L’industrie canadienne est déçue de la décision de Biden sur le gaz naturel liquéfié

CALGARY — L’industrie énergétique canadienne réagit avec consternation à la décision du président américain Joe Biden de suspendre l’approbation de nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) dans ce pays.

L’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) considère le GNL comme une source d’énergie sûre à faibles émissions qui peut aider les pays à abandonner le charbon.

«Les installations de GNL sur la côte américaine du Golfe offrent également aux producteurs canadiens la possibilité d’exporter leur gaz naturel à l’échelle mondiale», a affirmé vendredi la présidente et cheffe de la direction de l’ACPP, Lisa Baiton, dans une déclaration envoyée par courriel.

«Compte tenu de la nature hautement intégrée du marché énergétique nord-américain, l’ACPP est déçue de la décision de la Maison-Blanche», a-t-elle ajouté.

Le géant canadien des pipelines Enbridge a également exprimé son mécontentement à l’égard de cette décision. La société fournit actuellement du gaz naturel à cinq installations d’exportation de GNL en activité sur la côte américaine du golfe et a déjà déclaré qu’elle souhaitait étendre sa stratégie d’exportation par le biais de nouvelles acquisitions dans la région.

«Notre point de vue immédiat est que tout retard dans le développement du gaz naturel liquéfié aux États-Unis est une perte pour les États-Unis, nos alliés, pour les emplois aux États-Unis et pour les efforts visant à réduire les émissions dans le monde», a déclaré la porte-parole d’Enbridge, Gina Sutherland, dans un courriel.

L’invasion de l’Ukraine

La décision de M. Biden en cette année électorale intervient alors que les expéditions de gaz des États-Unis vers l’Europe et l’Asie ont grimpé en flèche depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. N’ayant aucune installation d’exportation de GNL il y a dix ans, les États-Unis sont devenus le plus grand exportateur mondial de GNL, avec une moyenne de 20,4 milliards de pieds cubes par jour au premier semestre 2023.

Mais dans un communiqué, vendredi, la Maison-Blanche cite le risque climatique comme raison pour suspendre les nouvelles approbations de GNL, ajoutant que le processus actuel utilisé par le département de l’Énergie pour évaluer les projets de GNL ne tient pas suffisamment compte de l’impact des émissions de gaz à effet de serre.

Le Canada ne dispose pas encore de sa propre capacité d’exportation de GNL. La première installation d’exportation de GNL au pays, en construction près de Kitimat, en Colombie-Britannique, ne devrait pas devenir opérationnelle avant la fin de cette année.

Mais Heather Exner-Pirot, conseillère spéciale auprès du Conseil canadien des affaires, a déclaré que la décision prise vendredi par le président américain est profondément préoccupante pour le secteur énergétique canadien.

«Votre premier réflexe pourrait être que c’est bon pour le GNL canadien, vous savez, parce que notre principal concurrent se voit couper les ailes, a-t-elle affirmé. Mais les sociétés canadiennes de gaz naturel sont tellement intégrées au marché nord-américain qu’il n’y a pas vraiment de séparation. Si c’est mauvais pour l’énergie américaine, c’est mauvais pour les producteurs canadiens de gaz naturel et les entreprises intermédiaires.»

Ce gel des autorisations ne devrait pas affecter immédiatement les approvisionnements américains vers l’Europe ou l’Asie, puisque sept terminaux de GNL sont actuellement en activité, et plusieurs autres devraient être mis en service dans les prochaines années.

Tout de même, Mme Exner-Pirot a dit croire que l’Europe, en particulier, était probablement très préoccupée par l’annonce de vendredi, car elle dépend désormais des États-Unis comme source de remplacement de l’énergie russe.

Elle a ajouté que les sociétés canadiennes de gaz naturel devraient également s’inquiéter de la manière dont cette décision présente leur produit comme un «épouvantail» environnemental.

«Il y a évidemment un coin du monde de l’activisme environnemental aux États-Unis qui n’aime pas le gaz naturel, n’aime aucun combustible fossile, et ne le considère pas comme un pont pour remplacer le charbon. Et donc ces groupes sont très heureux aujourd’hui», a-t-elle soutenu.

Les partisans du GNL affirment depuis longtemps que le remplacement de l’utilisation du charbon à l’échelle mondiale par du gaz naturel à combustion plus propre aidera le monde dans sa lutte contre le changement climatique.

Vendredi, la vice-présidente des relations d’entreprise de la société LNG Canada, Teresa Waddington, a déclaré que les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’exploitation de Kitimat devraient être inférieures à celles de toute autre installation de taille similaire en activité dans le monde aujourd’hui.

«Le GNL à faible teneur en carbone du Canada assurera la sécurité d’approvisionnement des marchés mondiaux qui peuvent compter sur les réserves de gaz naturel de notre pays pour faire progresser leurs économies et réduire les émissions mondiales de GES», a déclaré Mme Waddington dans un courriel.

Le cycle de vie complet du GNL

Mais les détracteurs affirment que le GNL est problématique pour le climat à bien des égards.

«Si l’on considère uniquement les émissions à la pointe du brûleur, alors oui, le gaz naturel représente environ la moitié des émissions du charbon, a exposé David Hughes, président de Global Sustainability Research. Mais si l’on considère les émissions du cycle de vie complet du GNL, on a les émissions liées à son transport de la Colombie-Britannique vers l’Asie, on a les émissions du processus de liquéfaction, on a les émissions dues au forage et au torchage et aux fuites de méthane sur toute la chaîne de valeur», a-t-il exposé.

M. Hughes a fait valoir que la construction de capacités supplémentaires de GNL entraînerait essentiellement la perpétuation des émissions de gaz à effet de serre à long terme et empêcherait les pays de respecter leurs engagements climatiques à l’avenir.

«C’est déjà un spectacle d’horreur d’un point de vue environnemental, car tous ces projets existants ont été construits avec une durée de vie de 30 ou 40 ans», a-t-il déclaré.

Julia Levin, directrice associée d’Environmental Defence, a souligné que les pays s’étaient mis d’accord lors du récent sommet des Nations unies sur le climat à Dubaï sur la nécessité de s’éloigner des combustibles fossiles. Elle a déclaré que l’augmentation de la capacité de GNL ne correspond pas à cette vision.

«Lors de la COP28, les pays ont envoyé un message clair : nous sommes à la fin de l’ère des combustibles fossiles, a déclaré Mme Levin. La décision du président Biden enfonce encore davantage le clou. Le Canada devrait suivre dans la même voie.»