La Cour suprême des États-Unis se penchera «rapidement» sur l’éligibilité de Trump

WASHINGTON — La Cour suprême des États-Unis a accepté vendredi de décider si l’ex-président Donald Trump pouvait être déclaré inéligible en raison de ses efforts pour annuler sa défaite électorale de 2020. Le plus haut tribunal du pays devient ainsi un acteur clé dans la campagne présidentielle de 2024.

Les juges ont reconnu la nécessité de prendre une décision rapidement, alors que les électeurs commenceront bientôt à voter pour les primaires présidentielles à travers le pays. Le tribunal a accepté de se saisir d’une affaire du Colorado découlant du rôle de M. Trump dans les événements qui ont culminé avec l’assaut  contre le Capitole, le 6 janvier 2021.

Les plaidoiries auront lieu début février.

Le plus haut tribunal américain examinera pour la première fois le sens et la portée d’un article du 14e amendement de la Constitution, qui interdit à une personne qui a «pris part à une insurrection ou à une rébellion» d’exercer des fonctions publiques. L’amendement fut adopté en 1868, à la suite de la guerre civile. Il a été si rarement utilisé que le plus haut tribunal du pays n’a jamais eu l’occasion de l’interpréter.

La Cour suprême du Colorado, par quatre voix contre trois, a statué le mois dernier que M. Trump ne devrait pas être présent aux élections primaires républicaines. C’était la première fois que le 14e amendement était utilisé pour exclure du scrutin un candidat à la présidence du pays.

M. Trump a de son côté fait appel devant le tribunal du Maine d’une décision de la secrétaire d’État démocrate, Shenna Bellows, selon laquelle il n’était pas éligible dans cet État en raison de son rôle dans l’assaut du Capitole. Les décisions de la Cour suprême du Colorado et de la secrétaire d’État du Maine sont suspendues jusqu’à ce que les appels soient entendus.

Trois des neuf juges de la Cour suprême ont été nommés par M. Trump, bien qu’ils se soient prononcés à plusieurs reprises contre lui dans des procès liés aux élections de 2020, ainsi que ses efforts pour empêcher que les documents liés au 6 janvier et ses déclarations de revenus soient transmis à des comités du Congrès.

Par contre, les juges Amy Coney Barrett, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh ont participé à la majorité des décisions conservatrices de la Cour suprême, qui ont annulé le droit constitutionnel à l’avortement, vieux de cinquante ans, élargi le droit aux armes à feu et annulé la discrimination positive dans les admissions à l’université.

Certains législateurs démocrates ont appelé un autre juge conservateur, Clarence Thomas, à se retirer de l’affaire en raison du soutien de son épouse aux efforts de Donald Trump visant à annuler les résultats de l’élection présidentielle, qu’il a perdue face au démocrate Joe Biden. Il est peu probable, toutefois, que le juge Thomas acceptera: il ne s’est récusé que dans une seule autre affaire liée aux élections de 2020, impliquant l’ancien juriste John Eastman, et jusqu’ici, ceux qui essaient de disqualifier M. Trump ne lui ont pas demandé de se récuser.

La disposition en deux phrases de l’article 3 du 14e amendement stipule que quiconque a prêté serment de défendre la Constitution des États-Unis et aurait ensuite «pris part à une insurrection ou à une rébellion» contre elle n’est plus éligible à une fonction dans un État ou à l’échelle fédérale. 

Le Congrès a adopté en 1872 une amnistie pour la plupart des anciens confédérés visés par la mesure, puis cette disposition est tombée en désuétude, jusqu’à ce que des dizaines de poursuites soient intentées pour empêcher M. Trump de participer aux élections cette année. Seule la contestation  au Colorado a réussi.

M. Trump avait demandé à la Cour suprême d’invalider cette décision du Colorado sans même entendre de plaidoiries. «La décision de la Cour suprême du Colorado priverait de manière inconstitutionnelle le droit de vote de millions d’électeurs du Colorado et serait probablement utilisée comme modèle pour priver de leur droit de vote des dizaines de millions d’électeurs dans tout le pays», ont écrit les avocats de M. Trump.

Ils soutiennent notamment que les événements du 6 janvier ne constituent pas une insurrection — et même si c’était le cas, écrivent-ils, M. Trump lui-même ne s’y serait pas engagé. Ils affirment également que l’article de la Constitution sur l’insurrection ne s’applique pas au président et que c’est le Congrès qui doit agir, et non les États individuels.