Immigration: Québec maintient les seuils, mais ajoute les étudiants

QUÉBEC — Après trois semaines de consultation sur l’immigration, Québec coupe la poire en deux. Le gouvernement maintient ses cibles d’immigration à 50 000 par année pour 2024 et 2025. Toutefois, il ajoute à ce nombre les immigrants qui obtiendront leur résidence permanente grâce au programme de l’expérience québécoise (PEQ), volet «Diplômés du Québec».

Pour 2024, le gouvernement prévoit accueillir 6500 immigrants issus de cette catégorie, ce qui porterait le total à environ 56 500 pour l’année prochaine. À ce nombre s’ajoutera un «écoulement des demandes en traitement des gens d’affaires» oscillant entre 5400 et 6600 admissions.

Le PEQ est réservé aux étudiants ayant obtenu un diplôme d’un programme donné en français. Sinon, un étudiant peut avoir accès à cette voie rapide pour la résidence permanente en prouvant qu’il a fait trois ans d’étude au secondaire ou au post-secondaire en français.

«Les personnes sélectionnées dans ce volet-là seront admises au fur et à mesure que leurs demandes de résidence permanente seront présentées (…) sans égard à la cible de 50 000 admissions régulières», a expliqué la ministre Christine Fréchette en point de presse à l’Assemblée nationale. Elle était accompagnée du premier ministre François Legault et du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge.

Il n’y a pas de prévision pour l’année 2025 pour la catégorie du PEQ volet «Diplômés du Québec». Également aucune prévision quant aux cibles d’immigration permanente n’est faite pour les années 2026 et 2027, contrairement à ce qui était prévu initialement.

En effet, en mai, Québec avait annoncé jongler avec deux scénarios. Le premier aurait haussé les seuils d’immigration à 60 000 par année d’ici 2027, alors que le second scénario aurait maintenu le statu quo à 50 000 immigrants.

Le gouvernement a décidé de limiter ses prévisions à deux ans afin de pouvoir analyser l’impact de ses mesures sur le français. «C’est une approche qui va nous permettre de bénéficier d’une plus grande flexibilité dans un contexte qui est vraiment très changeant, très rapidement», a indiqué la ministre Christine Fréchette.

Le Parti québécois (PQ) est la seule formation politique qui propose une baisse des seuils d’immigration et un sondage Léger publié mercredi montre une hausse des intentions de vote pour le parti de Paul St-Pierre Plamondon au détriment de la Coalition avenir Québec.

Questionné à savoir si sa décision de ne pas hausser les seuils à 60 000 avait un lien avec le contexte politique actuel, François Legault a répondu sans équivoque: «absolument pas».

Franciser les travailleurs temporaires

Également, Québec a annoncé que les travailleurs temporaires devront faire la démonstration qu’ils ont une connaissance suffisante du français en réussissant un test de niveau quatre au moment du renouvellement de leur permis après trois ans. Les travailleurs agricoles sont exclus de cette mesure. La ministre a évoqué des raisons de «sécurité alimentaire du Québec» pour justifier cette décision.

La ministre a ajouté qu’un engagement sera demandé aux employeurs «afin qu’ils soutiennent les efforts de francisation des travailleurs étrangers temporaires en leur allouant par exemple des créneaux pour apprendre le français pendant les heures normales de travail».

Le premier ministre a indiqué qu’il devait maintenir un équilibre entre les besoins économiques et la nécessité de freiner le déclin du français. «Ce qui est déterminant, c’est l’intégration des immigrants à la langue française. C’est ce qui est le plus important si on veut inverser le déclin de la langue française», a-t-il affirmé.

«Autant pour les étudiants que les travailleurs, le message va être très clair: à l’avenir, si vous voulez venir au Québec plus de trois ans, si vous voulez être reçu immigrant permanent, il va falloir parler français», a ajouté le premier ministre.

«Una cerveza por favor»

Les partis d’opposition n’ont pas tardé à réagir à l’annonce du gouvernement Legault. Le PQ ne trouve pas que le niveau du test demandé aux travailleurs temporaires est suffisant.

«Savez-vous c’est quoi un test 4? C’est comme commander un café au Québec. C’est comme un Québécois qui se rend dans un tout-inclus dans le Sud, qui se rend au bar et qui dit: « Je voudrais una cerveza por favor ». Bien, si vous êtes capable de dire ça, trois ans de plus! C’est ça la grande exigence de la CAQ en matière de langue. Donc, on rit de nous», a affirmé le péquiste Pascal Bérubé.

«Il y a une erreur claire d’analyse dans ce que la ministre (Christine Fréchette) nous dit. Elle prévoit que le programme de l’expérience québécoise diplômé hors quota aura seulement environ 6000, 6500 demandes annuellement. Tous les experts s’entendent pour dire qu’on va être dans le double de ça», a soutenu le solidaire Guillaume Cliche-Rivard.

«La consultation était pour trois ans. On ne sait pas pourquoi le gouvernement dépose aujourd’hui un plan de deux ans et on se demande si le gouvernement cache sa vraie intention à la veille d’une élection prochaine», a pour sa part indiqué le libéral Monsef Derraji.