Ottawa imposera sa tarification sur le carbone dans trois provinces de l’Atlantique

OTTAWA — Trois provinces de l’Atlantique seront assujetties l’été prochain au système fédéral de tarification du carbone selon la consommation des particuliers.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a annoncé mardi que les plans de tarification soumis par la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard ne respectaient pas les normes les plus élevées de la tarification du carbone fédérale qui entrera en vigueur l’année prochaine. 

Ainsi, au 1er juillet, les consommateurs et les petites entreprises de ces provinces vont rejoindre ceux de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Ontario qui paient déjà la tarification fédérale du carbone et reçoivent les ristournes associées.

Certains dirigeants provinciaux ne s’en réjouissent pas, notamment le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, qui accuse le gouvernement fédéral d’être «déconnecté». 

Ottawa n’a pas précisé ce qui a disqualifié les plans soumis par ces provinces, mais il existe des désaccords connus. Ces derniers concernent le mazout domestique — s’il devrait continuer d’être exclu de cette mesure — ainsi que la réduction par les provinces des taxes sur l’essence et le gaz naturel pour compenser la tarification du carbone. 

Les trois provinces de l’Atlantique facturaient déjà la même taxe sur la plupart des carburants, notamment l’essence, le diesel et le gaz naturel, mais le mazout était exonéré. 

Ce ne serait plus le cas, puisque la tarification du carbone ajoutera 17,4 cents par litre au prix du mazout. 

Le mazout est peu utilisé hors des Maritimes, cependant, près de la moitié des résidences de l’Île-du-Prince-Édouard, un tiers de celles de la Nouvelle-Écosse ainsi qu’un cinquième de celles de Terre-Neuve comptent sur ce carburant pour se chauffer notamment. 

M. Guilbeault a rappelé que la nouvelle tarification n’entrera en vigueur qu’en juillet, soit après l’hiver. Les ristournes commenceront à être versées le même mois. Chaque trimestre, les ménages de Terre-Neuve obtiendront 328 $, ceux de la Nouvelle-Écosse, 248 $, et ceux de l’Île-du-Prince-Édouard, 240 $, a-t-il expliqué. 

«Il est important de savoir que ces paiements arrivent avant que la redevance sur les carburants se fasse sentir», a-t-il ajouté. 

Le ministre a également souligné que des programmes récents offrent une aide financière allant jusqu’à 5000 $ pour remplacer les chaudières à mazout par des thermopompes électriques.

M. Guilbeault a reconnu que le gouvernement n’a pas fait un bon travail pour faire connaître ces ristournes au grand public. Il espère cependant que le passage aux versements trimestriels changera la donne. 

Les résidants de sept provinces recevront désormais de l’argent du gouvernement fédéral en vertu de cette politique. 

D’ici juillet 2023, seuls le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique auront des systèmes provinciaux de tarification du carbone pour les particuliers et les entreprises qui ont des niveaux d’émissions plus faibles.

Le Québec a un système de plafonnement et d’échange sans ristournes. Le Nouveau-Brunswick devrait dévoiler prochainement les détails de son système, mais a déjà obtenu l’approbation d’Ottawa. 

Ottawa a également donné son feu vert au projet de la Saskatchewan d’intégrer les gazoducs et les centrales électriques dans son système de tarification provincial pour les grands émetteurs industriels. De son côté, le gouvernement fédéral charge séparément la pollution de ces grandes industries, les facturant sur une partie de leurs émissions plutôt que sur les carburants.

Auparavant, la Saskatchewan exemptait les pipelines et les centrales de sa tarification provinciale. 

Un débat terminé, selon M. Guilbeault

Huit provinces utiliseront désormais leur propre système de tarification provincial pour les grandes industries, ce qui, selon le ministre Guilbeault, est un signe que le débat sur la question de savoir si ces émissions devraient avoir un coût est terminé.

Le débat se poursuit, cependant, sur la question de savoir si une tarification du carbone à la consommation est la bonne décision. Les premiers ministres de l’Atlantique ont critiqué mardi le gouvernement fédéral pour l’avoir étendu à leurs provinces.

Le premier ministre de Terre-Neuve, Andrew Furey, était principalement contrarié par l’extension de la taxe au mazout domestique alors que son prix a déjà grimpé en flèche.

«C’est dans cet esprit que j’ai plaidé à maintes reprises pour la flexibilité concernant la tarification du carbone», a-t-il déclaré.

M. Houston, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse s’est dit «déçu» de la décision, qui ajoute des coûts pour les gens à un moment où ils souffrent déjà.

«L’incapacité du gouvernement fédéral à comprendre cela montre qu’il est tout simplement déconnecté», a-t-il plaidé.

M. Houston a dit avoir envoyé une lettre de six pages à M. Guilbeault avant l’annonce qui détaillait ses objections à une tarification du carbone, disant notamment que la plupart des Néo-Écossais n’ont pas d’alternative à faible émission.

Le ministre du Travail Seamus O’Regan, qui était avec M. Guilbeault lors d’une conférence de presse mardi, est revenu sur ce point.

«Je déteste particulièrement qu’on attise le drame et l’anxiété chez les gens, que ce soit dans ma province ou n’importe où dans le pays», a-t-il martelé.

M. O’Regan, qui représente une circonscription de Saint-Jean de Terre-Neuve, a insisté sur le fait que la tarification du carbone ne rend pas la vie moins abordable, car les remises sont plus élevées pour la plupart des gens — ce qui a été confirmé par le directeur parlementaire du budget.

«C’est un bon plan, et il y aura plus d’argent sur votre compte bancaire qu’il n’y en avait auparavant, et vous ferez quelque chose de très efficace», a-t-il dit. 

M. Guilbeault a expliqué que l’idée d’une tarification du carbone est qu’elle fournit une incitation financière à trouver des moyens de réduire l’utilisation des combustibles fossiles en rendant leur achat plus coûteux. Les paiements empêchent les familles de perdre de l’argent dans l’ensemble tout en étant incitées à réduire leur consommation de carburant, selon lui, car les remises demeurent, même lorsqu’on réduit sa consommation.

M. Guilbeault a semblé particulièrement contrarié par ses interactions avec M. Houston.

«Je trouve vraiment inadmissible que le premier ministre Houston ait ce type d’attitude, après ce que nous avons vu dans le Canada atlantique, avec le passage de l’ouragan le plus violent de l’histoire du Canada», a-t-il souligné.

M. Houston se qualifie de «conservateur progressiste», a ajouté M. Guilbeault. «Je suppose que nous n’avons pas la même définition de ce que signifie progressiste.»

Pour sa part, M. Houston a implicitement laissé entendre que les libéraux paieraient pour cette décision lors des prochaines élections.

«Les Néo-Écossais s’en souviendront», a-t-il dit.

— Avec des informations de Keith Doucette à Halifax et de Sarah Smellie à Saint-Jean.