Les jeux vidéo aident les aînés en contexte de réadaptation physique

MONTRÉAL — Les jeux vidéo n’ont pas toujours bonne presse lorsqu’il s’agit de la santé physique et mentale. Pourtant, un nouveau rapport de l’Association canadienne du logiciel de divertissement (ALD) montre des effets positifs sur la réadaptation physique, particulièrement pour les aînés.

Les jeux vidéo peuvent aider à fournir des soins de réadaptation ludiques à une population vieillissante et adaptés aux capacités des patients, indique le rapport.

Différents professionnels de la santé peuvent être mis à contribution lorsqu’on parle de réadaptation, tels que les physiothérapeutes, des ergothérapeutes et des kinésiologues.

La réadaptation concerne les problèmes au niveau du système musculosquelettique, mais aussi au niveau neurologique. L’objectif des plans de traitement est que la personne retrouve au maximum ses fonctions, par exemple après le remplacement d’une hanche ou si la personne est atteinte d’une maladie comme le Parkinson.

«Les gens peuvent perdre des fonctions sans avoir de pathologie spécifique, mais simplement à cause du vieillissement normal», affirme Guillaume Léonard, physiothérapeute et professeur titulaire à l’École de réadaptation de l’Université Sherbrooke.

Le rapport de l’ALD souligne que les enjeux de santé des aînés sont de plus en plus d’actualité puisque la population canadienne est vieillissante.

Selon Statistique Canada, d’ici 2070, la population canadienne âgée de 65 ans ou plus, qui était de sept millions en 2022, devrait doubler pour atteindre entre 14 et 16 millions. Elle estime aussi que 22 à 31 % des Canadiens de cette tranche d’âge souffrent de douleurs chroniques, un taux qui augmente de 36 à 41 % chez ceux qui résident dans des Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).

L’activité physique est fondamentale pour le maintien et l’amélioration de la santé physique et mentale, reconnaît l’Institut de la statistique du Québec dans son enquête sur la santé de la population. L’ISQ fait valoir que la proportion de personnes actives diminue avec l’avancée en âge.

L’un des principaux avantages des jeux vidéo sur la santé des aînés est de rendre les exercices plus amusants, ce qui favorise l’assiduité.

Par exemple, plutôt que de lever le pied dix fois avec plusieurs répétitions, si la personne doit frapper un ballon dans un jeu vidéo, ça rend la chose plus ludique, explique M. Léonard.

Particulièrement pour la réadaptation neurologique, par exemple une personne ayant subi un AVC, l’intensité et le nombre de fois qu’on fait l’exercice ont un impact majeur sur la récupération de la personne. «Du fait que l’exercice est plus agréable à réaliser, on peut imaginer que la personne va le faire plus souvent, (…) l’adhérence va augmenter avec tous les bienfaits qui peuvent en découler», mentionne M. Léonard.

Une grande gamme de jeux vidéo conçus pour la réadaptation existe. Ludica Health, une entreprise de Montréal, a mis sur le marché il y a trois mois un jeu vidéo qui crée diverses expériences de physiothérapie. Le jeu intitulé «LudoFit» propose des exercices d’équilibre, d’endurance et de force sous la forme de jeux interactifs.

Le jeu vidéo est téléchargeable sur ordinateur ou iPad et utilise la technologie de capture des mouvements pour offrir des exercices de réadaptation virtuels qui améliorent la condition physique et la fonction cognitive.

Les jeux sont inspirés par différentes destinations dans le monde. Certains se passent dans les alpes italiennes, il est possible de faire de l’escalade en Thaïlande, du vélo dans le parcours du Tour de France ou encore du rafting au Chili. Des informations culturelles et historiques accompagnent également les jeux.

Lorsqu’une personne s’amuse en pratiquant ses exercices, elle est plus encline à être rigoureuse dans ses efforts de réhabilitation, a déclaré Mark Evin, PDG de Ludica Health. «C’est ça la magie d’utiliser les jeux vidéo dans le cadre de la santé. Le but, c’est d’engager la personne. Lorsqu’elle est engagée, elle peut faire plus d’exercices, et à la fin obtenir de meilleurs résultats.»

Il n’y a pas de limites à la créativité des jeux en contexte de réadaptation, affirme Martine Bordeleau, chercheuse postdoctorale dans le Groupe de recherche sur les aînés, la neurostimulation et la douleur à l’Université Sherbrooke.

«On peut amener la personne dans des endroits où elle ne serait pas capable d’aller sans ce genre de technologie», souligne-t-elle.

Elle fait mention d’un projet de recherche sur lequel elle travaille actuellement et qui développe un parcours immersif en nature que les personnes peuvent suivre avec un casque de réalité virtuelle. «Ça permet aux gens de dépasser les limites de leur handicap», dit-elle.

Dans ses recherches, elle a également pris connaissance d’un autre jeu ludique qui, pour motiver les gens qui ont des douleurs lombaires à faire des squats, les amène à se pencher pour éviter un gros requin qui saute au-dessus d’eux.

Isolement

L’approche des jeux vidéo contribue non seulement à une meilleure santé globale des aînés, mais aide aussi avec des enjeux d’isolement souvent associés au vieillissement, indique le rapport de l’ALD.

Mme Bordeleau a donné l’exemple de la compagnie montréalaise Super Splendide, qui a développé une application de réalité virtuelle utilisée en CHSLD dans laquelle on retrouve des environnements 360 degrés, notamment un sentier sur la Côte-Nord. «Dans ces environnements, on peut inclure un nombre illimité de joueurs. La grand-maman qui est dans son CHSLD à Québec et qui veut faire cette expérience avec son petit-fils qui est localisé à Montréal, elle peut le faire», souligne la chercheuse.

Les bénéfices des jeux vidéo ne s’arrêtent pas là. Dans un projet de recherche, Mme Bordeleau et M. Léonard travaillent pour mettre à profit les technologies pour ceux qui ont peur de bouger.

«Pour des gens qui ont mal, le fait de bouger, ce n’est pas toujours tentant. Quand ils bougent, ils ont mal, et ils se mettent à développer une peur de bouger, ce qu’on appelle kinésiophobie», explique M. Léonard.

Les jeux vidéo peuvent aider à diminuer cette peur, affirme-t-il. Au début, le patient peut seulement observer le mouvement, ensuite faire des contractions musculaires tout en étant assis et finalement progresser pour faire en sorte de diminuer sa crainte de bouger.

Les jeux vidéo ont aussi certaines limites. Les casques de réalité virtuelle peuvent occasionner des cybermalaises dont les principaux symptômes sont des vertiges et des nausées. Ce n’est pas tout le monde qui a ces malaises et ce n’est pas insurmontable, nuance M. Léonard.

Pour les aînés n’ayant jamais utilisé de jeux vidéo, ils peuvent avoir besoin d’explications supplémentaires sur leur utilisation, mais plusieurs y sont déjà habitués. Le rapport de l’ALD indique que les55 à 64 ans passent en moyenne 7,4 heures par semaine à jouer à des jeux vidéo.

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