Grenon est reconnu coupable du meurtre au premier degré de Guylaine Potvin en 2000

SAGUENAY, Qc — Marc-André Grenon a été reconnu coupable par un jury du meurtre au premier degré de Guylaine Potvin, une cégépienne de 19 ans retrouvée morte chez elle à Saguenay il y a près de 24 ans.

Les jurés, qui avaient amorcé leurs délibérations un peu plus tôt mardi, ont aussi reconnu Grenon coupable d’agression sexuelle.

L’accusé avait été arrêté en 2022 à Granby après que l’ADN de ses pailles jetées au cinéma correspondait aux preuves recueillies sur la scène du crime en 2000 à Jonquière, aujourd’hui un arrondissement de Saguenay. 

Les verdicts ont été rendus moins de trois heures après le début des délibérations du jury, mardi après-midi, au palais de justice de Chicoutimi, à Saguenay. Dans la salle d’audience bondée, mardi, on pouvait voir des spectateurs s’étreindre et essuyer leurs larmes après la lecture des verdicts.

Avant de prononcer la sentence, le juge François Huot, de la Cour supérieure, a demandé à Grenon s’il voulait s’adresser à la famille de Guylaine Potvin, ce que Grenon n’a pas fait. 

«Je vais vous dire honnêtement accusé, j’aurais été surpris que vous exprimiez des excuses. J’aurais été véritablement surpris, parce que dans mon évaluation, à partir de ce que j’ai entendu dans cette affaire, je vais vous dire une chose en toute franchise. Vous êtes un lâche, vous êtes un peureux, vous êtes un pleutre», a déclaré le juge. 

Le juge Huot, qui n’a pas mâché ses mots, a qualifié les actes de Grenon «d’absolument dégoûtants». 

«En raison de votre dépravation morale, en raison de votre immoralité sexuelle, en raison  de votre instinct de tueur, vous vous en êtes pris à une jeune femme de 19 ans, accusé, une jeune femme qui était en situation de vulnérabilité complète. Elle était chez elle, dans son appartement, dans son lit. Elle dormait avec son ourson, Roméo», a indiqué le juge. 

«Nous resterons marqués à jamais par le départ subit de notre belle Guylaine. L’extrême violence dont elle a été victime était à l’opposé de ce qu’elle incarnait, soit la douceur, le calme, la bonté et la paix», a réagi la mère de la victime, Jeanine Caouette, à la sortie de la salle d’audience. 

La Sûreté du Québec (SQ) s’était intéressée à ce suspect plus de 22 ans après le crime lorsqu’un projet de suivi des chromosomes Y – qui se transmettent de père en fils – a suggéré que l’ADN laissé par le tueur en 2000 était lié au patronyme Grenon.

Le procureur de la Couronne Pierre-Alexandre Bernard a plaidé au procès que Grenon, âgé de 49 ans, avait étranglé Guylaine Potvin au cours d’une agression sexuelle qui avait commencé après qu’il l’eut trouvée endormie dans son lit — ce qui fait de sa mort un meurtre au premier degré.

Le juge Huot avait indiqué aux jurés dans ses directives qu’un meurtre au premier degré est un meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré. Mais il leur a aussi expliqué qu’un meurtre peut être de «premier degré» lorsque la mort est causée en commettant une agression sexuelle, entre autres infractions.

La défense au procès a admis que Grenon avait tué la jeune femme chez elle, à Jonquière, en avril 2000. Mais Me Karine Poliquin a plaidé que l’étudiante était morte au cours d’un cambriolage qui avait mal tourné et que s’il y a eu un contact sexuel, il aurait eu lieu après le décès de la victime.

Le juge Huot a souligné aux jurés que contrairement à ce qu’avait prétendu la défense, il n’était pas nécessaire de prouver que l’agression sexuelle avait eu lieu avant le décès, mais seulement qu’une agression ou une tentative d’agression avait bel et bien eu lieu — et qu’elle était assez rapprochée du meurtre.

Une autre affaire, à Québec

Guylaine Potvin, âgée de 19 ans, vivait avec deux colocataires, également étudiantes, qui n’étaient pas à la maison lorsque le meurtre a eu lieu dans leur résidence de la rue Panet, à Jonquière.

Son corps a été découvert le matin du 28 avril 2000. Un pathologiste a déclaré que l’adolescente était morte par strangulation, avec des blessures comprenant un traumatisme contondant à la tête et à l’épaule, une marque de morsure sur le sein gauche et des blessures à la région génitale.

Bien que de l’ADN masculin ait été découvert sur les lieux du crime, on a appris au procès qu’il n’y avait aucune correspondance dans la base de données de la police — et qu’il n’y avait aucun témoin du crime.

Des enquêteurs de la SQ ont finalement arrêté Grenon en 2022, à Granby, après l’avoir suivi dans une salle de cinéma et récupéré des pailles qu’il avait jetées en sortant. L’ADN sur les pailles correspondait à l’ADN de la scène du crime en 2000, y compris sous les ongles de la victime, sur un T-shirt qu’elle portait et sur une boîte de préservatifs trouvés sur les lieux. 

Cette correspondance a été plus tard confirmée lorsque les enquêteurs ont obtenu un mandat pour un deuxième test ADN après l’arrestation de Grenon.

Les avocats de Grenon avaient reconnu qu’il avait tué la jeune femme avec une ceinture marron retrouvée près de son corps, mais affirmaient que sa mort était un cambriolage qui avait mal tourné. 

Le procureur Bernard a soutenu que Grenon avait probablement surpris Guylaine Potvin dans son sommeil et avait décidé de l’agresser sexuellement. 

Me Poliquin avait suggéré aux jurés un verdict de meurtre au deuxième degré. Grenon n’a pas témoigné lors du procès et son avocate n’a appelé aucun autre témoin à la barre.

Le Code criminel définit un meurtre au premier degré comme un meurtre «commis avec préméditation et de propos délibéré». Mais le meurtre que commet une personne est aussi assimilé à un meurtre au premier degré lorsque la mort est causée par cette personne «en commettant ou tentant de commettre une agression sexuelle», notamment.

Les meurtres au premier et au deuxième degrés sont tous les deux passibles automatiquement d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, mais dans le cas du premier degré, il n’y a aucune possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Pour le meurtre au deuxième degré, une libération conditionnelle est possible après 10 ans de prison.

Par ailleurs, le jury au procès à Saguenay n’a pas su que Grenon était également accusé de tentative de meurtre et d’agression sexuelle dans une autre affaire, survenue à Québec quelques mois seulement après le meurtre de Guylaine Potvin.

La SQ a déclaré que son enquête sur le meurtre de Saguenay avait révélé des similitudes avec l’affaire de Québec de juillet 2000, dans laquelle une étudiante vivant seule avait été agressée et laissée pour morte, mais avait survécu à l’attaque.

L’arrestation de Grenon était la première effectuée par l’équipe des affaires non résolues de la SQ depuis qu’elle a été renforcée en ressources en 2018.