Génocide à Gaza? Le Canada opposé à la «prémisse» de la cause contre Israël

OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau affirme que le Canada ne soutient pas la prémisse de l’Afrique du Sud qui accuse Israël de génocide contre les Palestiniens à Gaza devant la Cour internationale de justice.

«Notre appui du processus et de l’institution de la Cour internationale de la justice n’implique pas que nous appuyons la prémisse de la question posée par l’Afrique du Sud», a-t-il déclaré vendredi lors d’une conférence de presse à Guelph, en Ontario, pour une annonce en matière de logement.

Il a refusé de dire explicitement si le Canada appuierait la décision de la Cour internationale de justice advenant qu’elle penche en faveur d’un génocide.

Dans une déclaration publiée en fin de journée, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a précisé la position de son gouvernement.

«Le soutien indéfectible du Canada au droit international et à la Cour internationale de justice ne signifie pas que nous acceptons les prémisses de l’affaire portée devant la Cour par l’Afrique du Sud. Nous suivrons de très près la procédure engagée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice», a-t-elle écrit.

«Nous devons veiller à ce que les étapes de la procédure dans cette affaire ne soient pas utilisées pour encourager l’antisémitisme et le ciblage des quartiers, des entreprises et des individus juifs. Parallèlement, nous continuerons à nous opposer à l’islamophobie et aux sentiments anti-arabes», a-t-elle ajouté.

La Cour internationale de justice entendait la cause jeudi et vendredi, à La Haye. Pretoria affirme que le bombardement généralisé de Gaza par Israël et le siège des Palestiniens qui y vivent «revêtent un caractère génocidaire».

Dans sa requête, l’Afrique du Sud affirme qu’Israël a exprimé «l’intention spécifique requise (…) de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique plus large des Palestiniens». 

Israël a qualifié ces allégations de «dégoûtantes» et de «non fondées», jugeant que c’est le monde à l’envers. Les dirigeants israéliens défendent leur offensive aérienne et terrestre à Gaza comme une réponse légitime à l’attaque du Hamas du 7 octobre, au cours de laquelle des militants ont pris d’assaut des communautés israéliennes, ont tué quelque 1200 personnes et en ont pris 250 autres en otage.

Selon le ministère de la Santé du territoire dirigé par le Hamas, plus de 23 000 personnes ont été tuées à Gaza au cours de la campagne militaire israélienne.

Une heure avant que M. Trudeau ne prenne la parole, le chef conservateur Pierre Poilievre l’accusait d’alimenter le cynisme alors que ses troupes disent une chose et leur contraire.

«Justin Trudeau demande à certains de ses députés de se prononcer pour les allégations contre Israël et à d’autres de dire exactement le contraire à un autre groupe d’électeurs», a-t-il déclaré lors d’un premier point de presse depuis le mois de novembre.

M. Poilievre, qui était de passage à Winnipeg, juge que le premier ministre «veut dire n’importe quoi à n’importe qui» afin de convaincre tout le monde.

«Ce n’est pas un chef d’État. Il faut avoir une clarté morale. Vous pouvez être en désaccord avec moi, mais au moins vous savez ce que je dis parce que je dis la même chose, peu importe à qui je parle, contrairement à Justin Trudeau.»

Le gouvernement canadien n’avait jusqu’alors pas exprimé de position sur cette affaire, mais Ottawa évite généralement de traduire Israël devant les tribunaux internationaux, arguant que cela saperait les tentatives visant à amener Israéliens et Palestiniens à négocier directement une paix durable.

Au cours des derniers jours, des libéraux ont fait part de leur opinion sur le sujet. La députée Salma Zahid a par exemple jugé que les accusations «méritent d’être entendues dans le cadre juridique approprié». À l’inverse, Marco Mendicino et Anthony Housefather ont affirmé que la requête sud-africaine est «sans fondement et inadmissible».

Et justement, M. Poilievre a révélé être en désaccord avec les accusations de génocide qui ont été portées. Il s’agit selon lui d’«un effort politique et malhonnête pour cibler l’État d’Israël».

Le chef conservateur a repris les arguments de l’État hébreu voulant que ce soit au contraire le Hamas qui commet un génocide contre Israël.

 – Avec des informations de l’Associated Press