Jacques Duval, pionnier du secteur automobile au Québec, rend l’âme à l’âge de 89 ans

MONTRÉAL — Pensez aux grands noms du monde du sport ou de la musique qui ont laissé une marque indélébile dans la société québécoise; si l’on veut absolument identifier une sommité dans le domaine de l’automobile au Québec, Jacques Duval est le premier nom auquel on va s’arrêter, estiment des gens qui l’ont lu, écouté, connu, côtoyé, et surtout, admiré.

Ancien pilote automobile qui a aussi œuvré à titre d’animateur, journaliste et chroniqueur automobile, M. Duval est décédé le 6 février dernier des suites d’une longue maladie. Il était âgé de 89 ans.

Sa famille a annoncé la nouvelle dans un communiqué de presse rendu public jeudi.

À la fois reconnu et respecté, tant par l’industrie automobile que par le grand public, il a été pendant longtemps la référence incontournable en matière automobile au Québec, mais il s’est également distingué dans plusieurs domaines au cours de sa longue carrière.

«Jacques Duval, c’est le Maurice Richard, c’est le Gilles Villeneuve, c’est le Félix Leclerc de l’automobile», a comparé l’ancien pilote automobile Bertrand Godin, qui a pu le côtoyer lors de voyages de presse, notamment.

«Si les gens sont passionnés de l’automobile et qu’on a une culture si passionnée, Jacques Duval en est responsable. Avec (l’émission) Prenez le volant, avec le Guide de l’auto, il a vraiment propagé la passion et l’intérêt pour l’automobile. C’était une icône, un grand monsieur, et on ne peut que saluer son oeuvre.»

Le décès de M. Duval a ramené de précieux souvenirs au chroniqueur automobile Marc Lachapelle qui a collaboré au Guide de l’auto à ses côtés à partir de 1982.

«J’ai une dette lumineuse à l’égard de Jacques Duval parce qu’il m’a à la fois encouragé et il m’a fait confiance. J’étais un jeune journaliste et il m’a laissé aller et ç’a bien été, nos affaires finalement. On s’est bien entendu», a-t-il relaté.

Marc Lachapelle s’est souvenu d’un homme passionné et minutieux à tous les points de vue.

«Il a travaillé fort. Je l’ai vu, franchement exténué à la fin de la période de rédaction du guide. C’était un perfectionniste à la fois quand il était devant les caméras et derrière un clavier. Il donnait tout, avec un souci admirable pour la langue française. Il nous a vraiment fait entrer dans le vrai 20e siècle, les Québécois, en matière d’automobile en nous faisant comprendre qu’on pouvait parler d’automobile en français avec précision, avec style, avec compétence aussi.»

«Ce n’est pas compliqué; pour moi, Jacques Duval, c’est un peu beaucoup comme les Beatles et comme Beau Dommage, a-t-il ajouté. Ce sont des phénomènes, les bonnes personnes au bon moment avec les bons talents, les bonnes compétences et l’espèce de soupçon d’inspiration qu’il faut pour faire les grandes choses. Et il a fait de grandes choses dans le domaine de l’automobile.»

Champion pilote

Né en 1934 à Lévis, Jacques Duval a débuté dès l’âge de 16 ans comme annonceur et animateur, d’abord à la radio, à CKVC (Québec) et CKVL (Verdun), puis à Télé-Métropole, où il crée notamment le concept du Cimetière du disque, repris par la suite par Claude Rajotte à Musique Plus.

Passionné de l’automobile, il s’impose rapidement comme pilote, puis comme chroniqueur émérite. À titre de pilote, il remporte le championnat du Québec à cinq reprises entre 1964 et 1971, gagnant notamment le Grand Prix de Trois-Rivières en 1967.

En 1971, il triomphe aux 24 Heures de Daytona dans la catégorie GT, devenant ainsi le premier Canadien à remporter une victoire internationale, et trace ainsi la voie pour les nombreux pilotes québécois ayant réussi sur la scène internationale.

Sa passion pour l’automobile l’amène à proposer à Radio-Canada un projet de série hebdomadaire sur l’automobile, qui deviendra l’émission Prenez le volant, qu’il anime pendant huit saisons, de 1966 à 1974. En parallèle, il fonde et publie à compter de 1967 Le Guide de l’auto, qui devient rapidement le best-seller annuel du Québec et le livre de chevet de tous les amateurs d’automobile du Québec.

En plus d’être chroniqueur automobile à La Presse pendant une quinzaine d’années, il dirigera Le Guide de l’auto pendant 37 ans, jusqu’en 2004 (à part une trêve de quelques années où il travaille pour Ford), avant d’y retourner comme collaborateur entre 2013 et 2015.

Il a également animé des émissions à Radio-Canada, TVA (où, avec Michel Barrette, il fait revivre Prenez le volant en 2000), ainsi qu’au Canal Vox et à Évasion. Pendant toutes ces années, son franc-parler était à la fois craint et admiré des manufacturiers automobiles.

Tant dans sa carrière d’animateur que de chroniqueur automobile, Jacques Duval a toujours été un ardent défenseur de la langue française, d’abord à la radio et à la télé, comme promoteur des interprètes et chansonniers québécois, puis comme chroniqueur automobile, où il a été un réel précurseur, notamment en établissant de nouvelles normes de francisation dans le langage automobile. On a souvent comparé son impact sur le français dans l’automobile à celui qu’a eu René Lecavalier pour le hockey.

Récipiendaire de nombreux honneurs, il a entre autres été intronisé au Temple de la Renommée du sport automobile canadien. En 2011, le gouvernement du Québec lui a décerné le Prix Georges-Émile Lapalme pour son œuvre remarquable et la qualité exceptionnelle de sa contribution au développement culturel de la société québécoise. Il a publié son autobiographie, De Gilbert Bécaud à Enzo Ferrari en 2006.

En plus de ses collègues et amis, Jacques Duval laisse dans le deuil sa conjointe Suzanne Charest ainsi que ses trois enfants Brigitte, Pierre et François, et ses cinq petits-enfants.

À la demande de M. Duval, sa famille a exprimé le désir de tenir des funérailles discrètes et demande aux médias de respecter ce souhait.