Près du quart des Canadiens coupent dans leurs médicaments, selon un sondage

MONTRÉAL — Faute d’une assurance, 22 % des Canadiens ont coupé en deux leurs comprimés, sauté des doses ou n’ont pas renouvelé une ordonnance en raison du coût des médicaments, rapporte un nouveau sondage. À la lumière de ces résultats, Cœur + AVC et la Société canadienne du cancer exhortent le gouvernement fédéral à adopter dès maintenant un régime national d’assurance-médicaments. 

Le sondage réalisé par Léger révèle aussi qu’un Canadien sur dix atteint d’une maladie chronique s’est retrouvé à l’urgence puisque son état s’était détérioré en raison d’une incapacité à payer ses médicaments sur ordonnance. 

Ces résultats ne surprennent pas Francine Forget Marin, directrice aux Affaires santé et recherche, Québec, à Cœur + AVC. «Déjà, une personne sur cinq n’a pas d’assurance pour couvrir le coût des médicaments d’ordonnance», souligne-t-elle. 

Les résultats montrent aussi qu’un Canadien sur quatre doit faire des choix difficiles, comme reporter le paiement d’un loyer, pour pouvoir acheter ses médicaments. 

Même au Québec, qui détient pourtant l’un des meilleurs régimes d’assurance-médicaments au pays, 10 % des Québécois ont dit avoir coupé sur l’épicerie et 5 % ont admis s’être endettés pour arriver à payer leurs médicaments. 

Le sondage commandé par Cœur + AVC et la Société canadienne du cancer (SCC) a été mené auprès de 2048 Canadiens à la fin de janvier 2024. Aucune marge d’erreur ne peut être associée à un échantillon dont le panel est en ligne, mais un échantillon de cette taille donnerait normalement une marge d’erreur de 2,2 %, 19 fois sur 20. 

Les deux organismes ont indiqué qu’un régime universel d’assurance pour les médicaments essentiels permettrait au système de soins de santé d’économiser en moyenne 1488 $ par personne malade par année en évitant des déplacements imprévus à l’hôpital. 

Mme Forget Marin donne l’exemple de l’hypertension, qui est le principal facteur de risque des AVC, expliquant que cela coûte moins cher à l’État de traiter l’hypertension que de donner les soins qui sont requis pour sauver la vie d’une personne qui a subi un AVC. 

Le manque d’un régime universel d’assurance-médicaments a de graves conséquences. «Chaque année au pays, il y a 1000 personnes qui meurent d’une maladie du cœur ou du diabète parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer les médicaments dont elles ont besoin», a déclaré Mme Forget Marin.

Elle ajoute que les cancers, les maladies du cœur et l’AVC constituent les principales causes de décès au pays, et tous ensemble ils entraîneraient 50 % des décès à l’échelle nationale. 

Les libéraux pressés d’agir 

Les résultats du sondage sont publiés alors que le Nouveau Parti démocratique menace de se retirer de l’entente avec le gouvernement libéral, selon laquelle il le soutient lors des votes clés à la Chambre des communes, s’il n’annonce pas un programme universel d’assurance-médicaments d’ici la fin du mois. 

L’entente initiale prévoyait l’adoption d’une Loi sur l’assurance-médicaments au Canada d’ici la fin de 2023, mais le NPD a accepté de donner un sursis aux libéraux, fixant au 1er mars la date limite d’un projet de loi pour une assurance-médicaments universelle. 

La majorité des Canadiens (82 %) croit d’ailleurs qu’il revient au gouvernement fédéral de veiller à ce que tous les citoyens bénéficient d’un régime d’assurance-médicaments, selon le sondage. 

Coeur + AVC et la SCC souhaitent un système national hybride, c’est-à-dire que le gouvernement fédéral serait le principal payeur pour des médicaments qui figureraient sur une liste où l’on retrouverait les médicaments les plus prescrits ainsi que ceux qui sont vitaux. Cette liste devrait être déterminée par des professionnels de la santé, a précisé Mme Forget Marin. 

Selon le rapport Hoskins sur l’assurance-médicaments publié par le gouvernement fédéral en 2019, les médicaments les plus prescrits et les plus importants au niveau clinique représentent la moitié de toutes les ordonnances au Canada.

Avec un système hybride, les assurances privées et les régimes publics provinciaux devraient rembourser les autres médicaments. 

«Cœur + AVC ça fait des années qu’on préconise un régime national universel d’assurance-médicaments, donc ça serait très bien que ça soit mis en place le 1er mars 2024», a dit Mme Forget Marin. 

Elle souligne par ailleurs que le Canada est le seul pays qui est doté d’un régime universel d’assurance maladie qui n’inclut pas les médicaments d’ordonnance. 

Inégalités sociales 

Le manque d’assurance-médicaments nationale favorise les inégalités sociales. Certaines personnes – les femmes, les Autochtones, les personnes qui sont jeunes, racisées ou immigrantes et les personnes à faible revenu – ont plus de difficulté à payer les médicaments d’ordonnance dont elles ont besoin, a affirmé la directrice chez Cœur + AVC. 

Le rapport Hoskins révélait qu’une personne sur cinq, soit 7,5 millions de Canadiens, n’a pas d’assurance pour leurs médicaments sur ordonnance ou une protection suffisante pour les payer. 

«Ce sont d’autres données qui indiquent l’importance d’avoir un régime universel d’assurance-médicaments qui serait pour tout le monde, peu importe son âge, l’endroit où les gens habitent, peu importe leur situation financière, ça devrait être équitable, universel, public et abordable», a fait valoir Mme Forget Marin. 

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