Une vocation bâtie sur la passion

PROFESSION.  Il y a 50 ans ce mardi 21 février, Denis Ringuette combattait son premier incendie… à l’âge de 15 ans. 

« C’était la maison de la famille Bélisle et leur magasin, se souvient l’homme de 65 ans. Je regardais le feu et le chef de police m’a demandé si je voulais arroser. Je lui ai dit que je n’avais pas 18 ans. Il m’a mis la hose dans les mains en me prévenant de faire attention et de ne pas rentrer à l’intérieur. C’est comme ça que j’ai commencé dans le métier. »

Passion et vocation sont probablement les mots qui décrivent le mieux ce Louisevillois. Passion, car sa maison est un véritable temple où s’entassent des centaines d’objets et souvenirs reliés à la profession. C’est aussi habillé en pompier qu’il a prononcé ses vœux de mariage. Et vocation, car il fait toujours partie aujourd’hui de la brigade de pompiers volontaires de la ville.

Il faut dire que Denis Ringuette a de qui retenir. Sur un mur de la maison, il pointe avec fierté une plaque remise à son père Dorian pour ses 35 ans de services comme pompier à Louiseville, dont les dernières en tant que capitaine de la brigade.

« Quand on fait ce métier-là, c’est pour sauver des vies, protéger des biens matériels », indique celui qui a grandi dans une maison située derrière la caserne. « Quand la sirène sonnait, on appelait ça le bœuf, mon père, mon frère et moi, on enfilait notre uniforme et on courrait dehors jusqu’aux camions », se rappelle-t-il.

En cinq décennies, il a frôlé le danger à quelques reprises comme cet incendie dans une manufacture de meubles où, juché au sommet d’une échelle à arroser les flammes à travers une fenêtre, l’ouverture d’une porte à l’intérieur de la maison libère instantanément une énorme pression qui le fait basculer par terre… 35 pieds plus bas. « Je venais d’avoir 18 ans. J’avais la moitié du visage brûlé et plus de cheveux. Mais je n’ai jamais eu peur d’y retourner », souligne-t-il.

Il se rappelle plein d’anecdotes, dont celle où son père lui disait que la zone avait besoin d’un bon nettoyage. « Ça voulait dire qu’il fallait éloigner les curieux qui se rapprochaient trop. Dans ces moments-là, je faisais semblant de tomber pis j’arrosais le monde un peu. Ça ne prenait pas de temps que ça reculait », sourit-il.

Son plus grand combat

Depuis un peu plus de 10 ans, Denis Ringuette n’entre plus à l’intérieur des bâtiments en feu. Un cancer de la langue, qui a nécessité 33 traitements au laser et deux chimiothérapies, a eu comme conséquence qu’il produit très peu de salive. « Avec les équipements des pompiers aujourd’hui, je ne pourrais pas respirer. Je m’occupe donc d’opérer les camions pis si on a besoin d’arroser de l’extérieur, c’est moi qui le fais. »

Le Louisevillois raconte cette période difficile avec émotion. « Bien plus que tous les feux que j’ai combattus, le cancer a été mon plus grand combat.Je suis passé proche d’y rester. Je pesais à peine 150 livres et j’étais faible, assis dans mon fauteuil à regarder dehors. Tous les jours, les gars passaient devant la maison tranquillement, allumaient les flashers du camion en me faisant salut. Même les pompiers des autres municipalités venaient me voir pour m’encourager. Il en a même un de Yamachiche qui m’a écrit un poème. Je le savais déjà, mais j’ai encore plus compris dans ce temps-là que les pompiers, c’est une vraie famille », conclut Denis Ringuette qui, si la santé lui permet, voudrait bien se rendre jusqu’à 70 ans avant d’accrocher son casque.