L’idée d’implanter des salles d’urgence dans les mini-hôpitaux ne fait pas consensus

MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec devrait lancer prochainement les appels d’offres pour les mini-hôpitaux qu’il espère livrer en 2025. L’Institut économique de Montréal (IEDM) croit qu’il devrait inclure des salles d’urgence ouvertes 24 heures sur 24 dans ces établissements, mais cette proposition ne fait pas l’unanimité. 

Dans une étude parue mardi, l’IEDM indique que la forte demande dans les urgences combinée à la pénurie de main-d’œuvre exerce une forte pression sur le système. Selon l’auteure de l’étude et économiste à l’IEDM, Emmanuelle B. Faubert, la présence d’un service d’urgence dans les mini-hôpitaux permettra d’augmenter l’offre et donc d’alléger la charge des hôpitaux déjà surchargés. 

«Depuis le début de l’année, pas un seul jour ne s’est écoulé sans que le taux d’occupation des urgences du Québec ne soit à 100 % ou plus. Il est très clair que les mini-hôpitaux contribueraient à réduire l’attente en augmentant la capacité de traitement à l’aide de leurs salles d’urgence», mentionne dans un communiqué Mme Faubert. 

Maude Laberge, professeure agrégée au Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval et chercheuse régulière à VITAM – Centre de recherche en santé durable, n’est pas du même avis. 

«On sait qu’on a un enjeu dans l’offre de services au Québec par rapport à la demande. Cependant, près de la moitié des visites à l’urgence sont pour des patients qui pourraient être vus dans des cliniques médicales et qui ne requièrent pas le plateau technique d’une urgence. Si on augmente l’offre avec des urgences supplémentaires, on envoie le message à la population d’aller à l’urgence», souligne Mme Laberge dans un courriel.  

Selon elle, il serait plus judicieux d’investir dans des services de première ligne et d’améliorer l’accès à ces services, notamment via des médecins omnipraticiens, des infirmières praticiennes spécialisées en première ligne et d’autres professionnels de la première ligne. 

Mme Laberge estime que cela améliorera l’efficience du système de santé et la pertinence des soins. «En ce sens, je ne pense pas que le gouvernement devrait imposer aux mini-hôpitaux d’avoir des salles d’urgence 24/7», affirme-t-elle. 

Financement 

Le financement dans le système hospitalier est généralement basé sur des budgets fixes. 

L’IEDM souligne dans son étude que ce mode de financement détermine la capacité d’intervention d’un hôpital. «Ainsi, chaque patient admis représente des coûts additionnels dont l’établissement doit s’acquitter à partir d’un budget qui n’augmentera pas. Il en résulte un rationnement des ressources, qu’elles soient financières, physiques ou humaines», peut-on lire dans le document. 

L’IEDM demande au gouvernement que les mini-hôpitaux soient financés à l’activité. Ce modèle prévoit «une rémunération fixe en fonction des différents actes médicaux performés», s’ajoutant à l’enveloppe du budget de l’année en cours. 

«Grâce au financement à l’activité, le patient n’est plus un coût, mais bien une source de revenus pour l’hôpital, changeant la structure d’incitations des gestionnaires, explique Mme Faubert. Cela les inciterait notamment à réduire le temps que les médecins et infirmières passent à remplir des formulaires, au profit d’un plus grand temps auprès des patients.»

Mme Laberge a fait valoir que le gouvernement a commencé à introduire du financement à l’activité pour certains services précis et pour les volumes au-delà d’un niveau de base il y a près de 20 ans. Elle ajoute que le ministère de la Santé a l’intention d’utiliser davantage le financement à l’activité pour remplacer une partie de l’enveloppe budgétaire et que la mise en œuvre s’est accélérée en avril. 

Dans son budget 2023-2024, on indique que le ministère de la Santé et des Services sociaux a en effet élargi le 1er avril 2023 le financement à l’activité, qu’il appelle «financement axé sur les patients». 

«La part des activités financées sur la base de la performance des soins et services offerts aux patients représentera dorénavant plus de 2,6 milliards $ par année, soit environ 25 % des soins et services offerts en santé physique dans les hôpitaux du Québec», indique le plan budgétaire. L’objectif du ministère est d’atteindre 100 % à partir de 2027-2028, ce qui représentera plus de 10 milliards $ annuellement. 

Pour ces raisons, Mme Laberge croit que le gouvernement utilisera le financement à l’activité pour financer une grande partie des services qui seraient dispensés dans les mini-hôpitaux.

Par ailleurs, dans son appel d’intérêt lancé l’été dernier, le ministère de la Santé n’imposait pas la présence de blocs opératoires dans les mini-hôpitaux. L’IEDM souhaiterait que cela soit implanté, permettant ainsi d’augmenter la capacité du réseau de santé sur le plan des chirurgies. 

Pour l’instant, le gouvernement a confirmé le projet de deux mini-hôpitaux privés, l’un dans le secteur de l’Est-de-l’Île-de-Montréal et l’autre dans la région de la Capitale-Nationale. 

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