Justin Trudeau signe au Nunavut le transfert de responsabilités fédérales

IQALUIT, Nunavut — Élevé dans la communauté la plus septentrionale du Canada, P. J. Akeeagok voulait devenir chauffeur de camion-citerne.

À Grise Fiord, une communauté de l’île d’Ellesmere au Nunavut où vivent seulement 145 personnes selon le recensement de 2021, le chauffeur de camion-citerne a servi de modèle en fournissant un service public essentiel.

L’instinct de service public de M. Akeeagok l’a ensuite conduit dans une direction différente : l’homme de 39 ans est désormais le plus jeune premier ministre du pays, dirigeant le plus jeune territoire de la fédération.

Et jeudi, il a signé un accord avec le gouvernement fédéral qui, espère-t-il, ouvrira davantage de possibilités aux générations futures.

M. Akeeagok et le premier ministre Justin Trudeau, ainsi que d’autres signataires, ont finalisé jeudi ce qui est officiellement appelé «l’Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources du Nunavut».

En termes simples, l’accord transfère au Nunavut les pouvoirs sur les terres publiques, les eaux et les ressources non renouvelables qui se trouvent à l’intérieur de ses frontières.

Les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon ont connu il y a des années des processus similaires, officiellement connus sous le nom de transfert de responsabilités.

Assis dans son bureau pour une entrevue la veille de la cérémonie officielle, qui comprenait des performances de percussionnistes et de chanteurs de gorge inuits, M. Akeeagok a déclaré que la signature du Nunavut signifiait le début de quelques années passionnantes.

Ses habitants, dont la plupart sont des Inuits, deviendront les décideurs de leur propre territoire physique.

«Quel meilleur gestionnaire que les gens qui habitent au Nunavut», a-t-il déclaré mercredi.

Des emplois et des sources de revenus

Selon lui, l’accord signalera notamment la création de nouveaux emplois. Il doit également permettre au Nunavut d’obtenir de nouvelles sources de revenus, comme celles provenant du développement des ressources.

Il s’agit du plus grand transfert de terres de l’histoire du Canada. Le Nunavut représente un cinquième de la superficie du pays.

S’exprimant avant la signature de jeudi, M. Trudeau a souligné que le transfert équivaut à deux millions de kilomètres carrés de terres, un fait qu’il a mentionné alors que lui et d’autres signataires ont passé quelques minutes à signer une série de documents comprenant l’accord lui-même.

Par la suite, en point de presse, M. Trudeau a parlé d’une «grande étape qui devait être franchie».

«Ça donne la capacité au Nunavut, comme les deux autres territoires l’ont déjà, de mieux gérer pour eux-mêmes leurs ressources, leur territoire, leurs services aux citoyens. Pendant longtemps, le gouvernement fédéral a porté cette responsabilité parce que le Nunavut se développait en tant que territoire», a-t-il déclaré.

«Mais aujourd’hui, le travail qu’ont fait des générations de gens ici pendant de longues années pour arriver à ce moment est une très grande chose et ça continue de démontrer la maturité de la gouvernance des territoires», a fait valoir le premier ministre.

M. Trudeau a dit que son gouvernement était «très content de pouvoir travailler en partenariat avec le Nunavut pour développer à l’interne des capacités de bien gérer leurs propres territoires et leurs propres gens».

Les parties à l’accord se sont donné jusqu’en avril 2027 pour régler les complexités restantes, telles que le transfert des ressources humaines et de bâtiments fédéraux, comme un que pointe M. Akeeagok depuis la fenêtre de son bureau.

Les célébrations de jeudi ont marqué la fin d’un long chemin pour parvenir à un accord final.

Le Nunavut a été créé en tant que territoire à part entière, distinct des Territoires du Nord-Ouest, en 1999.

En 2008, il a entamé le processus de prise de contrôle de ses terres et de ses ressources en signant un protocole de négociation avec le gouvernement conservateur de l’ancien premier ministre Stephen Harper.

M. Harper a nommé des négociateurs et le processus a finalement abouti à un accord en 2019 entre le Nunavut, le Canada et Nunavut Tunngavik, qui représente les droits issus de traités des Inuits.

Cette année-là, Carolyn Bennett, alors ministre des Relations Couronne-Autochtones dans le gouvernement Trudeau, a signé une entente de principe avec le premier ministre du Nunavut de l’époque, destinée à servir de guide pour la négociation d’un accord final.

Une signature «surréaliste»

M. Akeeagok, qui, avant d’être élu premier ministre en 2021, a présidé l’Association inuite Qikiqtani, a affirmé qu’il semblait «surréaliste» d’inscrire son nom sur le document.

Il a déclaré jeudi à la foule de dirigeants inuits venus d’un peu partout sur le territoire et d’Ottawa que l’accord marquait le début de la gestion par le Nunavut de ses propres ressources naturelles, y compris des terres «riches en minéraux».

Au cours de son discours, M. Akeeagok a souligné la résilience des Inuits et a déclaré que les jeunes de tout le territoire devraient savoir qu’ils ont un avenir.

«Lorsque vous commencez à créer ce genre d’opportunités, comme l’accord de transfert de responsabilités, vous ouvrez vraiment beaucoup plus d’occasions pour ces jeunes qui autrement n’existaient pas. C’est donc ce à quoi je finis toujours par penser», affirmait-il la veille dans son bureau.

En se rendant au travail chaque jour, M. Akeeagok dit se demander : «Comment pouvons-nous rendre le Nunavut meilleur?»

Tout le monde sait que le territoire comporte des défis, a-t-il souligné.

Le taux de suicide y est parmi les plus élevés du pays. Le manque de logements a conduit à des décennies de surpeuplement, ce qui a entraîné de moins bons résultats en matière de santé. Il y a aussi le coût de la vie, qui ne cesse d’augmenter.

Des problèmes importants

Dans sa capitale, le maire d’Iqaluit, Solomon Awa, affirme qu’il n’est pas possible d’étendre l’empreinte de la construction de nouvelles maisons sans d’abord résoudre la crise de l’eau. Le réservoir actuel est trop petit pour soutenir une population croissante.

Les dépendances et l’alcoolisme sont d’autres problèmes sociaux dont le maire dit entendre parler.

Il a déclaré lors d’une entrevue qu’il espérait qu’avec la construction du premier centre de traitement du territoire à Iqaluit, les résidents verraient qu’ils ont un endroit où aller qui n’est pas Ottawa, Toronto ou Winnipeg.

«Avec le personnel inuit, j’espère que davantage de gens commenceront à admettre qu’ils ont besoin d’aide», a-t-il déclaré mercredi.

Malgré des problèmes importants, M. Akeeagok a déclaré qu’il existe également de nombreuses occasions.

«La façon dont nous saisissons ces occasions est ce à quoi nous devons consacrer notre énergie et notre concentration, et cet accord de transfert de responsabilités, je pense, nous oriente dans cette direction», a-t-il fait valoir.