Des parents endeuillés ont payé 200 $ pour rencontrer Geneviève Guilbault

QUÉBEC — La Coalition avenir Québec (CAQ) est de nouveau éclaboussée pour ses méthodes de financement. 

Une employée de la députée caquiste Marilyne Picard a offert à des parents endeuillés de payer 100 $ chacun pour avoir accès à la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. Le Parti québécois (PQ) a réclamé des excuses et le remboursement des contributions.

La députée a admis que c’était une «erreur de jugement» en fin de journée et a présenté des excuses.  

La loi permet à chaque citoyen de faire une contribution maximale de 100 $ par an à un parti politique, mais pas pour obtenir une contrepartie.  

«C’est inacceptable au Québec qu’on utilise la détresse d’un couple pour faire avancer la caisse électorale caquiste», a tonné le député libéral Monsef Derraji. 

Antoine Bittar et Élizabeth Rivera sont en croisade pour faire baisser le taux d’alcoolémie permis dans le sang de 0,08 à 0,05 (50 mg d’alcool par 100 ml de sang) depuis la perte de leur fille en 2017, tuée par un ivrogne au volant. 

En commission parlementaire sur le projet de loi 48 relatif à la sécurité routière, Mme Rivera a révélé qu’on leur avait offert de rencontrer la ministre dans une activité de financement. Il fallait payer 100 $ pour obtenir deux minutes par personne. 

«Moi, je n’étais pas d’accord. J’ai dit à Antoine, « je ne veux pas faire ça », mais il m’a convaincu et on est à la rencontre avec la ministre. On a eu nos deux minutes et honnêtement, quand j’ai quitté l’endroit, j’étais vraiment déçue. J’ai trouvé ça inacceptable qu’on nous demande de payer 200 $ pour rencontrer la ministre.»

«Je passe pas mal plus que deux minutes», a rétorqué Mme Guilbault dans une longue mêlée de presse, sa deuxième de la journée pour écraser la controverse.

«Je suis désolée s’ils se sont sentis mal à l’aise. Sil y a eu une maladresse, malencontreusement, à cause de quelque chose qui, oui, respectait les règles, je m’en désole. (…) En aucun cas un citoyen du Québec a besoin de payer pour me parler.»

Elle a rappelé que la baisse du taux d’alcoolémie permis ne faisait pas partie de son plan d’action, mais le PLQ s’est engagé à déposer un amendement en ce sens au projet de loi 48. 

M. Bittar a assuré qu’il n’était militant d’aucun parti, mais a dit qu’il l’a fait pour sa fille, parce qu’il n’avait pas le choix sinon le dossier n’avançait pas.

Le PQ y voit une méthode «systémique» de financement, puisque la CAQ est embourbée depuis des semaines dans une controverse sur ses méthodes de collecte de fonds: l’opposition accuse le parti de François Legault de monnayer l’accès à ses ministres en échange de 100 $ à la caisse électorale. 

«Quelle est la chaîne de commandement? Quel est ce mémo qui circule et qui demande d’utiliser des noms de personnes qu’on connaît pour des objectifs de financement?» a demandé le député péquiste Pascal Bérubé en mêlée de presse.

«Est-ce qu’on peut mettre la main sur ce mémo? Pourquoi une employée d’un bureau de comté qui s’est fait raconter le deuil s’est sentie habilitée à proposer à ce couple d’acheter deux billets? Qui lui a demandé de faire ça? Est-ce la députée? Est-ce quelqu’un de l’organisation de la CAQ?»

Le député péquiste a laissé entendre que d’autres messages compromettants circulaient concernant la CAQ. 

Après une déclaration transmise par l’aile parlementaire en après-midi où elle expliquait que «personne n’a besoin de payer pour avoir un accès à un élu de la CAQ», Marilyne Picard a publié une déclaration sur sa page Facebook.

«J’ai entamé plusieurs démarches auprès du cabinet de ma collègue ministre des Transports pour soutenir leurs demandes d’informations (du couple Bittar-Rivera)», a-t-elle écrit. 

«Quelques mois plus tard, une de mes collaboratrices les a informés de la tenue d’une activité de financement à laquelle participait ma collègue ministre des Transports. C’était une erreur de jugement, et je m’en excuse sincèrement, en mon nom et celui de mon équipe.»

Les dernières semaines ont été difficiles pour la CAQ en raison des nombreuses révélations sur sur ses pratiques de financement.

Dans des messages obtenus par La Presse Canadienne, des députés ont fait miroiter l’accès à des ministres lors de cocktails pour discuter de dossiers en échange d’une contribution de 100 $. 

Deux élus caquistes, Sylvain Lévesque et Louis-Charles Thouin, sont visés par une enquête de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale.  

La Presse Canadienne avait également appris que près de la moitié des maires, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les élections municipales de 2021, pour un total de près de 100 000 $.

En réaction, jeudi dernier, François Legault a annoncé sans avertissement que son parti mettait fin au financement populaire, une pratique pourtant légale et bien encadrée au Québec.

La loi permet à tout citoyen de contribuer jusqu’à 100 $ par an à la caisse d’un parti, mais la contribution doit être faite «sans compensation ni contrepartie», pour «éviter qu’un parti ou qu’un candidat se trouve dans une situation où il se sentirait redevable face à la contribution versée par un donateur et s’assurer que chaque donateur agit volontairement pour verser sa contribution, de son propre chef et à même ses propres fonds, sans subir de pression ou de promesse d’une tierce personne», stipule Élections Québec.