Aucun Canadien sur la liste des étrangers qui ont été autorisés à quitter Gaza

TORONTO — Aucun Canadien ne figurait sur une liste de plus de 400 ressortissants étrangers autorisés à quitter Gaza mercredi pour la première fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, ce qui soulève des questions sur ce que fait le Canada pour aider ses citoyens coincés dans l’enclave palestinienne assiégée.Affaires mondiales Canada explique cela par le fait qu’il y a plus de Canadiens dans la bande de Gaza que de ressortissants de nombreux autres pays et indique que des évacuations pourraient avoir lieu d’ici «quelques jours».

Un accord semble avoir été conclu mercredi pour permettre à des centaines de détenteurs de passeports étrangers, ainsi qu’à quelques blessés, de quitter la bande de Gaza vers l’Égypte voisine, au sud.

L’Autorité générale des passages frontaliers de Gaza a publié une liste de ceux qui seraient autorisés à quitter le territoire, parmi lesquels figurent des citoyens d’Australie, d’Autriche, de Bulgarie, de République tchèque, de Finlande, d’Indonésie, du Japon et de Jordanie. Mais pas du Canada.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que le gouvernement demandait que ses citoyens soient autorisés à sortir. «Nous continuons bien sûr à condamner sans équivoque le terrorisme odieux du Hamas et [à reconnaître] le droit d’Israël de se défendre, mais le prix de la justice ne peut pas être la souffrance continue de tous les civils palestiniens», a-t-il déclaré.

«Nous sommes profondément inquiets des conséquences catastrophiques sur les civils – et en particulier les enfants – à Gaza et nous réclamons des pauses humanitaires pour que l’aide puisse passer. Nous demandons aussi la libération immédiate et sans condition des otages du Hamas», a-t-il renchéri sur X, anciennement Twitter.

M. Trudeau a également publié, toujours sur X, que «les nouvelles liées au poste-frontière de Rafah sont positives, et nous travaillons à faire sortir encore plus de gens – dont les Canadiens et tous les ressortissants étrangers. Nous continuerons de promouvoir la protection des civils et le respect du droit international.»

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a assuré mercredi qu’elle était en contact avec plusieurs de ses homologues du Moyen-Orient pour qu’un plus grand nombre de ressortissants étrangers puissent quitter la bande de Gaza.

De passage à Montréal, Mme Joly a déclaré qu’elle a appris qu’il pourrait y avoir une autre occasion de faire sortir des gens jeudi, mais elle n’a pas précisé si cette opération inclurait des Canadiens.

Dans un communiqué diffusé en fin de journée, mercredi, Affaires mondiales Canada a laissé entendre que des ressortissants canadiens pourraient quitter la bande de Gaza «au cours des prochains jours».

«Le Canada a transmis une liste de près de 450 citoyens canadiens admissibles, résidents permanents et membres de leur famille qui souhaitent quitter Gaza aux partenaires régionaux», a indiqué l’agence fédérale, précisant que le contingent de ressortissants étrangers canadiens était «l’un des plus grands» de Gaza actuellement.

«Affaires mondiales Canada est au courant d’informations selon lesquelles un citoyen canadien aurait traversé la frontière de Rafah avec un tiers. Pour des raisons de confidentialité, Affaires mondiales Canada n’est pas en mesure de partager davantage d’informations», a-t-on précisé.

«Honte à eux»

Mansour Shouman, un Canadien qui se trouve à Gaza avec sa femme et ses cinq enfants, a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi Ottawa semblait si loin derrière plusieurs autres pays.

«Honte à eux», a-t-il lancé en entrevue téléphonique, alors que les sirènes se faisaient entendre en arrière-plan et qu’il se réfugiait dans un hôpital du sud de Gaza.

«Ce n’est pas le gouvernement canadien que nous avons élu, qui soutient les droits de la personne. Ils ont été très actifs dans l’évacuation des Israélo-Canadiens depuis le premier jour. L’Histoire n’oubliera pas ce qu’ils font.»

M. Shouman a appelé les Canadiens à faire pression sur Ottawa pour qu’il aide à évacuer plus rapidement les citoyens de Gaza et à dénoncer la guerre.

Ottawa a organisé le mois dernier des vols d’évacuation d’Israël pour les citoyens canadiens, les résidents permanents et les membres de leur famille admissibles. Affaires mondiales Canada a également déclaré avoir aidé 65 citoyens, résidents permanents et membres de leur famille admissibles à quitter la Cisjordanie, un autre territoire palestinien, depuis le début du conflit. L’agence fédérale soutient aussi être en contact avec 70 personnes qui s’y trouvent toujours.

M. Shouman, qui est né à Gaza, a vécu à Calgary pendant plus d’une décennie et est devenu citoyen canadien en 2006, avant de retourner vivre à Gaza il y a trois ans. Il espère que sa femme et ses enfants seront évacués, alors que lui resterait sur place. «Je ne peux pas laisser le peuple palestinien vivre ici ce qu’il vit», a-t-il expliqué.

Mahmoud Nasser, un citoyen canadien qui se trouve à Gaza avec sa femme enceinte, s’est dit déçu par son gouvernement et il souhaite partir le plus tôt possible. «Je ne sais pas ce qu’ils attendent», a déclaré M. Nasser, ajoutant qu’il n’avait pas eu de nouvelles du gouvernement canadien depuis plus de deux semaines.

«Tout est incroyable. Les scènes sont complètement folles (…) tout le monde est dans des tentes, il n’y a pas d’électricité. Il y a un gros problème d’eau. C’est incroyablement dense.»

M. Nasser a raconté qu’il s’était enfui vers un camp de réfugiés il y a deux jours, après qu’une bombe soit tombée à 30 mètres de la maison où il se réfugiait et qu’il ait été touché par des éclats d’obus. «J’ai eu de la chance d’avoir survécu», a-t-il déclaré.

Communications «désorganisées»

Dalia Salim, une résidente de London, en Ontario, qui tente de faire sortir de Gaza son père de 66 ans, un Canadien, s’est également demandé pourquoi aucun Canadien ne faisait partie du premier groupe d’étrangers autorisés à quitter l’enclave palestinienne.

«J’aurais cru qu’au moment où ils ont annoncé l’ouverture de la frontière, le Canada aurait dû en faire sa priorité absolue et essayer de faire sortir ses citoyens», a-t-elle commenté mercredi.

Mme Salim, qui a été en contact avec Affaires mondiales au nom de son père, a qualifié les communications du gouvernement canadien de «désorganisées» — elle recevait auparavant des courriels concernant des évacuations d’Israël, alors que son père est à Gaza.

«Vous mettez les gens en danger à cause de cette désorganisation», a-t-elle déploré, ajoutant que son père était à Gaza pour essayer d’aider sa mère âgée et qu’il ne pouvait pas attendre indéfiniment au poste-frontière de Rafah.

«Mon père passe sa journée à essayer de trouver de l’eau potable et de la nourriture en conserve pour la famille. C’est littéralement comme ça qu’il passe sa journée.»

Un porte-parole de l’Autorité générale des passages frontaliers de Gaza a déclaré que six autobus transportant 335 détenteurs de passeports étrangers avaient quitté Gaza via le point de passage de Rafah vers l’Égypte mercredi en milieu d’après-midi. L’agence palestinienne a indiqué que le plan prévoyait que plus de 400 détenteurs de passeports étrangers partent pour l’Égypte.

Note aux lecteurs: Version corrigée. Une version précédente identifiait un citoyen canadien qui se trouve à Gaza comme étant Mahmoud Saleh. En fait, son nom est Mahmoud Nasser.