La Couronne avance des incohérences dans les déclarations de Peter Nygard

TORONTO — Le procureur de la Couronne dans le procès pour agression sexuelle de Peter Nygard a contesté les déclarations faites par l’ancien magnat de la mode à la police et au tribunal, alors que Nygard a continué de nier les allégations portées contre lui à la barre, mercredi.

L’avocat de la Couronne, Neville Golwalla, a suggéré lors de son contre-interrogatoire qu’il y avait des incohérences entre ce que Nygard a dit à un enquêteur de la police de Toronto il y a plus de deux ans et ce qu’il a témoigné pour sa propre défense au procès.

Le magnat de la mode de 82 ans a plaidé non coupable de cinq chefs d’accusation d’agression sexuelle et d’un chef de séquestration en lien avec des incidents présumés allant des années 1980 au milieu des années 2000.

Cinq femmes, dont l’identité est protégée par une interdiction de publication, ont affirmé avoir été emmenées au siège social de la société Nygard à Toronto à différents moments, sous prétexte notamment de visites et d’entretiens d’embauche. Toutes les rencontres se seraient terminées dans une chambre au dernier étage où elles auraient été agressées sexuellement.

Me Golwalla a soulevé mercredi que Nygard avait initialement déclaré à la police de Toronto, en octobre 2021, qu’il ne se souvenait pas d’être allé dans une discothèque de Gatineau à la fin des années 1980, où l’une des plaignantes a soutenu l’avoir rencontré avant qu’il ne l’agresse sexuellement à Toronto.

«Lors de cette rencontre (avec l’enquêteur), je ne me souvenais pas de Chez Henri», a assuré Nygard, faisant référence au lieu. Il a toutefois ajouté qu’il avait ensuite commencé à se souvenir de certains détails lorsqu’on lui a présenté une photo.

Peter Nygard a témoigné la semaine dernière qu’il n’avait aucun souvenir d’avoir rencontré la plaignante dans une boîte de nuit. Il a mentionné que sa version des faits, selon laquelle il lui aurait proposé de l’aider à réaliser ses aspirations en matière de création de mode, n’avait aucun sens.

Contradictions

Nygard a soutenu mercredi qu’il ne comprenait toujours pas comment il aurait pu aider cette femme, qui, selon la Couronne, aspirait à créer des vêtements pour enfants et adolescents.

«Je n’étais pas du tout intéressé par les enfants», a-t-il plaidé.

Me Golwalla a lu des extraits d’un article de journal sur l’événement survenu à Gatineau, qui rapportait que Peter Nygard collaborait à l’époque avec une mannequin canadienne bien connue sur une ligne de vêtements pour les 12 à 19 ans.

«Ce n’est pas vrai du tout. Nous ne travaillions pas sur quelque chose de ce genre», a répliqué l’accusé, même s’il a reconnu que l’article l’avait cité avec précision et qu’il était possible que la ligne de vêtements soit quelque chose sur lequel la mannequin elle-même prévoyait de travailler.

Lorsque le procureur de la Couronne a suggéré qu’il serait «logique» que la plaignante ait un mentor dans l’industrie de la mode, Peter Nygard a répondu: «Je n’effectuerais un tel mentorat que si cela était dans mon intérêt commercial.»

Nygard a répété qu’il ne se souvenait pas d’avoir rencontré la plaignante et qu’«il n’y avait aucune raison» pour lui de prendre son numéro de téléphone lors de cet événement.

Plus tard, Nygard a aussi affirmé qu’il n’avait aucun souvenir d’avoir rencontré une autre plaignante, qui a raconté à la barre avoir assisté à un concert des Rolling Stones avec lui à Toronto à la fin des années 1980 avant d’être conduite à la suite de l’accusé au dernier étage, où elle a allégué avoir été piégée et attaquée.

Nygard a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir assisté à un concert des Rolling Stones à Toronto.

Me Golwalla a insisté sur ce point mercredi, affirmant qu’il avait révélé à la police en 2021 que c’était son habitude d’aller à des «concerts clés» dans la ville où il se trouvait à ce moment-là.

Nygard a répondu qu’il n’était pas un amateur des Rolling Stones et qu’il ne considérait pas leur spectacle comme un «concert clé».

Me Golwalla a suggéré qu’un homme de la position et du pouvoir de Nygard aurait accès à des billets pour de grands événements de divertissement.

«Si les Rolling Stones étaient en ville, Peter Nygard y était, n’est-ce pas?» a-t-il demandé.

«Ce n’est pas exact, je n’étais pas là», a renvoyé Nygard.

Plan B

Me Golwalla a également interrogé Peter Nygard sur son témoignage concernant l’utilisation d’un contraceptif d’urgence appelé «Plan B».

Une plaignante qui alléguait que Nygard l’avait agressée sexuellement à son siège social de Toronto au début des années 2000 avait témoigné qu’une autre femme qui était sur place lui avait donné des pilules en sortant, ce qu’elle avait plus tard reconnu comme étant une «pilule du lendemain».

Nygard a déclaré au tribunal la semaine dernière qu’il n’avait jamais donné de pilule «Plan B» à qui que ce soit «au cours de ces années», mais qu’il l’a peut-être fait depuis que cette méthode de contraception est devenue «légale».

Interrogé par Me Golwalla, Nygard a soutenu qu’il croyait que le «Plan B» était devenu légal entre 2008 et 2010. Le procureur lui a dit que Santé Canada avait approuvé l’utilisation du «Plan B» sans ordonnance en avril 2005.

Nygard a déjà témoigné qu’il n’avait jamais fait les choses dont les cinq plaignantes l’accusaient et qu’il ne se livrerait pas non plus à un tel comportement.

Il a également déclaré qu’il n’avait «rien à cacher» lorsqu’il s’est présenté à l’interrogatoire policier, en octobre 2021, mais qu’il ne pouvait pas se souvenir de plusieurs détails de cette conversation lorsqu’il a été interrogé à leur sujet devant le tribunal.

Le procès se poursuit jeudi.