La GRC n’a toujours pas précisé comment elle changerait après la tuerie en N.-É.

HALIFAX — La Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’a pas réussi à respecter le délai qu’elle s’était elle-même imposé pour préciser la manière dont elle prévoit mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête sur la tuerie de 2020 en Nouvelle-Écosse.

Lorsque la Commission des pertes massives a publié en mars dernier son rapport final, avec 130 recommandations, sur la pire tuerie de l’histoire moderne du Canada, la police fédérale a déclaré qu’elle prévoyait de publier une «stratégie de mise en œuvre» avant la fin de 2023. 

La GRC a également déclaré que son commissaire fournirait un rapport d’étape.

Ce délai est maintenant dépassé.

La GRC a publié mardi un bref communiqué confirmant qu’elle «n’était pas en mesure de publier son plan d’action et sa stratégie d’ici la fin de l’année civile comme elle l’avait prévu». 

Le communiqué poursuit en précisant que le plan serait publié dès que possible, bien qu’aucune date limite n’ait été précisée.

«La (Commission des pertes massives) a clairement indiqué que la GRC devait prendre son temps pour bien faire les choses et donner suite correctement aux recommandations», indique le communiqué. «À cette fin, l’organisation a travaillé avec diligence pour faire progresser les deux documents, en collaboration avec des experts en la matière au sein de l’ensemble de l’organisation et de la communauté policière, ainsi qu’avec des partenaires du gouvernement du Canada.»

Le rapport final de la commission d’enquête publique a formulé une critique cinglante des gestes posés par la GRC en avril 2020, lorsqu’un homme déguisé en policier et conduisant une réplique d’un véhicule de patrouille de la GRC a tué par balle 22 personnes au cours d’un déchaînement de 13 heures, dans le nord et le centre de la Nouvelle-Écosse.

La plupart des recommandations du rapport de 3000 pages visaient à améliorer la sécurité publique, à s’attaquer aux causes profondes de la violence fondée sur le sexe et à réformer la GRC.

L’enquête a révélé des échecs systématiques dans la manière dont la GRC a réagi à la tuerie, affirmant que le gouvernement fédéral devrait repenser le rôle central de la police fédérale dans le maintien de l’ordre au Canada.

Le rapport en sept volumes souligne notamment que la GRC a raté des signes avant-coureurs concernant le tueur, notamment des informations faisant état de violence conjugale, de possession d’armes à feu illégales et de démêlés répétés avec la justice.

Et lorsque la fusillade a commencé à Portapique, le soir du 18 avril 2020, l’enquête a révélé que la GRC avait rapidement écarté les déclarations de témoins et qu’elle était si mal gérée que les policiers étaient toujours un pas en retard sur le tueur.

De plus, l’enquête a révélé que la GRC n’a pas alerté rapidement la population, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour certaines de ses victimes.

Résistance aux changements

Entre autres choses, le rapport final de la commission recommandait d’éliminer l’académie de la GRC à Regina et de remplacer son cours de formation de 26 semaines par un diplôme postsecondaire de trois ans, basé sur une approche utilisée en Finlande.

Et l’enquête recommandait que le ministre fédéral de la Sécurité publique établisse des priorités pour la GRC, en conservant les tâches qui conviennent à un service de police fédéral, une approche qui pourrait voir le corps policier abandonner son rôle de police contractuelle dans certaines municipalités. 

Lors des audiences publiques de septembre 2022, un ancien commissaire adjoint de la GRC est venu déclarer que la police avait l’habitude d’ignorer les appels au changement. Cal Corley a cité une étude de 2017 qui comprenait une liste de 41 pages de recommandations de changements qui, selon lui, ont été largement ignorées par la GRC.

Pendant ce temps, un comité indépendant surveille la manière dont la GRC et les gouvernements répondent aux recommandations de l’enquête. Le mois dernier, la présidente de ce comité de suivi, Linda Lee Oland, a déclaré qu’elle n’avait reçu aucune plainte concernant le manque de progrès, affirmant que personne ne «se traînait les pieds».

Le comité, qui a un mandat de trois ans, devrait soumettre un rapport sur ses progrès plus tard ce mois-ci. Nommé par les gouvernements fédéral et de la Nouvelle-Écosse, ce comité de suivi comprend des membres des familles des victimes, des représentants de la communauté, de la GRC et des représentants du gouvernement.

Mme Oland a déclaré que le rapport du comité fournirait au public un indicateur permettant de mesurer les progrès réalisés. Elle a souligné que le comité n’était pas chargé de mettre en œuvre les recommandations, mais seulement de les surveiller et de rendre des comptes.