La limite sur les visas d’études devrait freiner la hausse des loyers, espère Macklem

OTTAWA — Alors que le débat fait rage sur la manière de lutter contre la crise du logement, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, affirme que le plafond récemment annoncé par Ottawa sur les inscriptions d’étudiants étrangers devrait contribuer à atténuer l’inflation dans les loyers.

«Je pense que ça va contribuer à alléger un peu la pression sur les loyers à l’avenir», a estimé M. Macklem cette semaine dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

Le gouvernement fédéral a annoncé lundi une limite, pour les deux prochaines années, des nouveaux visas d’études délivrés par Ottawa, afin de réduire le nombre de résidents temporaires au Canada.

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a déclaré que le nombre de nouveaux visas délivrés cette année serait réduit de 35 %. Le chiffre pour 2025 sera fixé après une réévaluation de la situation, plus tard cette année.

Cette décision a été motivée en partie par la pression que la forte croissance démographique exerce sur l’immobilier, notamment sur le marché locatif.

De nombreux économistes conviennent que le plafonnement du nombre de nouveaux visas d’études délivrés pourrait contribuer à modérer l’inflation dans le logement, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure cela pourrait faire baisser les loyers.

«Bien que je puisse voir le taux de croissance [de l’économie] et les loyers ralentir un peu, je doute sincèrement que les loyers repartent dans la direction opposée», a déclaré Douglas Porter, économiste en chef à la Banque de Montréal.

«En fin de compte, je crois que nous allons toujours être confrontés à une inflation des loyers assez importante au cours des deux prochaines années.»

La Banque du Canada a réalisé des progrès significatifs dans sa lutte contre l’inflation amorcée en mars 2022, lorsqu’elle a commencé à relever son taux d’intérêt directeur. Les prix augmentent à un rythme plus lent dans l’ensemble de l’économie, et moins de biens et de services connaissent des augmentations de prix anormalement importantes.

Même s’il y a eu des obstacles sur la voie vers l’objectif de 2 % visé par la banque centrale, le taux d’inflation du Canada est devenu beaucoup plus «gérable», s’établissant à 3,4 % en décembre.

L’impact des loyers élevés sur l’inflation

Mais la Banque du Canada est confrontée à un problème épineux: les coûts du logement augmentent rapidement et la hausse des taux d’intérêt ne peut pas y remédier.

L’économiste Porter estime qu’en temps normal, la Banque du Canada aurait pu ignorer une forte hausse des coûts du logement. Mais après deux années d’inflation supérieure aux cibles, la banque centrale ne peut pas se permettre, selon lui, de laisser l’inflation rester élevée plus longtemps, car cela risque d’alimenter des attentes inflationnistes plus élevées.

La Banque du Canada a annoncé mercredi sa décision de maintenir une fois de plus son taux d’intérêt directeur à 5 % et elle a indiqué qu’elle avait commencé à discuter d’un calendrier pour d’éventuelles baisses des taux.

Mais la banque centrale a souligné mercredi le rôle que jouent les prix du logement et des produits alimentaires dans le maintien de l’inflation, notant que les coûts du logement étaient désormais le «principal facteur» d’une inflation supérieure à la cible.

«Nous nous attendons à une décélération continue des prix des aliments, mais le logement, je l’admets, est plus difficile à prévoir», a déclaré le gouverneur Macklem, mercredi, lors d’un entretien après l’annonce du maintien du taux directeur. 

En décembre dernier, les coûts du logement, qui regroupent les coûts d’accession à la propriété et les loyers, étaient de 6 % plus élevés qu’il y a un an, dépassant largement l’inflation générale globale.

Les données de Rentals.ca et de la société d’études de marché Urbanation montrent que le loyer moyen en décembre au Canada a bondi de 8,6 % d’une année sur l’autre, pour atteindre un niveau record de 2178 $ par mois.

Lorsqu’on lui a demandé comment la banque centrale envisageait de revenir à une inflation de 2 % si les prix du logement continuaient de monter en flèche, le gouverneur Macklem a répondu qu’une croissance plus lente des prix dans d’autres secteurs de l’économie devrait compenser la hausse des coûts du logement.

Oublier les loyers ?

Royce Mendes, directeur général et responsable de la stratégie macroéconomique chez Desjardins, affirme que la Banque du Canada devrait être patiente et permettre que l’inflation des prix du logement s’atténue toute seule, avec le temps. Il estime que les difficultés économiques seraient considérables si la banque maintenait des taux d’intérêt élevés pendant trop longtemps. 

«Si la banque centrale veut ramener l’inflation totale à 2 % à court terme, elle va devoir écraser l’économie pour ramener à pratiquement zéro l’inflation dans tous les secteurs» autres que le logement, a prévenu l’économiste Mendes.

L’abordabilité du logement est un problème majeur au Canada depuis la pandémie, et pour diverses raisons, notamment la forte croissance démographique, qui a exacerbé une pénurie de logements préexistante.

Les décisions politiques de la Banque du Canada ont toutefois également contribué à l’inflation des prix du logement, en augmentant les frais d’intérêt hypothécaires pour les propriétaires. Dans le même temps, les promoteurs immobiliers sont moins enclins à construire lorsque le financement coûte cher, ce qui accroît la pression sur l’offre de logements.

Les loyers ont également grimpé en flèche à mesure que davantage de nouveaux arrivants entraient dans le pays et cherchaient un logement.

«Nous avions depuis longtemps un problème structurel d’offre de logements au Canada, a précisé M. Macklem. Avec l’augmentation rapide de l’immigration récemment, ce problème a été exacerbé.»

Le gouverneur souligne que la croissance démographique alimente l’inflation à cause du logement, mais elle contribue par ailleurs à réduire la pression sur les prix dans d’autres secteurs, en atténuant les pénuries de main-d’œuvre.

M. Macklem n’avait pas de réponse quant à l’effet net de la croissance démographique sur l’inflation — et incidemment sur les décisions de politique monétaire de la banque centrale.