La FDA autorise la Floride à importer des médicaments sur ordonnance du Canada

OTTAWA — Santé Canada a rappelé à l’industrie pharmaceutique les règles d’exportation destinées à prévenir d’éventuelles pénuries de médicaments, après qu’un changement majeur dans la politique américaine sur l’achat de médicaments sur ordonnance au nord de la frontière ait fait craindre une pénurie au pays.

L’agence américaine des aliments et des médicaments (FDA) a annoncé vendredi son intention de permettre à la Floride d’importer des produits pharmaceutiques, d’une valeur de plusieurs millions de dollars, auprès de grossistes canadiens afin d’enrayer le coût élevé des médicaments aux États-Unis.

Cette décision n’est pas une bonne nouvelle pour le Canada, qui a été plus fréquemment confronté à des pénuries aiguës de médicaments au cours des dernières années, a déclaré Joelle Walker, vice-présidente des affaires publiques à l’Association des pharmaciens du Canada.

La population de la Floride représente plus de la moitié de celle de l’ensemble du Canada. Et en plus de la Floride, d’autres États américains envisagent des demandes similaires adressées à la FDA pour réduire le coût des médicaments.

«Le Canada me peut pas devenir la pharmacie des Américains, ce n’est tout simplement pas pratique. Nous ne pouvons pas le faire, ce n’est pas possible», a déclaré Mme Walker.

Au cours des dernières années, le Canada a connu des pénuries de certains médicaments, notamment ceux contre la fièvre chez les enfants ou certains médicaments contre le cancer. Plus récemment, le populaire médicament de perte de poids et de gestion du diabète Ozempic a été difficile à trouver en pharmacie.

La proposition de la Floride comprend un certain nombre de classes de médicaments, notamment ceux contre l’asthme, la maladie pulmonaire obstructive chronique, le diabète, le VIH-sida et les maladies mentales.

Mme Walker souligne toutefois que les Canadiens ne devraient pas se précipiter à la pharmacie du coin pour renouveler leurs ordonnances, car la menace n’est pas imminente.

L’État de la Floride a encore du travail à faire pour prouver que les importations permettraient réellement aux Américains d’économiser de l’argent sans affecter la sécurité publique. Les autorités floridiennes devront aussi tester les médicaments afin de s’assurer de leur authenticité et les réétiqueter afin qu’ils soient conformes aux normes américaines.

«Tout cela pourrait en fait être très coûteux et nous espérons que cela dissuadera la Floride d’aller de l’avant», a déclaré Mme Walker.

Santé Canada promet de veiller

Si un fabricant souhaite exporter des médicaments aux États-Unis, il aura besoin de l’approbation de Santé Canada, ce que l’organisme de réglementation fédéral refuserait probablement s’il craignait une pénurie au pays.

Santé Canada a envoyé vendredi un bulletin suggérant son intention de maintenir cette position. Le message rappelle aux fabricants et distributeurs de produits pharmaceutiques, ainsi qu’aux pharmaciens et autres acteurs de ce secteur, les garanties existantes contre les pénuries.

La réglementation canadienne interdit la distribution à l’extérieur du pays de certains produits pharmaceutiques produits localement s’il existe «des motifs raisonnables de croire que cela causerait ou aggraverait une pénurie», indique le bulletin.

Les médicaments destinés au marché canadien peuvent continuer d’être vendus pour être consommés à l’extérieur du Canada «s’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que la distribution pourrait causer une pénurie de médicaments ou aggraver une pénurie de médicaments existante» au Canada.

Le ministère n’hésitera pas à traiter les cas de non-conformité, a déclaré vendredi un porte-parole de Santé Canada.

Le non-respect des règles pourrait faire l’objet d’un avis public ou de sanctions plus graves, y compris la révocation ou la suspension des licences, selon la déclaration.

Dans une déclaration, le ministre de la Santé, Mark Holland, a assuré aux Canadiens qu’ils continueraient à avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin.

Le gouvernement fédéral prendra «toutes les mesures nécessaires pour protéger l’approvisionnement en médicaments au Canada», a-t-il dit.

Parmi tous les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ce sont les États-Unis, de loin, qui paient le prix le plus élevé pour les médicaments brevetés, sans aucune limite gouvernementale sur ce que les entreprises peuvent facturer. Bien que le Canada paie beaucoup moins en comparaison, ses prix se classaient quand même toujours au troisième rang en 2021.

Les Américains peuvent depuis longtemps faire exécuter leurs ordonnances dans des pharmacies canadiennes, mais le changement de politique récemment annoncé affecte les importations massives.

Ces médicaments importés seraient destinés à certaines personnes, notamment les enfants placés en famille d’accueil, les détenus, certains patients âgés et, éventuellement, les bénéficiaires du régime «Medicaid».

La décision de la FDA fait suite à des décennies de lobbying de la part de l’industrie pharmaceutique, qui affirmait que de telles importations exposeraient les patients américains à des risques de médicaments contrefaits ou frelatés. La FDA avait aussi prévenu qu’il pourrait être difficile d’assurer la sécurité des médicaments provenant de l’extérieur des États-Unis.

Mais l’humeur politique autour de cette question a changé ces dernières années aux États-Unis, les démocrates et les républicains redoublant d’efforts en faveur des importations.