Bettez, suspect dans la mort de Cédrika, poursuit la SQ pour rétablir sa réputation

MONTRÉAL — Jonathan Bettez qui, selon la police, reste un suspect dans la disparition très médiatisée et la mort de Cédrika Provencher, 9 ans, il y a 16 ans, est impatient de blanchir son nom, a déclaré lundi son avocat.

M. Bettez était au palais de justice de Montréal pour une audience concernant la poursuite de 10 millions $ qu’il a intentée en 2019 contre la Sûreté du Québec (SQ) pour la façon dont elle l’a ciblé dans cette affaire.

Les enquêteurs ont témoigné lundi que M. Bettez est toujours considéré comme un suspect dans la disparition, en 2007 à Trois-Rivières, de Cédrika  Provencher, dont les ossements ont été découverts en décembre 2015. Personne n’a été accusé de son meurtre.

L’avocat de M. Bettez, Jessy Héroux, a déclaré aux journalistes au palais de justice que son client n’avait rien à voir avec ce qui est arrivé à la jeune fille. Jonathan Bettez, a-t-il déclaré, est innocent et déçu d’être toujours lié à la disparition de Cédrika Provencher.

Me Héroux a déclaré que Jonathan témoignera lors du procès et a hâte d’y être.

Risques d’affecter l’enquête

Jessy Héroux a déclaré que l’affaire était retardée depuis neuf mois parce que la SQ refusait de fournir les documents de l’enquête, invoquant le privilège. L’affaire a également été retardée parce que la police se bat pour garder certaines procédures hors de la vue du public.

«Il y a une certaine ironie dans le fait que maintenant nous avons décidé de limiter la publicité de l’affaire et l’accès au public alors que nous savons que la police a rendu publique l’affaire et que nous savons aussi qu’elle a associé le nom de Jonathan à la disparition de Cédrika Provencher et que la police a divulgué des informations aux médias», a déclaré Me Héroux.

«Pour nous, c’est un peu tard pour être discret.»

Les documents que la police refuse de divulguer établissent qu’il n’y a aucun lien entre Jonathan Bettez et le crime et que la police a ignoré les informations à décharge, affirme Me Héroux.

Les avocats du gouvernement du Québec ont déclaré au tribunal que l’enquête pour homicide sur la disparition et le meurtre de Cédrika Provencher pourrait être affectée si certaines informations étaient rendues publiques. Les avocats du gouvernement affirment qu’ils souhaitent s’opposer à la divulgation des documents de la police devant un juge seul, sans la présence des avocats de M. Bettez ; ils souhaitent également qu’une partie du procès se déroule avec des restrictions sur ce que le public peut voir.

Ruth Arless-Frandsen, avocate du gouvernement du Québec, a déclaré que le bureau du procureur général est conscient que les restrictions demandées constituent l’exception plutôt que la règle. Le bureau fera «tout ce qui est en son pouvoir pour rendre le débat public autant que possible», a déclaré Arless-Frandsen au tribunal, mais a ajouté qu’il devait y avoir un équilibre entre l’intérêt public et la préservation des secrets des techniques policières.

Toujours suspect

Un enquêteur de la Sûreté du Québec a déclaré que M. Bettez demeure un suspect dans la disparition de la fillette parce que la police n’a pas réussi à l’innocenter. Karine Sirois, qui est au dossier depuis août dernier, affirme qu’il y a des éléments dans le dossier Provencher qui n’ont pas été rendus publics. Révéler ces détails spécifiques au cours du procès, a-t-elle expliqué, pourrait compromettre l’affaire et profiter aux suspects potentiels, y compris M. Bettez.

Chantal Daudelin, une ancienne détective principale de la SQ dans le dossier, a témoigné que ses collègues avaient tenté d’innocenter M. Bettez, mais n’y étaient pas parvenus. En 2007, les autorités recherchant une Acura rouge en lien avec la disparition de la jeune fille ont trouvé six modèles correspondant à une description donnée par des témoins oculaires, a-t-elle affirmé, ajoutant que tous les propriétaires avaient un alibi, à l’exception de M. Bettez.

«Ce sont des soupçons, car nous n’avons pas pu l’exclure comme suspect, a déclaré Mme Daudelin au juge Gregory Moore de la Cour supérieure du Québec. La fenêtre d’opportunité n’était pas fermée dans son cas.»

Jonathan Bettez a refusé de se soumettre à un test polygraphique, mais son avocat a déclaré lundi que c’était parce que son client ne faisait pas confiance à la police et que les résultats étaient grandement affectés par le stress.

Me Héroux a déclaré aux journalistes que son client avait été suivi par la police, que ses appareils avaient été minutieusement fouillés et interrogé pendant 14 heures. Il a également été soumis à une opération d’infiltration complexe, et la police a fait pression sur ses amis et sa famille, mais n’a pas pu trouver de preuves tangibles pour l’inculper du meurtre, a déclaré l’avocat.

M. Bettez a été arrêté en 2016 pour pédopornographie, mais a finalement été acquitté après qu’un juge a statué que la police était partie à la pêche et que le juge a annulé les mandats utilisés pour saisir du matériel. La famille a ensuite poursuivi la police en justice, affirmant que l’arrestation avait ruiné l’entreprise familiale et sa réputation.

Ni Jonathan Bettez ni ses parents – Huguette Drouin et André Bettez – n’ont parlé aux journalistes lundi, mais Me Héroux a déclaré qu’ils voulaient que la poursuite soit entendue en public afin que la police soit tenue responsable.

«Ce que la famille souhaite le plus, c’est que les policiers rendent des comptes sur comment ils ont conduit l’enquête sur le meurtre et la disparition de Cédrika Provencher, a déclaré Héroux. Je pense que les Québécois méritent des réponses et, au-delà de ça, les parents de Cédrika et sa sœur méritent une explication de la Sûreté du Québec.»