La FAE maintient sa grève générale illimitée, mais déposera une contre-offre

MONTRÉAL — La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a annoncé vendredi soir qu’elle poursuivra sa grève générale illimitée, mais prévoit de déposer une contre-offre dans l’espoir de négocier de «façon intensive» au cours du week-end. 

Quelque 66 000 enseignants de la FAE sont en grève générale illimitée depuis le 23 novembre dernier.

La dernière proposition gouvernementale n’a pas été jugée satisfaisante par le conseil fédératif de négociation de la FAE pour lever la grève actuelle, bien que, selon lui, l’offre était intéressante et proposait des avancées. 

«Donc, cette grève va se poursuivre lundi. Par contre, la FAE demeure déterminée à conclure une entente satisfaisante avec le gouvernement à la satisfaction de nos membres», a déclaré la présidente de l’organisation syndicale, Mélanie Hubert, en conférence de presse à Montréal.

Elle sortait tout juste d’une rencontre qui s’est échelonnée jeudi et vendredi avec des représentants des neuf syndicats affiliés à la FAE, afin d’évaluer l’état de la négociation avec Québec et soupeser leurs options.

«Le temps passé depuis deux jours a été consacré à travailler à un texte d’une contre-offre qui sera déposée aussi rapidement que possible à la table de négociation», a affirmé Mme Hubert.

«Et on espère pouvoir compter sur le gouvernement pour pouvoir négocier toute la fin de semaine en mode intensif. Profiter de ces deux jours où les élèves ne manquent pas d’école, où les profs ne sont pas privés non plus de salaire pour tenter d’arriver le plus rapidement possible à une entente», a-t-elle poursuivi. 

La syndicaliste a mentionné que la contre-offre de son organisation ne sera pas à «sens unique» et contiendra des éléments pouvant permettre au gouvernement Legault d’atteindre ses objectifs. 

«C’est une réelle contre-offre qui vise un règlement», a soutenu Mme Hubert, qui a précisé que les discussions entourant certains points, comme la composition de la classe, avaient connu des progrès avec Québec. 

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, et le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, n’ont pas tardé à réagir à la décision de la FAE sur le réseau social X. 

«Nous sommes conscients des impacts de la grève pour les élèves et évidemment déçus, mais nous nous sommes engagés à signer des ententes au bénéfice des élèves et du personnel, alors nous allons poursuivre nos efforts pour y arriver le plus rapidement possible», a indiqué Mme LeBel, ajoutant que les échanges se poursuivront à la table de négociations au cours des prochains jours. 

«Ce qu’on souhaite c’est le retour des élèves en classe le plus rapidement possible. On sait à quel point les élèves peuvent être pénalisés quand ils sont privés d’enseignement pendant une longue période», a pour sa part déclaré M. Drainville. 

Il a rappelé la position de son gouvernement qui est «ouvert à mettre plus d’argent sur la table en contrepartie d’une flexibilité de la part des syndicats dans l’organisation du travail».

«Chantage émotif»

Plus tôt vendredi, le syndicat a dénoncé le «chantage émotif» du premier ministre François Legault qui implore les enseignants de mettre fin à la grève pour le bien des enfants.

«M. Legault, les profs de la FAE rejettent le chantage émotif. Ce qui fait mal à l’école publique, c’est la détérioration du système qui s’est exacerbée depuis que vous êtes au pouvoir», a réagi le syndicat sur les réseaux sociaux.

«Ce qui se passe actuellement, c’est mauvais pour nos enfants, a plaidé le premier ministre Legault en mêlée de presse à l’Assemblée nationale, vendredi matin. J’ai de la misère à vivre avec le fait qu’on a des enfants qui ne sont pas à l’école.

«On ne peut pas faire mal à nos enfants, c’est ce qu’on a de plus précieux, a-t-il renchéri. On doit arrêter cette grève, ça va nuire à la réussite de nos enfants. Il y a eu déjà la pandémie, donc il faut arrêter ça, là, s’il vous plaît.»

Le premier ministre a prié les enseignants d’abandonner leur moyen de pression, affirmant s’être engagé à bonifier l’offre salariale. Il a déclaré qu’il ne pouvait accéder à la demande des syndicats de réduire la taille des classes, car «on n’a pas assez d’enseignants pour ça».

«Ce qu’on propose en échange, c’est d’ajouter une deuxième personne dans les classes, donc des aides à la classe», a-t-il dit, en précisant qu’il n’envisageait pas d’utiliser une loi spéciale pour forcer le retour au travail des profs.

En conférence de presse vendredi soir, Mme Hubert a dit trouver «déplorable» la sortie de M. Legault, soutenant que ce ne sont pas les derniers jours de grève qui nuisent au développement des écoliers. 

«Ce qui en ce moment fait le plus mal à nos élèves, c’est les 25 dernières années où les conditions d’apprentissage se sont détériorées continuellement, les services se sont effrités, nos édifices tombent en ruine», a-t-elle commenté. 

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) — qui représente 95 000 autres enseignants et fait partie du front commun — doit, elle, débrayer du 8 au 14 décembre prochain.

«Les négociations sont en cours et c’est aux tables que ça se passe. Ces déclarations du premier ministre n’aident en rien», a aussi déploré la CSQ sur les réseaux sociaux, vendredi midi.

En entrevue, la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini, en a rajouté. Elle a qualifié les propos de M. Legault de «très nuisibles», «maladroits», «irrespectueux» et de «vraie farce».

«On a un premier ministre qui essaie de culpabiliser les enseignants qui revendiquent pour avoir plus de services pour les élèves. (…) On vient dire que c’est la grève des enseignants qui amène en difficulté nos élèves. C’est inconcevable!» a-t-elle déclaré.

«Si tel était le cas, pourquoi depuis deux semaines il n’y a pas de négociations à nos tables? Si la grève fait mal présentement, pourquoi le gouvernement ne vient pas s’asseoir à la table? À quoi joue le gouvernement, à reprendre l’image publique?» a-t-elle demandé.

Infirmières

Vendredi, M. Legault a également interpellé les infirmières pour leur demander plus de «flexibilité». Il a donné l’exemple des primes que le gouvernement souhaite octroyer à des infirmières «à certains endroits, parce qu’il nous en manque».

«Les syndicats, ce qu’ils nous disent, c’est: « Non, si vous donnez des primes, il faut les donner mur à mur, même aux infirmières dans les endroits où on n’a pas de problème de recrutement ». Ça n’a pas de bon sens. Il faut revenir à l’ABC de la bonne gestion», a-t-il insisté.