Pensionnats: l’interlocutrice extraordinaire demande une loi contre le déni

OTTAWA — Le ministre fédéral de la Justice examine l’idée lancée par la conseillère indépendante pour les sépultures anonymes qui réclame une mesure législative pour criminaliser le déni envers les pensionnats pour enfants autochtones.

Des chefs autochtones ont également soulevé cette demande.

Dans son rapport intermédiaire remis en juin, Kimberly Murray, l’interlocutrice extraordinaire indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, souhaite que les parlementaires fédéraux étudient des «mécanismes légaux» pour sanctionner le déni à l’endroit des agressions subies par les enfants dans les pensionnats pour autochtones.

L’une des façons d’y arriver serait de modifier le Code criminel afin de criminaliser ce déni comme le Parlement l’avait fait en 2022 pour lutter contre le négationnisme, une idéologie qui consiste à nier l’existence de la Shoah, a-t-elle dit lors d’une récente entrevue.

«Nous pouvons faire la même chose pour les peuples autochtones. Nier ce qui s’est passé dans les pensionnats ou le minimiser, il faut que cela devienne un délit pour incitation à la haine contre les peuples autochtones.»

Mme Murray, dont le mandat de deux ans doit se terminer en juin prochain, signale que tous les intervenants à qui elle a parlé, notamment des chefs autochtones, souhaitent l’adoption d’une telle modification au Code criminel.

Plus de 150 000 enfants métis, inuits ou des Premières Nations ont été placés dans des pensionnats, dont une majorité était gérée par l’Église catholique.

La Commission de vérité et réconciliation du Canada a enquêté pendant six ans sur ce système. Elle a entendu des milliers de victimes ayant subi des agressions physiques, émotionnelles, sexuelles et spirituelles et souffert de négligence et de malnutrition.

Environ 6000 enfants autochtones sont morts dans ces établissements. Plusieurs experts croient que ce bilan pourrait être supérieur. Le Centre national pour la vérité et la réconciliation a recensé plus de 4000 noms des victimes.

Au moment de la remise du rapport provisoire, David Lametti était le ministre de la Justice. Il s’était dit ouvert à toutes les possibilités législatives pour lutter contre le déni envers les pensionnats, notamment en le rendant «hors-la-loi».

Depuis, M. Lametti a été remplacé par Arif Virani.

Chantelle Aubertin, une porte-parole de M. Virani, a dit que celui-ci «explore toutes les options» proposées par Mme Murray dans son rapport préliminaire. Le ministre est impatient de lire des recommandations finales, a-t-elle ajouté.

«Nous ne pouvons pas ignorer les répercussions durables que ces pensionnats ont eues sur les peuples autochtones. Ce traumatisme intergénérationnel continue à se faire ressentir aujourd’hui. Le déni envers ces atrocités est douloureux pour les victimes, les familles et les collectivités», a-t-elle déclaré, vendredi.

Selon Mme Aubertin, les recommandations finales de Mme Murray seront cruciales pour la mise en place d’un cadre juridique fédéral visant à protéger les droits et à faire respecter la dignité des enfants enterrés dans les sépultures anonymes liées aux pensionnats.

En attendant, Mme Murray dit espère que la députée néo-démocrate de Winnipeg-Centre, Leah Gazan, proposera bientôt son projet de loi d’initiative privée visant à criminaliser le déni envers les pensionnats autochtones.

Mme Gaza a récemment déclaré aux journalistes que ce projet «continuait à être peaufiné». Elle a confirmé plus tard qu’elle avait l’intention de déposer cette mesure législative sans en préciser le moment.

«J’espère vraiment qu’elle va le faire. Elle a tout mon appui pour y arriver. Toutes les victimes vont l’appuyer dans ses démarches, souligne Mme Murray. Nous gardons notre souffle en espérant qu’elle va le faire dès ce mois-ci.»