Coderre laisserait ses ministres participer à des cocktails de financement

MONTRÉAL — Un gouvernement libéral dirigé par Denis Coderre laisserait ses ministres participer aux cocktails de financement de son parti.

C’est ce qu’a indiqué l’aspirant pressenti à la direction du PLQ, en pleine controverse sur les méthodes de financement de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Selon lui, un cocktail de financement est un «plateau extraordinaire» pour être mieux informé et prendre contact avec les citoyens. 

Depuis bientôt trois semaines, l’opposition accuse la CAQ d’avoir fait miroiter l’accès à des ministres au cours de cocktails en échange d’un don de 100 $ à la caisse du parti.

Or la loi permet à toute personne de contribuer à la caisse d’une formation politique jusqu’à un maximum de 100 $ par an, mais sans contrepartie, et rien n’interdit à un ministre d’y participer. 

Jeudi dernier, nouvelle controverse: la CAQ a invité en octobre un couple endeuillé, qui était en croisade en vue de baisser le taux d’alcoolémie permis au volant, à payer 100 $ par personne afin de parler deux minutes à la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. 

Fin janvier, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon avait affirmé que s’il prenait le pouvoir, il interdirait à ses ministres de prendre part à des activités de financement, pour éviter tout conflit d’intérêts. 

Mais un PLQ dirigé par l’ancien maire de Montréal Denis Coderre ne suivrait pas cette voie. 

En entrevue avec La Presse Canadienne, il a affirmé que s’il était élu chef du PLQ et formait le prochain gouvernement en 2026, il continuerait à laisser ses ministres prendre part aux activités de financement.

«Je ne pense pas qu’un journaliste est achetable pour 100 $, encore moins un élu. Si tu es achetable pour 100 $, on a un maudit problème», a-t-il tranché, ce qui fait écho à ce que François Legault soutient comme argument, comme quoi ses ministres ne sont pas achetables. 

Si les gens viennent l’aborder dans un cocktail «pour parler de leurs dossiers, ils sont là pour te sensibiliser, c’est correct», a plaidé M. Coderre.

Selon lui, il est normal que des personnes titulaires de charges publiques comme les élus soient en contact avec des citoyens, gens d’affaires ou d’autres élus qui discuteront avec elles d’enjeux qui les préoccupent ou de dossiers à faire progresser. 

«Moi, je ne suis pas fonctionnaire, si je suis élu, je suis là pour représenter une population, alors si on a des fonctions, les gens viennent nous parler, pas juste du Canadien et de la victoire de la veille, ou de l’expansion de la Ligue nationale de baseball, ils viennent nous parler de leurs dossiers et nous sensibiliser.» 

Qui plus est, selon lui, un élu prend une meilleure décision s’il est mieux renseigné par les personnes intéressées, les parties prenantes. 

«La connaissance, c’est le pouvoir. En sachant une chose, tu vas prendre en considération ce que les gens te disent. (Une activité de financement), c’est un plateau extraordinaire.»

M. Coderre a expliqué sa position dans un entretien juste avant la controverse impliquant le couple endeuillé et Mme Guilbault, mais quand il a été appelé à valider qu’il maintenait son point, il a reconfirmé.  

La semaine dernière, le Parti libéral avait déjà laissé entendre que s’il formait le prochain gouvernement, il ferait participer les ministres aux activités de financement de la formation, mais les candidats ou candidats pressentis pourraient très bien prendre une autre position et mettre en jeu l’idée.  

Le cadre législatif actuel est suffisant pour encadrer la participation des ministres aux activités, nul besoin de le resserrer, avait assuré le chef libéral intérimaire Marc Tanguay, c’est la méthode de sollicitation et la contrepartie qu’on fait miroiter qui causent problème, selon lui.

«La présence d’un ministre à une activité de financement soulève toutefois le risque qu’un échange intervenu dans le cadre de l’activité puisse aboutir à une décision ayant une apparence de constituer un avantage fourni en échange d’une contribution», avait écrit Élections Québec à La Presse Canadienne dans un courriel répondant à une série de questions sur le financement des partis.

La CAQ est dans la tourmente depuis le 23 janvier dernier en raison de controverses sur ses méthodes de collectes de fonds. 

La Presse Canadienne a révélé des messages de députés caquistes qui invitaient des élus municipaux à des cocktails de financement du parti en laissant entendre que ce serait une occasion pour faire avancer des dossiers.

Deux élus caquistes, Sylvain Lévesque et Louis-Charles Thouin, sont visés par une enquête de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale.

La Presse Canadienne avait également appris que près de la moitié des maires, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les élections municipales de 2021, pour un total de près de 100 000 $.

M. Legault a annoncé par la suite que son parti allait renoncer au financement populaire, c’est-à-dire aux contributions des individus: la CAQ fait ainsi une croix sur environ 1 million $ recueillis en dons par an. 

Le Soleil avait d’ailleurs révélé que Mme Guilbault et son collègue à l’Économie, Pierre Fitzgibbon, étaient de loin les ministres les plus populaires invités à des cocktails de financement caquistes: 16 participations en 16 mois. Incidemment ce sont deux ministères qui attribuent beaucoup de subventions, avait alors souligné le PQ.

Québec solidaire a accusé la CAQ d’avoir mis sur pied un «stratagème» de financement, tandis que le Parti québécois a évoqué une méthode «systémique» de financement.

M. Coderre devrait faire savoir en juin s’il se lance dans la course à la direction du Parti libéral.

La semaine dernière, un sondage Léger commandé par les médias de Québecor suggérait qu’un PLQ dirigé par M. Coderre obtiendrait 21 % des votes dans un scrutin, contre 15 % actuellement avec le chef intérimaire Marc Tanguay. 

Les répondants seraient 27 % à penser que M. Coderre ferait un meilleur chef du PLQ.