Il abandonne une brillante carrière pour combattre la pauvreté

L’Écho vous présente le portrait d’un Louisevillois qui a mis un terme prématurément à sa carrière et a tout laissé tomber afin d’aider les enfants démunis de Pattaya en Thaïlande. La vie de Denis Gervais, aujourd’hui missionnaire et frère Rédemptoriste, a basculé le jour où son chemin a croisé celui du père Brennan.

Alors que la Seconde Guerre mondiale tirait à sa fin, Denis Gervais voyait le jour à Louiseville. Doté d’une intelligence vive, il a entamé des études universitaires dès l’âge de 16 ans. Finissant de l’école des hautes études commerciales (HEC) de Montréal, c’est dans l’informatique, pour l’entreprise IBM, qu’il s’est rapidement démarqué à titre d’ingénieur de systèmes.

Considéré comme un des cerveaux de l’entreprise, M. Gervais a multiplié les déplacements à travers le monde, entre autres pour donner de la formation aux employés d’IBM. C’est lors d‘un de ces voyages, en 1983, qu’il a découvert la Thaïlande. «À ce moment-là, il y avait une inondation. La pire des 150 dernières années», se souvient-il.

«Je voyais des familles qui vivaient dans la rue. Clairement dans la rue; ils s’y lavaient, s’y faisaient à manger et y dormaient. J’ai observé leur réaction par curiosité, ils agissaient comme si c’était normal, ils ne paniquaient pas. J’ai été touché surtout par l’attitude des enfants. Dans leurs yeux on voyait des étoiles, ça brillait, malgré le désastre. Puis je me disais en moi-même: combien de jeunes ici se suicident? La réponse, c’est qu’il n’y en a pas; ils n’ont rien et sont heureux. À partir de ce moment-là, je suis tombé en amour avec la Thaïlande», confie-t-il.

Dès ce moment, il a multiplié les voyages de golf vers cette destination de rêve où se marient la pauvreté et le tourisme. Il croisait chaque fois sur son passage un modeste orphelinat.

L’orphelinat du père Brennan

C’est en 1972 que l’histoire de la Father Ray Foundation (Fondation du père Brennan) débute. Une jeune dame ne pouvant s’occuper de son bébé illégitime a confié son bambin en désespoir de cause au presbytère du missionnaire. N’ayant d’autre choix que de le prendre à sa charge, le prêtre américain a fait de son mieux pour prendre soin du nouveau-né. La rumeur s’est rapidement répandue et de nombreux autres enfants, souvent des orphelins de la guerre du Vietnam, ont trouvé refuge à l’orphelinat du père Rédemptoriste Raymond Brennan. L’homme de foi s’est par la suite lancé dans un projet pour soutenir les enfants sourds. Ces derniers étaient simplement considérés comme des idiots en Thaïlande; il a donc fondé une école pour eux. Il est ensuite intervenu auprès du ministère de l’Immigration pour plaider en faveur des sans-papiers qu’on se contentait de jeter en prison. Il a construit une maison pour ces personnes apatrides, il a construit une école pour les personnes handicapées, une école pour les enfants non-voyants et une autre pour les enfants des rues.

C’est par hasard que le père bienfaiteur a rencontré Denis Gervais en 1991.

Puisque le terrain de golf de Pattaya était réservé pour des officiers de l’armée pendant la dernière fin de semaine de ses vacances, Denis Gervais a opté pour une visite de l’orphelinat. Touché par la cause, il a offert de revenir s’impliquer entre ses parties de golf l’année d’ensuite. À vrai dire, les bâtons de golf ont finalement été bien peu nécessaires pour l’ingénieur pendant ses vacances de 1992.

«Quand je suis arrivé dans le bureau du père Brennan, il avait un livre d’informatique dans les mains. Il m’a demandé de faire fonctionner son ordinateur. C’était un vieux système de traitement de texte, avec des disquettes de huit pouces», se souvient-il.

