Ottawa exhorté à mettre fin à l’impasse sur le projet de loi sur l’emploi durable

OTTAWA — Une douzaine de groupes environnementaux et d’organisations syndicales implorent le gouvernement libéral de mettre fin à l’impasse politique concernant son prochain projet de loi sur les emplois durables.

Aliénor Rougeot, responsable du programme climat et énergie chez Environmental Defence, a déclaré que le gouvernement continue de dire que le projet de loi C-50 est une priorité, mais n’a pas pris de mesures pour le renvoyer sur le parquet de la Chambre des communes pour un vote final.

«Cela doit être adopté maintenant», a insisté Mme Rougeot.

Environmental Defence et le Congrès du travail du Canada se sont joints lundi à 10 autres organisations environnementales et syndicales pour écrire au gouvernement afin qu’il place le projet de loi dans ses priorités.

L’attente autour de la législation tient en grande partie à des questions  bureaucratiques. La loi exigerait que le gouvernement mette en place des plans quinquennaux et un conseil consultatif pour aider les travailleurs des secteurs touchés par la transition vers les technologies propres à se préparer aux nouvelles compétences et exigences professionnelles à venir.

Le gouvernement a présenté l’année dernière un plan intérimaire qui promettait des programmes de formation et de meilleures données sur les attentes actuelles et futures en matière d’emplois dans le secteur canadien de l’énergie.

Le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, insiste sur le fait que le projet de loi ne vise pas la suppression d’emplois, mais vise à forcer le gouvernement fédéral à créer et protéger des emplois et à donner aux travailleurs des industries touchées l’assurance qu’ils ont un avenir.

Peur de la pénurie de main-d’oeuvre

Les PDG de certaines des plus grandes sociétés d’exploitation des sables bitumineux du Canada ont déclaré l’année dernière que, dans leur engagement à décarboner leurs sites de production, leur crainte n’était pas de plier boutique en raison d’un soi-disant plan de transition juste, mais à cause d’une pénurie de main-d’œuvre.

Ils estiment qu’ils créeront 35 000 emplois pour atteindre leurs objectifs de développement durable d’ici 2050, et leur plus grande préoccupation est de ne pas disposer de suffisamment de travailleurs qualifiés pour les occuper.

Mais le projet de loi est embourbé dans une controverse politique puisqu’il est considéré par le gouvernement de l’Alberta et les conservateurs fédéraux comme une tentative libérale de mettre fin entièrement au pétrole et au gaz au profit des énergies renouvelables.

Le projet de loi a été adopté en deuxième lecture à la Chambre en octobre, les conservateurs votant contre.

La porte-parole en matière de ressources naturelles, Shannon Stubbs, a déclaré ce mois-là qu’il s’agissait d’une «approche de planification centrale quinquennale descendante qui détruirait immédiatement 170 000 emplois dans le secteur pétrolier et gazier».

Et lorsque le projet de loi a été renvoyé en commission afin que les députés puissent entendre des témoins concernés par la question, les conservateurs ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour l’empêcher d’aller de l’avant.

Pendant 27,5 heures sur six semaines, ils ont fait obstruction aux audiences du comité jusqu’à ce que les libéraux présentent une motion à la Chambre des communes pour forcer le comité à mettre un terme à son étude du projet de loi.

L’obstruction systématique consistait notamment à proposer près de 20 000 amendements à un projet de loi qui ne fait que 18 pages, la page de couverture comprise.

Lorsque le projet de loi a été mis en demeure de revenir à la Chambre, les conservateurs ont proposé 205 amendements supplémentaires.

Cela aurait pu déclencher une autre séance de vote marathon du jour au lendemain, quelques jours seulement après que les conservateurs ont déclenché un autre marathon de votes de 30 heures sur les plans de dépenses du gouvernement.

Le projet sur la glace

Les libéraux ont réagi en retirant entièrement le projet de loi du Feuilleton, la leader parlementaire de l’époque, Karina Gould, affirmant qu’elle mettait les conservateurs en «pause».

Mais le gouvernement n’a pas remis le projet de loi à son ordre du jour lorsque la Chambre a siégé pendant trois semaines, en janvier et février.

Le leader parlementaire Steven MacKinnon, qui remplace temporairement Mme Gould pendant qu’elle est en congé de maternité, a proposé lundi d’éviter de répéter un marathon de votes en présentant une motion qui empêcherait la Chambre de siéger entre minuit et 9 heures.

M. MacKinnon a affirmé que le projet de loi C-50 est l’une des raisons pour lesquelles la motion est nécessaire, mais il ne s’est pas engagé à dire le moment où le gouvernement le ramènerait dans le débat.

«Cela fait partie d’une longue série de lois sur lesquelles nous voulons progresser, et nous espérons que cette motion sera utile», a-t-il expliqué.

Mme Rougeot regrette que si le projet de loi n’est pas adopté bientôt, les délais de création du premier plan de travail et de l’organisme consultatif seront presque impossibles à respecter avec la consultation appropriée requise auprès des travailleurs.

Elle craint également que si le projet de loi et ses composantes ne sont pas bien établis avant les prochaines élections et que les conservateurs gagnent, il sera beaucoup plus facile d’annuler tout progrès.