Les femmes du groupe des Monuments Men obtiennent enfin leur place au soleil

DALLAS — «Les Monuments Men n’étaient pas tous des hommes», a déclaré Anna Bottinelli, présidente de la fondation Monuments Men and Women.

Après la Seconde Guerre mondiale, les experts en art de l’armée américaine, aidés par des collègues européens, ont entrepris de retrouver et de restituer des millions d’œuvres volées par les nazis. Connus sous le nom de Monuments Men, ils comprenaient Mary Regan Quessenberry, qui, depuis sa base à Berlin, se rendait pour examiner des œuvres volées, traquait des cas de pillage et enquêtait sur des marchands d’art suspects.

Des décennies plus tard, Mme Quessenberry et les autres membres féminins sont de plus en plus reconnues.

La fondation établie à Dallas honorant le groupe a changé son nom ces dernières années pour reconnaître la contribution de ces femmes. Elle a mis en valeur leur travail dans une nouvelle exposition dans un musée national et s’apprête à publier, pour la première fois, en anglais, les mémoires de Rose Valland qui raconte comment elle espionnait les nazi pendant qu’elle travaillait dans un musée parisien.

La section Monuments, Beaux-Arts et Archives des armées alliées comprenait 27 femmes et environ 320 hommes pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale. 

Lorsque les combats faisaient rage pendant la Seconde Guerre mondiale, ce sont les hommes qui tentaient de protéger les œuvres d’art et les trésors architecturaux. Les femmes sont entrées en scène après la guerre, lorsque l’attention s’est tournée vers la restitution.

C’est un tournant que la fondation a également franchi depuis que l’auteur Robert Edsel l’a fondée il y a près de 20 ans en se concentrant sur les années de guerre. M. Edsel a raconté les aventures de cette unité, notamment «Les Monuments Men», qui a été adapté en un film de 2014 mettant en vedette George Clooney et Matt Damon.

Au fil des années, la fondation s’est impliquée de plus en plus dans la restitution, depuis l’aide à la restitution des œuvres confisquées pendant la guerre jusqu’à la production d’un jeu de cartes présentant des œuvres toujours disparues.

«Au fur et à mesure que notre mission évoluait et que notre travail se développait, il est devenu tout à fait naturel de se concentrer davantage sur les efforts d’après-guerre et, par conséquent, sur les femmes», a fait valoir Anna Bottinelli.

Une exposition permanente sur les officiers des Monument Men qui fait partie d’un nouvel ajout au Musée national de la Seconde Guerre mondiale à La Nouvelle-Orléans a ouvert ses portes en novembre. La galerie Monuments Men and Women comprend une reconstitution d’une mine de sel où les Monument Men ont trouvé des œuvres d’art volées.

«La période la plus excitante de sa vie»

L’exposition présente également l’histoire de Mme Quessenberry, qui s’est enrôlée dans ce qui est devenu le Service féminin de l’Armée lorsque les États-Unis sont entrés en guerre. 

Après la victoire alliée en Europe, Mme Quessenberry a appris que l’armée recherchait des experts en art. Titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art, elle a sauté sur l’occasion.

À son arrivée à Berlin, elle a été accueillie par le lieutenant-colonel Mason Hammond, professeur de lettres classiques à l’Université Harvard, qu’elle a connu grâce à ses études au Collège Radcliffe, qui a ensuite fusionné avec Harvard.

«Il a ouvert la porte,  l’a reconnue, a jeté ses bras autour d’elle en disant: ‘Mary, Dieu merci, tu es là’», a raconté M. Edsel.

Elle est retournée aux États-Unis en tant que commandante en 1948.

L’ami de Mme Quessenberry, Ken Scott, a rapporté qu’elle a décrit son mandat en tant qu’officier des Monuments comme «la période la plus excitante de sa vie». Il a dit qu’elle était «joyeuse» lorsque M. Edsel s’est rendu dans le Massachusetts pour l’interviewer quelques années avant sa mort, en 2010, à l’âge de 94 ans.

«C’était un véritable pistolet, comme on dit, chargée d’histoires», s’est attendri Robert Edsel.

Veiller à ce que les femmes obtiennent la reconnaissance qu’elles méritent était important pour Mary Regan Quessenberry. «Elle en a parlé très fort et très clairement», a déclaré Ken Scott.

Cet automne, la fondation publiera les mémoires de Rose Valland. Dans «Le Front de l’Art», initialement publié en français en 1961 et réédité en 1997 et en 2014, Mme Valland, une experte en art française travaillant au musée du Jeu de Paume, décrit comment elle a fait l’inventaire des oeuvres d’art volés qui ont été expédiés en Allemagne.

«C’est grâce à ses notes et à tous ses espionnages que, lorsque les Alliés sont entrés à Paris en 1944, ils ont pu retracer où cet art avait été transporté et à qui il appartenait», a expliqué Mme Bottinelli.

Rose Valland, qui a inspiré le rôle joué par Cate Blanchett dans le film «Les Monuments Men», est décédée à 81 ans en 1980. 

M. Edsel a précisé que le dernier officier de l’unité a été une femme. Ardelia Hall a poursuivi la mission jusqu’au début des années 1960 à partir du Département d’État, en tenant une liste des œuvres encore manquantes et en exhortant les musées et les marchands d’art à être aux aguets. Une femme, le capitaine Edith Standen, a également eu la prévoyance, alors qu’elle était dans l’Allemagne d’après-guerre, d’enregistrer tous les noms de ses collègues officiers chargés des monuments et oeuvres d’art.

L’armée américaine a tout récemment formé une unité visant à conserver et protéger le patrimoine. La première promotion a vu ses premiers diplômés à l’été 2022.

Parmi eux figurait la capitaine Jessica Wagner, qui a travaillé dans des musées à travers les États-Unis. Elle a déclaré que faire partie de la nouvelle version du groupe qu’elle avait étudié pendant sa maîtrise «semble un peu surréaliste».

«On se demande toujours si on est prête à faire ça. Je suppose que la réponse est oui.»