Premier envol: depuis 5 ans la clientèle quitte le nid

Luce Lafrenière, âgée de 51 ans, vivait encore chez ses parents jusqu’à tout récemment. Elle n’avait jamais envisagé de faire son nid ailleurs. Atteinte d’une déficience légère, elle est très lucide et déterminée, mais son anxiété la gardait cloîtrée chez sa mère et son père vieillissants. Depuis le 5 septembre, elle a son appartement, son autonomie et bénéficie du soutien nécessaire des propriétaires: Premier envol. L’histoire de Mme Lafrenière ressemble à celle de 13 autres personnes qui ont pu quitter le foyer familial pour vivre «leur propre vie». L’organisme qui célèbre son cinquième anniversaire avait invité les médias hier (mardi) pour sensibiliser la population à une réalité peu connue.

L’organisme implanté à Louiseville est unique en son genre, non seulement il accueille en permanence huit personnes vivant une déficience intellectuelle (14 depuis le début de l’aventure), mais il les accompagne dans leur cheminement quotidien. Certains ont même réussi à atteindre une plus grande autonomie et habitent un logement complètement indépendant. Le plan de développement implanté par Premier envol n’est pas étranger à cette progression peu commune.

Témoignage d’un père aimant

«Depuis que je vis ici, j’ai appris à faire la cuisine, à me débrouiller moi-même, aussi à mieux communiquer avec les autres, à m’améliorer sur le plan personnel; j’ai développer mes capacités», dévoilait en rafale Luce Lafrenière.

Pendant qu’elle répondait aux questions des journalistes, Jacques Lafrenière écoutait sa fille avec admiration. Il a accepté de raconter son histoire.

«Luce est née d’une naissance difficile, elle a hérité d’une déficience intellectuelle légère. Sa mère et moi sommes assez âgés maintenant et on se devait d’offrir à Luce la possibilité de cheminer seule. Suite à une rencontre avec une intervenante, que je qualifierais d’exceptionnelle, elle a su convaincre Luce de quitter le lien familial. Ça, c’était une grosse affaire pour elle! Son problème d’anxiété faisait en sorte qu’elle ne pouvait pas se résoudre à quitter. Après avoir entrepris les démarches pour pouvoir lui offrir les services de Premier envol, les intervenantes ont su lui donner la chance de s’épanouir et de pouvoir profiter des expériences acquises pour son cheminement futur. J’en remercie l’envol, parce que c’était la seule solution pour elle», admet-il.

Une solution qui tarde pourtant à voir le jour ailleurs au Québec, bien que des démarches similaires sont entreprises actuellement. En ce sens, Premier envol s’illustre en tant que pionnier.

«Il y a divers organismes qui essaient de développer des centres semblables, mais le travail qui a été fait par Doris Dubé (la fondatrice) n’est pas évident. On est chanceux à Louiseville d’avoir un organisme comme celui-là, parce que c’est des années et des années de labeur. Donc, de souligner un cinquième anniversaire après que tout ça ait été monté, c’est quand même extraordinaire», fait valoir la directrice générale, Karine Gauthier.

Mentionnons que l’apport de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec n’est pas étranger à la survie de Premier envol, qui bénéficie d’une allocation annuelle de 135 000$. La Société d’Habitation du Québec (SHQ) contribue également en défrayant 50% de l’hypothèque.

La fondatrice, Doris Dubé, est formelle à ce sujet: «Si on n’avait pas eu l’Agence et la SHQ, on n’existerait pas.»

En outre, pas question d’agrandissement pour Premier envol qui n’écarte toutefois pas cette possibilité dans un avenir éloigné.

«C’est un rêve à long terme», conclut Mme Gauthier. Finalement, l’anniversaire de Premier envol a été soulignée de pair avec la Semaine québécoise de la déficience intelectuelle, qui se tiendra du 11 au 17 mars prochain.