Les autres versions du nouveau passeport canadien n’existent plus

OTTAWA — Les Canadiens ne verront sans doute jamais les autres versions du nouveau passeport que le gouvernement fédéral a examinées avant de faire son choix.

Le ministère de l’Immigration a indiqué que les autres versions du nouveau passeport n’avaient pas été conservées pour des raisons de sécurité, puisque les designs possédaient eux aussi des caractéristiques de sécurité.

«En raison de la nature classifiée du design du passeport au cours de sa mise au point, des restrictions gouvernementales sur l’entreposage et la diffusion de renseignements classifiés et des difficultés de fonctionnement liées à la pandémie, le programme ne conserva pas les informations au sujet des ébauches du nouveau passeport», a indiqué le ministère dans un courriel.

Le gouvernement ne possède même pas les premières versions ou les propositions soumises par un entrepreneur extérieur, a ajouté le ministère. 

Le ministère souligne que l’esthétique et le contenu thématique du passeport n’étaient que des éléments de protection.

«Les caractéristiques sécuritaires et le design ne peuvent pas être dissociés.»

Des reproches

Des experts soutiennent que le nouveau design a vraisemblablement subi de nombreuses modifications. Des détracteurs reprochent au gouvernement d’avoir dépouillé le passeport de certains symboles historiques.

De nombreuses personnalités canadiennes comme Terry Fox ou certains monuments comme celui de Vimy ont été effacées du futur document de voyage. Ces images ont été remplacées par des paysages naturels et des éléments de la faune du pays.

Le gouvernement a dévoilé en mai le nouveau passeport. Celui-ci comprend notamment des caractéristiques de sécurité améliorées. Les renseignements personnels des titulaires de passeport seront désormais gravés au laser au lieu d’être imprimés à l’encre, ce qui rendra le document «plus durable et plus difficile à falsifier et à contrefaire».

La ministre des Services sociaux, Karina Gould, avait défendu le nouveau design en présentant le passeport lors d’une conférence de presse en mai. «Il est important de dire que le passeport n’est pas un document partisan, avait-elle commenté. Le processus a été lancé il y a 10 ans. L’objectif était vraiment de s’assurer de mettre en place un document sûr.»

Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilièvre avait accusé les libéraux de vouloir injecter leur «idéologie woke» dans le design du nouveau passeport. La Légion royale canadienne et la Fondation Terry-Fox avaient exprimé leur déception.

La députée bloquiste Julie Vignola avait aussi eu des mots durs en feuilletant le nouveau passeport, bien qu’elle ait opiné que «c’est joli» et que «c’est plein de nature». «Si l’on veut savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient et il ne faut pas l’oublier, cette histoire-là, parce que c’est ce qui nous bâtit aujourd’hui», avait-elle soutenu en mêlée de presse.

Alex Marland, de l’Université Acadia, en Nouvelle-Écosse, rappelle qu’en 2012, le passeport  reflétait aussi la nouvelle image de marque que le gouvernement conservateur de Stephen Harper voulait projeter.

«[Les conservateur] étaient obsédés par la coordination gouvernementale. Ainsi, ils pouvaient communiquer des variations du même message de diverses façons qui étaient liées aux objectifs du parti», souligne-t-il.

Long processus

Le nouveau design du passeport avait été proposé il y a plus de 10 ans avant d’être finalement accepté en 2020 après plusieurs consultations, a indiqué le ministère de l’Immigration. Seulement un thème a été retenu pour examen et transformé en design.

«L’aspect esthétique doit être déterminé au début du processus afin d’alimenter les différentes étapes», a-t-il mentionné.

Le processus s’est déroulé en même temps que l’ouverture de certains débats fort polarisés sur des aspects de l’histoire canadienne. Plusieurs se sont interrogés sur le rôle du premier premier ministre du Canada, John A. Macdonald, notamment dans l’établissement des pensionnats pour enfants autochtones.

Selon le Pr Marland, le gouvernement libéral a adopté une approche différente pour le nouveau passeport. Il s’est grandement fié sur des groupes de discussion, explique-t-il

«C’est très différent de ce que les conservateurs de M. Harper faisaient. Ceux-ci étaient plus idéologiquement motivés.»

Lors de la présentation du passeport, en mai, le ministre Fraser avait indiqué que le gouvernement avait consulté plusieurs groupes sur le nouveau concept.

«Nous avons entendu (une volonté) de continuer de mettre l’accent sur la diversité, sur l’environnement naturel que nous apprécions et sur le reflet des expériences de vie à différents endroits au Canada, a-t-il dit. Toutefois, soyons clairs: nous sommes extrêmement fiers de l’histoire du Canada.»