Insatisfaits, les conservateurs menacent de paralyser le Parlement

OTTAWA — Le chef conservateur Pierre Poilievre a menacé de paralyser le Parlement au point de retarder le début des vacances des Fêtes, si le gouvernement n’offre pas de nouveaux allègements sur la tarification du carbone, une méthode que les troupes libérales qualifient d’«intimidation» et de «prise d’otage».

«On exige du gouvernement d’enlever les taxes carbone pour les fermiers, les Premières Nations et les familles, ou on va mettre des milliers d’amendements dans les comités et à la Chambre des communes», a-t-il déclaré mercredi lors d’un discours devant son caucus.

Lors de cette rencontre à laquelle les journalistes ne sont habituellement pas conviés, M. Poilievre a affirmé que cette obstruction parlementaire va engendrer «des votes qui vont continuer 24 heures».

«On ne va jamais arrêter, a-t-il poursuivi. On va même retarder les vacances de Noël de tous les politiciens sur la colline parlementaire jusqu’au moment qu’ils enlèvent la taxe.»

Cela, a-t-il dit, est son message «pour (le premier ministre) Justin Trudeau et le Bloc» à qui il reproche d’avoir «causé une énorme misère, beaucoup de stress et d’angoisse pour les Canadiens».

«Ils vont avoir un peu de stress aussi», s’est-il amusé. En anglais, il s’est même engagé à «ruiner» le Noël du premier ministre Justin Trudeau.

«C’est un intimidateur»

Le premier ministre Justin Trudeau n’y est pas allé de main morte lors de la période des questions en après-midi, dénonçant «l’intimidation et les menaces» du chef conservateur qui est «tellement opposé idéologiquement à la protection de la planète» qu’il est prêt à «prendre le Parlement en otage».

«Le chef de l’opposition a menacé de gâcher les vacances si ses revendications idéologiques ne sont pas satisfaites. Soyons clairs: nous continuerons à travailler pour les Canadiens pendant que le chef conservateur ne se nourrit que du son de sa propre voix et n’a pas de véritable plan pour ce pays», a-t-il lancé.

Pour la leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, il est clair que M. Poilievre, «c’est un intimidateur».

Elle s’est également indignée que les troupes conservatrices aient déposé mardi au comité permanent des ressources naturelles «à peu près 20 000 amendements» au projet de loi C-50 sur les emplois durables.

«Le projet de loi a seulement 11 pages, a-t-elle lancé. Qu’est-ce qu’il veut amender? Il veut amender le titre 500 fois. Ça, c’est quelque chose qui est irresponsable. C’est quelque chose qui démontre que pour lui la politique, c’est un jeu. Ce n’est pas quelque chose de sérieux.»

Quels projets de loi pourraient être retardés, s’est-elle fait demander. «C’est le C-56 alors sur le logement (et) sur la (concurrence) (‘’compétition’’). C’est (celui sur) les emplois durables, c’est la mise à jour économique, c’est l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine. C’est le S-9 qui est sur les armes (chimiques).»

Déjà, des tentatives d’obstruction s’observent dans plusieurs comités parlementaires. Une députée conservatrice a par exemple annoncé le mois dernier au comité permanent des langues officielles qu’elle déposerait une motion pour étudier l’impact de la tarification du carbone sur le français et l’anglais au pays.

Et les conservateurs paralysent le comité permanent des ressources naturelles depuis le 30 octobre.

«Du chantage»

Les tactiques des conservateurs n’enchantent guère le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique.

Le leader parlementaire bloquiste, Alain Therrien, a affirmé que ces méthodes qui visent à «soit faire du chantage ou pour ralentir le processus de fonctionnement de l’appareil étatique aux Communes» ne contribuent pas «à l’amélioration du bien-être commun».

«Nous, on est là pour travailler sérieusement, a-t-il noté. On ne fera jamais ce genre de choses là parce qu’on considère que ce n’est pas une bonne façon de travailler dans ce Parlement-là.»

Pour son homologue néo-démocrate, Peter Julian, il n’y a rien de nouveau dans le fait que les conservateurs fassent de l’obstruction parlementaire, si bien que ça force constamment à «trouver des moyens procéduraux pour débloquer ce qu’ils bloquent».

«M. Poilievre fait beaucoup de travail présentement pour essayer de bloquer tous les projets de loi, a-t-il dit. On se rappelle des soins dentaires, (…) les remboursements de l’épicerie quand les gens ont besoin à travers le pays.»

Les conservateurs reprochent au Bloc québécois d’appuyer la «taxe sur le carbone». Bien que cette «taxe», comme se plaisent à l’appeler les conservateurs, ne s’applique pas au Québec, ceux-ci affirment que les Québécois la paient indirectement.

«Si les fermiers du Canada paient une taxe et les camionneurs paient les taxes, toute la nourriture que les Québécois achètent qui est transportée d’ailleurs au Canada est taxée par la taxe carbone de Justin Trudeau», a répété mercredi M. Poilievre.

Les conservateurs considèrent aussi que le Bloc appuie le règlement sur les combustibles propres qu’ils associent à «une deuxième taxe» qui fera augmenter le prix de l’essence de 17 cents le litre d’ici 2030, selon le directeur parlementaire du budget. Ils s’appuient sur un vote des Communes en juin.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron