Steeve Gagnon: «Nous avons le devoir spirituel de prier pour lui, pour sa conversion»

AMQUI — «Nous avons le devoir spirituel de prier pour lui, pour sa conversion.»

Cette voix douce qui résonne à peine dans l’église silencieuse parle de Steeve Gagnon, accusé d’avoir fauché à mort deux aînés, en plus d’avoir renversé plusieurs autres piétons, dont deux bambins, lundi à Amqui.

Kindé Cosme Arouko est le curé responsable des 22 paroisses de la vallée de la Matapédia. C’est un petit homme calme aux cheveux grisonnants, vêtu d’une chemise avec un col qui s’apparente au col romain.

Ce Béninois d’origine, arrivé en 2018, doit couvrir un immense territoire et est confronté à toutes sortes de défis depuis son arrivée. Découvrir le froid humide, la première neige. 

«C’est difficile, mais il faut apprendre l’adaptation, explique l’homme sur un ton et serein. Et puis je m’adapte bien et j’aime le milieu, ce qui fait que c’est plus facile.»

Mais le plus dur? Les églises presque vides, alors qu’au Bénin les assemblées font salle comble.

«Nous autres, l’église est remplie de monde, il n’y a pas de place pour s’asseoir. Les gens restent dehors pour écouter la messe. Et quand on arrive ici l’église est vaste, presque vide à l’intérieur.»

Cette fois, sa communauté d’Amqui, où il habite, vit un deuil et un immense chagrin après la tragédie de lundi. Des fidèles viennent chercher du réconfort. On distribue des biscuits et du café à l’entrée.

«C’est un choc, très grand, les gens ont peur… On demande au Seigneur que ça n’arrive plus», témoigne-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne au milieu de sa vaste église d’une blancheur immaculée, restaurée, éclairée par des vitraux chatoyants. 

Dans les marches, les oursons en peluche et les bouquets s’accumulent, dons des concitoyens, à la mémoire des éprouvés.

«C’est un drame difficile à supporter», dit M. Arouko, qui célébrera une messe vendredi soir avec l’archevêque de Rimouski, Denis Grondin, pour honorer les victimes. 

Après avoir visité mardi les lieux où Gagnon aurait foncé sur les piétons avec la camionnette, pas très loin de l’église,  le prêtre est revenu «affecté», selon ses mots.

«Je me suis retiré et j’ai prié, puis je me concentre et je prends le côté positif des choses. (…) Je prends mon courage pour encourager aussi le peuple.»

Il constate que ses paroissiens ont de nombreuses questions sans réponse sur le pourquoi du drame. Lui constate que beaucoup de gens au Québec souffrent d’isolement et qu’il faut se demander comment on peut mieux soutenir «les gens en détresse», mieux les prendre en charge.

«Quand on ne partage pas ce qu’on vit, ça se dégrade davantage», fait-il remarquer.

Le religieux de 46 ans appelle à ne pas juger Steeve Gagnon et plutôt laisser la justice faire son travail. 

«Nous avons le devoir spirituel de prier pour lui, pour sa conversion, pour qu’il change de coeur, pour qu’il regarde les choses positivement, de tout son coeur, pour qu’il abandonne ce penchant mauvais, pour que cela n’arrive plus.»

Le prêtre est déjà en train de préparer la cérémonie de vendredi. Il choisit les textes, les prières, pour donner un sens à l’insensé, pour réconforter.

«En gros, c’est un message d’espérance. (…) Le moment est difficile, mais le monde ne s’arrête pas, ça continue.»