Rapport de la coroner sur la mort d’une enfant de 6 ans qui suivait des cours de ski

MONTRÉAL — Une coroner demande aux différents acteurs de l’industrie du ski et de la glisse de revoir leurs pratiques en matière de formation et de sécurité, à la suite du décès d’une fillette de six ans qui avait été traînée par la remontée mécanique de type «arbalète» lors d’un cours de ski, en janvier dernier.

La coroner Julie-Kim Godin a publié ce mois-ci son rapport sur le décès de la petite Lily Leblanc, survenu le 29 janvier à la station de ski Val Saint-Côme, dans Lanaudière.

Le rapport de la coroner indique que la fillette était tirée par la «barre en T» avec un autre élève lorsque leur moniteur, qui était à environ deux arbalètes derrière, leur a demandé de quitter la remontée mécanique parce qu’un autre élève était tombé.

Lily Leblanc tente alors de quitter la remontée mécanique mais elle tombe; le capuchon de son manteau se coince alors dans la barre en T et elle est traînée sur environ 540 mètres.

La coroner a conclu que la fillette était morte d’une asphyxie due à la compression exercée par le collet de son manteau qui était tiré par la remontée mécanique. L’enfant a perdu connaissance et s’est retrouvée dans l’impossibilité de se déprendre de sa position, indique le rapport.

Le décès a été jugé accidentel, mais les recommandations de la coroner Godin ont soulevé des questions sur les pratiques de sécurité en vigueur pour l’enseignement et la supervision des skieurs.

«Les règles de base de sécurité et les directives écrites concernant les mesures d’urgence pour toutes les situations prévisibles de la station Val Saint-Côme ont été ignorées», écrit la coroner dans son rapport, daté du 13 novembre. «On peut même se demander si elles avaient été enseignées aux préposés.»

Trois grands facteurs

La coroner Godin souligne que plusieurs facteurs ont contribué au décès, notamment le fait que l’enfant ne partageait pas la barre en T avec un adulte et qu’on lui avait ordonné de quitter la remontée mécanique qui était toujours en mouvement, probablement parce que le moniteur de ski avait appris à maintenir son groupe ensemble en tout temps.

Le rapport révèle également que le moniteur et les préposés à la remontée mécanique n’ont pas respecté les principes de sécurité de base en redémarrant la remontée mécanique – après l’avoir initialement arrêtée – sans vérifier que la fillette était en sécurité.

«Ainsi, personne n’est allé porter secours à Lily ou vérifier qu’elle s’était bien relevée avant de remettre en fonction la remontée, et ce, alors qu’on savait qu’elle avait chuté et qu’elle était pendue à un  »T-bar » qui était coincé dans une partie de son manteau», écrit la coroner.

Quelques instants après la chute de la fillette, le moniteur a emmené les deux autres élèves au bas de la pente et a demandé au préposé d’arrêter la remontée mécanique car une élève était coincée. Mais «la remontée mécanique a été redémarrée sans que les préposés (…) se soient préalablement assurés de la sécurité et du bien-être de Lily», lit-on dans le rapport.

Le préposé à la remontée au sommet de la colline a finalement vu la fillette tirée par la barre en T, inconsciente. Mais comme la radio permettant de joindre les patrouilleurs ne fonctionnait pas, le préposé est descendu à pied chercher de l’aide. La fillette a finalement été transportée à l’infirmerie de la station de ski puis à l’Hôpital de Lanaudière, peu après 10 h. Mais elle a été rapidement transférée à l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, où son décès a été constaté à 20 h.

Dilemme du moniteur

La coroner a conclu que le moniteur de ski, qui avait trois enfants sous sa surveillance, a été confronté à une situation difficile lors de la chute du premier élève: soit ordonner aux deux autres élèves de quitter la remontée mécanique en mouvement — une pratique déconseillée —, soit de permettre que le groupe soit séparé, ce qui va à l’encontre des règles de sécurité apprises.

«Il s’agit d’une situation exceptionnelle où il a fallu prioriser un des deux principes, écrit la coroner. La décision qui a été prise a déclenché la cascade des évènements qui ont suivi.»

Mme Godin souligne toutefois que le problème aurait pu être évité si chaque enfant avait été accompagné dans la remontée par un moniteur ou un adulte. Elle souligne aussi que les préposés à la remontée mécanique ont déclaré qu’ils n’avaient reçu que quatre heures de formation et qu’un des employés ne se souvenait pas avoir reçu «une procédure particulière» à suivre en cas de chute.

La coroner recommande à l’Association canadienne de normalisation et à l’Association des stations de ski du Québec «de se pencher sur les évènements entourant le décès de Lily afin de revoir l’encadrement de la formation des opérateurs et des préposés et de mettre en place des solutions pour prévenir un évènement similaire et des décès évitables».

Elle a également appelé les associations canadiennes et québécoises de moniteurs de ski et de planches à neige à améliorer la formation. Elle exhorte l’Association des stations de ski du Québec et la station Val Saint-Côme à étudier les moyens d’avoir plus de personnel en place pendant les cours de ski donnés aux enfants.

Le rapport souligne que la station Val Saint-Côme a depuis remplacé ses «arbalètes» par une remontée de type «tapis magique» et qu’elle confirme que les élèves seront «toujours accompagnés d’un moniteur» lors de l’ascension.

De son côté, l’Association des stations de ski du Québec a indiqué dans un communiqué mercredi qu’elle formait un comité d’experts pour revoir son «Guide des bonnes pratiques des écoles de ski» et qu’elle proposerait une nouvelle formation aux préposés aux remontées mécaniques à compter de décembre.