La Chambre des communes demande une révision des cibles d’immigration et un sommet

OTTAWA — Une majorité d’élus fédéraux ont adopté lundi une motion réclamant la révision des cibles d’immigration dès cette année et la tenue d’une rencontre entre premiers ministres sur la question.

Les conservateurs et les néo-démocrates se sont ralliés à l’initiative bloquiste.

Le texte appelle à ce que le gouvernement dépose, dans les 100 jours, «un plan de révision» des niveaux annuels de nouveaux résidents permanents «en fonction de la capacité d’accueil du Québec, des provinces et des territoires», et ce, «dès 2024».

«Ça nous prend des outils pour mesurer, après un, deux, trois, quatre ans, la qualité de l’intégration et la qualité de vie en général des gens qui ont choisi de venir vivre au Québec», a déclaré la semaine dernière le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, au cours du débat sur la motion.

Il a soutenu que cela va bien au-delà de la capacité des nouveaux arrivants de parler français. «C’est un ensemble de variables (…) Est-ce qu’on a reconnu ton diplôme? Est-ce que tu as un emploi décent? Est-ce que tu as un logement à un prix raisonnable?», a-t-il énuméré.

Il a souligné que la motion vise aussi à en rappeler une autre qui avait été adoptée – unanimement celle-ci, donc avec le soutien des libéraux. Le libellé précédent demandait à ce qu’Ottawa consulte le Québec et les autres provinces avant de fixer ses objectifs pancanadiens et que le «gouvernement (revoie) ses cibles d’immigration» en fonction de telles consultations.

Cette mouture avait été entérinée le 1er novembre, jour même où le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, annonçait qu’il maintenait la cible de 485 000 nouveaux résidents permanents en 2024.

Il avait fait savoir que la cible de 500 000 nouveaux résidents permanents en 2025 demeurait aussi, mais qu’un gel entrerait ensuite en vigueur, en 2026.

La vis-à-vis québécoise de M. Miller, Christine Fréchette, avait affirmé que la province n’avait pas été adéquatement consultée par Ottawa.

M. Miller avait pour sa part dit avoir parlé avec Mme Fréchette, bien qu’il avait aussi souligné que les discussions se passaient aussi «régulièrement» au niveau de «la haute fonction publique».

Le bureau du ministre fédéral a indiqué à La Presse Canadienne que les libéraux se sont opposés à la nouvelle motion puisqu’elle exige un plan d’ici 100 jours pour réviser les cibles sur trois ans annoncées en novembre. Cela dit, on a tenu à ajouter que des discussions ont tout de même lieu en continu pour réévaluer les besoins en vue des prochains niveaux, pour 2026-2028.

Jeudi dernier, M. Miller a soutenu que les consultations menées en 2023 auprès des provinces, mais aussi d’autres intervenants, ont été «encore plus approfondies» qu’elles ont pu l’être dans les années antérieures.

«Les niveaux d’immigration pour 2024 reflètent déjà les besoins des Canadiens de toutes les régions du pays, soutiennent la croissance démographique du Canada tout en modérant son impact sur les systèmes nationaux essentiels tels que le logement, les infrastructures», a déclaré le ministre.

Il a reproché aux bloquistes de verser dans «beaucoup de non-dits» puisqu’ils mentionnent une «révision» des cibles alors «qu’ils veulent dire qu’ils veulent réviser à la baisse sans avoir consulté le gouvernement du Québec».

«Je leur demanderais (…), s’ils ne veulent pas être des gérants d’estrade, de me dire (si) la capacité d’accueil, ça inclut la mesure de la pénurie de main-d’œuvre. (…) Ils ne semblent pas tenir compte de ce facteur quand ils font leur analyse», a fait valoir le ministre.

De leur côté, les néo-démocrates ont insisté sur les ressources envoyées aux ordres de gouvernements provinciaux. La députée Jenny Kwan a affirmé qu’Ottawa «a échoué» et devrait s’assurer d’allonger suffisamment d’argent «pour aider la province à avoir cette capacité de réinstaller les nouveaux arrivants».

Les troupes de Jagmeet Singh ont d’ailleurs fait amender la motion bloquiste pour que le plan réclamé dans les 100 jours inclue des mesures «visant à assurer que les ressources adéquates soient fournies au Québec, aux provinces et aux territoires pour permettre une réinstallation réussie».

L’élu conservateur Tom Kmiec a quant à lui relevé les longs délais de traitement qui s’accumulent au ministère de l’Immigration, lesquels ont largement été documentés par la vérificatrice générale.

«Nous, les conservateurs, on (se focalise) absolument sur ce qu’est l’expérience des nouveaux arrivants au Canada. Aujourd’hui, ce n’est pas l’expérience que moi j’ai eue quand j’y suis arrivé par le Québec», a dit le député d’origine polonaise.

Les cibles auxquelles réfère la motion bloquiste ne concernent pas l’immigration temporaire, qui a connu un bond important. Ottawa a promis d’entreprendre des actions visant à ajuster le nombre d’admissions de résidents temporaires et a pour l’instant annoncé des mesures concernant les permis d’étude.