augmentation du risque de douleur chronique allait de 31 % lors d’une exposition unique à 98 % lors d’expositions multiples.

Le professeur Bussières et ses collègues en viennent à ces conclusions après avoir épluché une soixantaine d’études sur le sujet.

«Ces troubles douloureux étant très fréquents, une augmentation modeste du risque implique un grand nombre de cas supplémentaires et donc un impact important sur la santé de la population», soulignent les auteurs.

L’exposition à une expérience négative à l’enfance serait associée aux douleurs chroniques les plus fréquentes, comme les douleurs au dos, les douleurs au cou ou d’autres troubles musculosquelettiques, entraînant des coûts faramineux pour le système de santé, rappellent-ils.

Le mécanisme exact qui sous-tend l’association entre la douleur chronique à l’âge adulte et des expériences négatives à l’enfance n’est pas bien compris. Un changement à l’expression des gènes qui affecterait la structure et le fonctionnement du cerveau, une plus grande sensibilité à la douleur plus tard pendant la vie et une production moindre de cortisone à l’âge adulte comptent parmi les hypothèses à l’étude.

«L’autre (hypothèse), c’est que ça entraîne un stress qui est continu chez l’individu, qui peut devenir inconscient, a dit le professeur Bussières. On ne se souvient pas nécessairement de tous les événements qui nous sont arrivés au cours de notre vie et qui pourraient engendrer une fatigue éventuelle du système nerveux, une difficulté à contrôler la douleur, (…) et donc ça se passe plus au niveau du système nerveux central.»

Environ un Canadien sur cinq souffrirait d’une douleur chronique. Une étude publiée en 2016 calculait qu’un milliard d’enfants ― soit la moitié des enfants de la planète ― sont exposés chaque année à une violence physique, sexuelle ou émotionnelle.

Les conclusions de la nouvelle étude ont été publiées par la revue médicale European Journal of Psychotraumatology.