Captage de CO2: Skyrenu s’associe à Deep Sky et son futur site montréalais

MONTRÉAL — Un projet de capture du carbone développé à l’Université de Sherbrooke fera partie des technologies exploitées par Deep Sky sur son futur site d’essai de capture et de stockage de CO2, qui devrait voir le jour dans la région de Montréal au cours des prochains mois.

L’entreprise montréalaise Deep Sky s’est donné pour mission d’extraire de l’atmosphère et des océans le principal gaz à effet de serre, le CO2, et de le séquestrer dans le sol.

Elle compte ainsi créer un site «Alpha», au Québec, pour tester différentes technologies d’élimination du carbone dans le but de les déployer à grande échelle.

Parmi les technologies qui seront étudiées, figure une installation conçue par la jeune pousse Skyrenu, qui tire et capte le CO2 directement de l’atmosphère.

L’installation développée par une équipe de l’Université de Sherbrooke ressemble à cinq conteneurs maritimes, empilés les uns sur les autres, et chacune de ces machines a une capacité de séquestration de 1000 tonnes de CO2 par an.

«C’est un peu comme une éponge dans laquelle on fait passer de grands volumes d’air avec des ventilateurs et cette éponge-là est spécialement fonctionnalisée pour retenir le CO2», a imagé le professeur à la faculté de génie mécanique de l’Université de Sherbrooke Martin Brouillette.

«Et quand l’éponge est saturée de CO2, on la chauffe avec de la vapeur pour relâcher le CO2 qu’on peut récupérer à haute pureté», a expliqué le professeur.

Le système de captage de CO2 de Skyrenu est un dispositif modulaire de captage direct de l’air. Il peut donc être déployé pour capter le CO2 pratiquement n’importe où.

«On doit livrer notre machine d’ici la fin de l’année, et selon nos informations, le site de Deep Sky devrait être à Montréal-Est», a expliqué Martin Brouillette.

Une technologie «stable et sécuritaire»

Skyrenu a également développé une technologie qui permet de transformer le CO2 en carbonate de magnésium, une roche inerte, qui peut être enfoui ou séquestré dans le sol.

Le développement de technologies de captage et de séquestration de CO2 à grande échelle pose toutefois certains risques, selon plusieurs organisations, dont l’UNESCO.

Dans un récent rapport, celle-ci appelle à une évaluation approfondie des implications éthiques, sociales et culturelles de la géo-ingénierie, qui inclut la capture et la séquestration du carbone.

Dans son rapport sur l’éthique de la géo-ingénierie, l’UNESCO souligne que capter et stocker le carbone est extrêmement coûteux et l’organisation met en garde contre certaines conséquences potentielles.

«Le CO2 enfoui devrait être stocké de manière permanente pendant des centaines d’années – les conséquences d’un rejet rapide des réservoirs souterrains seraient graves», peut-on lire dans le rapport.

Mais le professeur Martin Brouillette assure que la technologie développée par son équipe est sécuritaire.

«C’est très résistant à toutes les conditions climatiques possibles, les pluies et les pluies acides. Il faut imaginer qu’il n’y a aucun CO2 qui va se libérer de ces carbonates-là», a indiqué le professeur Brouillette.

«Je tiens à informer le public que c’est à peu près la méthode la plus sûre, la plus durable, la plus sécuritaire de séquestrer le CO2.»

Une entente qui concerne uniquement la capture de CO2

Bien que Skyrenu ait développé une technologie de séquestration du carbone, l’entente avec Deep Sky concerne uniquement les installations de capture du CO2.

«On leur vend une machine de captage et eux ils sont responsables de faire une séquestration avec la méthode qu’ils choisissent», a précisé le professeur de génie mécanique.

Éventuellement, Skyrenu souhaiterait utiliser sa technologie pour la carbonatation des déchets miniers.

«Nos systèmes peuvent être installés directement sur les sites de déchets miniers, éliminant ainsi la nécessité de transporter du CO2 ou des matières premières minérales sur de longues distances. Nous prévoyons d’abord installer nos systèmes dans les mines d’amiante abandonnées du Québec, où deux gigatonnes de résidus miniers existants offrent un potentiel de séquestration du CO2 d’environ 700 mégatonnes de CO2, et où le procédé sera alimenté par le réseau 100 % renouvelable d’Hydro-Québec», peut-on lire sur le site de l’entreprise.

Une dizaine de partenariats pour Deep Sky

Jusqu’à présent, Deep Sky a signé des contrats avec une dizaine d’entreprises à travers le monde, dont Skyrenu, et elle envisage «faire l’agrégation de toutes les technologies» pour trouver celles qui pourront être utilisées à grande échelle.

Dans un communiqué, le PDG de Deep Sky, Damien Steel, s’est dit fier de collaborer avec une entreprise du Québec.

«Un produit de l’Université de Sherbrooke, Skyrenu illustre les formidables efforts de recherche et développement menés dans les universités pour décarboner notre planète. Nous sommes ravis de déployer leur technologie à notre site Alpha, où nous testons les unités d’élimination du carbone avant de les déployer à grande échelle.»

Ces technologies, selon le PDG de Deep Sky, seront essentielles pour «atteindre la carboneutralité et atténuer les effets des changements climatiques».

Selon Deep Sky, le Québec offre des avantages particulièrement intéressants pour accueillir des installations de capture du carbone, des technologies qui consomment beaucoup d’énergie.

«Alimentées par des énergies renouvelables, les installations de Deep Sky sont situées stratégiquement au Québec, une région qui possède d’importantes réserves d’hydroélectricité, un potentiel éolien immense et un vaste territoire dont la géologie est idéale pour le captage du carbone», peut-on lire dans le communiqué publié mardi par l’entreprise montréalaise.

Il y a un mois, Deep Sky a complété une ronde de financement et dispose de 75 millions $ pour lancer la première phase de son projet de capture et du stockage du carbone.

Le tiers de cet argent, soit 25 millions $, provient d’Investissement Québec et fait du gouvernement un actionnaire privilégié dans l’entreprise.

Deep Sky vise le captage et le stockage de 2000 tonnes de CO2 par année pour la phase I de ses activités, mais à moyen terme, elle espère déployer entre 2025 et 2028, durant les phases II et III du projet, une série d’usines commerciales ayant une capacité de captation d’un million de tonnes.