Heureusement, Denis Gervais avait avec lui un ordinateur portable d’IBM dernier cri; un IBM 386.

Pendant 10 semaines, il s’est affairé à mettre sur pied un programme pour l’enregistrement des dons, travaillant de 12 à 15 heures par jour.

«J’ai fini juste à temps. Le taxi qui m’amenait à l’aéroport m’a attendu pendant une heure et demie pendant que je finissais le transfert de toutes les données.»

Dès lors, le Québécois savait que sa vie ne serait plus jamais la même. À son retour au pays, il a mis sa maison à vendre et a informé IBM qu’il désirait prendre une pré-retraite pour se consacrer à faire du bénévolat auprès du père Brennan.

Si la Fondation du père Brennan existait depuis 1972, elle était peu organisée d’un point de vue administratif.

«Le père Brennan avait la vision, c’était un organisateur, mais pas un administrateur. C’est là que mes qualités étaient intéressantes pour aider à l’expansion et c’est ce que j’ai fait, j’ai mis en place un système comptable», explique Denis Gervais.

En 1999, il a postulé pour devenir frère Rédemptoriste. Aujourd’hui âgé de 67 ans, le frère Gervais profite de deux mois de vacances l’été au Québec. Il prend un bain de famille et renoue avec ses proches, avant de repartir pendant le reste de l’année dans le pays qui a transformé son existence.

Pour leur part, les oeuvres de bienfaisance du père Brennan et de ses acolytes ont attiré l’attention partout en Thaïlande, puis à travers le monde. Si bien qu’il a été nommé personnalité du millénaire à Pattaya en l’an 2000, élu par un scrutin populaire.

Cette reconnaissance ne surprend pas le frère Gervais, même si le père Brennan était un catholique américain au milieu d’une population composée à 95% de bouddhistes thaïlandais.

«Le système social en Thaïlande est inexistant. Il n’y a pas d’assurance-chômage ni de services sociaux ou même de département de protection de la jeunesse. Donc, ceux qui sont dans le besoin ne recevront pas l’aide du gouvernement. Il faut que ce soit des organismes à but non lucratif. C’est ça que le père Brennan a implanté et qu’on poursuit aujourd’hui», avise-t-il.

Le père Brennan est décédé en 2003.

 

De Joliette à Pattaya

Également passionné par le golf, un citoyen de Joliette, Louis-Michel Doyon, a aussi été attiré par les verts de Pattaya qu’il a parcouru pour la première fois en 2005. La conjoncture du sort a fait en sorte qu’il a croisé le frère Gervais lors d’un voyage. De fil en aiguille, les deux Québécois ont eu quelques discussions et M. Doyon a décidé de joindre les rangs de l’organisme du père Brennan. L’entraîneur certifié a inauguré un centre de conditionnement physique sur la même rue du vieil orphelinat en Thaïlande. Il a aussitôt tendu la main aux protégés de l’organisme charitable en leur ouvrant les portes du gym et en offrant des cours.

Malheureusement, la guerre entre les chemises rouges et l’armée thaïlandaise (guerre civile) combinée à des raisons personnelles ont poussé M. Doyon à regagner le Canada.

Son retour au pays ne l’a pas empêché de garder contact avec le mouvement et surtout avec la Fondation SOS-Riz.

SOS-Riz

Cette fondation contrôlée par le gouvernement canadien permet de remettre des dons déductibles d’impôt aux démunis pris en charge par l’oeuvre du père Brennan. C’est d’ailleurs Pierre-Paul Gervais, le frère de Denis Gervais, qui préside cette fondation. Louis-Michel Doyon a récemment gagné les rangs à titre d’administrateur.

La fondation bénéficie d’une fenêtre sur le web à l’adresse sos-riz.com. Les personnes intéressées à appuyer cette fondation peuvent communiquer avec M. Gervais au 819-841-1353 et pour les gens de Joliette, Louis-Michel Doyon au 450-752-9469.