Le mode opératoire des entraîneurs agresseurs est un peu mieux compris

MONTRÉAL — Le mode opératoire des entraîneurs sportifs qui agressent sexuellement les jeunes athlètes dont ils sont responsables est habituellement composé de six grandes étapes, ont constaté des chercheuses de l’Université Laval qui ont été parmi les premières à s’intéresser au problème.

Les chercheuses ont identifié une cinquantaine de stratégies utilisées par les entraîneurs agresseurs lors de chaque étape, par exemple lorsque vient le temps de gagner la confiance du jeune ou de ses parents.

«Notre étude a vraiment regardé de façon spécifique les stratégies utilisées par chaque entraîneur, a expliqué la chercheuse Élisabeth St-Pierre. On ne connaissait pas les stratégies qui étaient utilisées avant ou après la commission d’un crime par un entraîneur. Et on a vu que certaines stratégies étaient utilisées beaucoup plus souvent que d’autres.»

Cette recherche est basée sur l’analyse de plus de 2000 jugements de cour et d’articles de journaux concernant 120 cas d’agressions sexuelles commises par des entraîneurs sportifs canadiens à l’endroit de 331 athlètes, majoritairement des garçons, entre 1967 et 2020.

L’analyse de l’échantillon révèle que 133 filles et 198 garçons ont été victimes d’une première agression sexuelle de la part de leur entraîneur. Les athlètes avaient alors en moyenne 13,6 ans. Les entraîneurs, eux, avaient en moyenne 33,6 ans lors de ces premiers gestes. Au fil des ans, 85,8 % de ces adultes ont commis plus d’un événement d’abus.

L’étude révèle une moyenne de 2,8 victimes athlètes pour chaque entraîneur. Des témoins étaient présents lors de l’agression dans 21 % des cas, par exemple parce que les gestes étaient posés dans le cadre d’un «jeu». La période de temps moyenne au cours de laquelle ces agresseurs ont sévi s’élève à 5,8 ans. Enfin, il s’est passé en moyenne 14,1 années entre la première agression subie par un jeune et le premier signalement aux autorités policières.

Les cas étudiés couvrent environ 25 sports, ce qui démontre que le phénomène ne se confine pas aux sports les plus populaires.

«Le but (de l’étude) était de permettre de suggérer des pistes de prévention adaptées au mode opératoire (des agresseurs), a dit Mme St-Pierre. Quand on prend en compte le mode opératoire et qu’on développe des stratégies de prévention basées là-dessus, on développe des stratégies de prévention qui vont être efficaces.»

Les chercheuses souhaitent aussi que leur étude puisse permettre de repérer les signes avant-coureurs avant qu’il ne soit trop tard. On est loin de l’agresseur caché dans les buissons qui saute sur sa victime au hasard, a rappelé Mme St-Pierre.

«Ça peut prendre d’autres formes et c’est important de le savoir», a-t-elle ajouté.

Fait étonnant, les entraîneurs agresseurs n’ont pas eu recours à une stratégie particulière pour convaincre leur victime de garder le silence. Certains jeunes ont raconté s’être tus parce qu’ils avaient honte, par crainte d’être exclus de leur sport ou de perdre l’attention de l’entraîneur, ou parce qu’ils ne considéraient pas avoir été agressés.

Environ 10 % des agressions concernaient des athlètes de niveau international. La peur de perdre un entraîneur ou des commanditaires, alors qu’on trône au sommet, peut avoir réduit certains athlètes au silence, ont dit les chercheuses.

L’étude recommande d’éduquer les athlètes et les parents au sujet des caractéristiques des agressions sexuelles dans le sport. Les chercheuses recommandent également de clarifier les limites de la relation entraîneur-athlète en décourageant les entraîneurs à passer du temps seul avec un athlète lors d’activités à l’extérieur du contexte sportif.

«Il faut poser des questions et s’intéresser le plus possible à ce que son enfant fait dans le sport», a conclu Mme St-Pierre.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Frontiers in Psychology.

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En cas de harcèlement, de négligence ou de violence dans un environnement sportif:

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Sport’Aide au 1 833 211-AIDE (4357).