Les libéraux tentent de donner une nouvelle image à leur politique climatique phare

OTTAWA — Les paiements trimestriels destinés à compenser le coût de la tarification du carbone seront désormais appelés «la Remise canadienne sur le carbone», ont annoncé mercredi les responsables fédéraux, alors qu’ils chercher à donner une nouvelle image à leur politique climatique phare qui est de moins en moins populaire. 

Les libéraux reconnaissent depuis des mois qu’ils n’ont pas communiqué efficacement aux Canadiens le fonctionnement de la tarification du carbone et du système de remise. Un sondage Abacus réalisé en janvier a révélé que moins de la moitié des personnes éligibles à une remise pensaient qu’elles l’étaient réellement.

Le ministre du Travail et des Aînés, Seamus O’Regan, soutient que le gouvernement devrait utiliser les mêmes mots que la plupart des gens lorsqu’ils parlent de cette politique. Rares sont ceux qui utilisent l’ancien nom, soit «le paiement de l’incitatif à agir pour le climat», préférant utiliser les mots comme carbone et remise, a-t-il déclaré.

«Et si on utilise ce jargon, c’est important pour que les gens comprennent ce qui se passe ici.»

Les libéraux veulent que les Canadiens considèrent le prix du carbone comme une aide abordable plutôt que comme une «taxe sur le carbone», qui leur coûte plus cher. Le directeur parlementaire du budget a conclu qu’environ huit personnes sur dix reçoivent plus d’argent qu’elles n’en versent au régime, les ménages à faible revenu étant ceux qui en profitent le plus.

Cette mesure est rendue possible, car, outre les consommateurs individuels, la tarification du carbone est payée par les petites et moyennes entreprises qui n’émettent pas de grandes émissions. Les grandes industries ont un système distinct.

Montants de la prochaine année

Le gouvernement a annoncé le nouveau nom en publiant les montants des remises annuelles qui débuteront le 1er avril.

Des familles canadiennes recevront cette année entre 760 $ et 2160 $ en remises d’Ottawa en vertu du programme de tarification du carbone, alors que ce taux lui-même sera rehaussé de 15 $ par tonne d’émissions le 1er avril.

Dans les provinces où la tarification fédérale est appliquée, cette hausse du taux ajoutera 3,3 cents au litre d’essence à la pompe et environ 2,9 cents au prix du mètre cube de gaz naturel.

La plupart des familles recevront ainsi une remise trimestrielle plus importante cette année: 64 $ de plus en Alberta et 36 $ de plus en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan.

Mais dans les provinces de l’Atlantique, à l’exception du Nouveau-Brunswick, les résidants recevront moins, à cause de la décision du gouvernement libéral de suspendre pendant trois ans la tarification du carbone sur le mazout pour le chauffage résidentiel, mais aussi à cause de trop-payés l’année dernière. Ces provinces verront leur paiement trimestriel diminuer entre 20 $ et 42 $. Les ménages du Nouveau-Brunswick connaîtront une augmentation plus modeste de 6 $ tous les trois mois.

Sur une base annuelle, les remises varient de 760 $ au Nouveau-Brunswick à 1800 $ en Alberta. Les résidents des régions rurales, qui doivent généralement parcourir de plus longues distances pour leurs besoins quotidiens, reçoivent un supplément de 20% allant de 152 $ supplémentaires dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick à 360 $ supplémentaires dans les régions rurales de l’Alberta.

Les conservateurs répliquent

Les conservateurs et leur chef, Pierre Poilievre, ont depuis fait de la suppression de cette tarification la pièce maîtresse de leur campagne préélectorale. Au cours des 17 mois qui ont suivi l’arrivée de M. Poilievre à la tête du parti, les conservateurs ont présenté des motions à neuf reprises pour amener la Chambre des communes à voter contre la politique.

Ils n’ont pas réussi auprès des autres partis, mais ils gagnent du terrain auprès des Canadiens, le parti de M. Poilievre devançant les libéraux dans les sondages. Le sondage Abacus révèle que parmi les personnes qui ont voté libéral en 2021, plus d’une personne sur dix ne le fera plus, notamment à cause de la tarification du carbone.

Pierre Poilievre insiste sur le fait que cette tarification contribue à l’inflation, notamment sur le prix des aliments.

«La vie est devenue inabordable parce que Trudeau a imposé une taxe carbone punitive sur les produits essentiels dont les Canadiens ont besoin pour survivre», a affirmé son parti dans un communiqué de presse publié mercredi.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, conteste cette affirmation. L’automne dernier, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a souligné que la tarification du carbone avait un impact négligeable sur l’inflation en 2023 et un impact encore plus petit en 2022, a déclaré M. Guilbeault.

Mais il admet également que les Canadiens ne comprennent pas vraiment comment tout cela fonctionne, et son ministère s’efforce de changer cela, notamment avec le changement de nom de mercredi.

«Ce que j’espère que les gens retiendront de ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que cela aide les Canadiens et les Canadiens qui en ont le plus besoin», a-t-il ajouté. «Et je pense que, certes, le nom précédent était un peu difficile à comprendre et même à retenir pour beaucoup de gens, cela facilitera probablement les choses.»

Keith Stewart, stratège énergétique principal chez Greenpeace Canada, a déclaré que le changement de marque est plus que nécessaire.

«Je suis heureux qu’ils lui donnent un nom qui décrit avec précision de quoi il s’agit, parce que je ne savais pas ce qu’était  »le paiement de l’incitatif à agir pour le climat » – et je travaille en politique climatique», a-t-il affirmé.

M. Stewart espère que si les Canadiens comprennent mieux la politique, ils seront moins susceptibles d’être mal informés à son sujet.

Enjeux de communication

La tarification du carbone n’a pas été le seul problème de communication des libéraux ces derniers temps.

Mercredi, M. Guilbeault a passé la journée à clarifier les propos qu’il a tenus lundi en français lors d’une conférence sur le transport en commun à Montréal.

Le ministre a déclaré lors de la conférence que le gouvernement fédéral n’allait pas investir dans de nouveaux projets routiers parce que le réseau routier existant est adéquat pour répondre aux besoins des Canadiens. Il a ajouté que des investissements dans le transport en commun et le transport actif seraient réalisés.

Cette déclaration a suscité des réactions négatives de la part des conservateurs et des premiers ministres provinciaux. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a même lancé un courriel de collecte de fonds à ce sujet.

Pressé de s’expliquer, M. Guilbeault a avoué qu’il aurait clarifié qu’il faisait référence à de nouveaux projets routiers majeurs comme le «troisième lien» qui souhaite relier la ville de Québec à la ville de Lévis, située de l’autre côté du fleuve Saint-Laurent. Il a précisé que cela ne voulait pas dire que le gouvernement n’investirait plus dans l’entretien ou l’amélioration des routes canadiennes.