«Un adolescent, c’est comme un cerf-volant»

«Ah les jeunes d’aujourd’hui! Ils n’ont pas de bons sens!» Combien de fois avons-nous entendu (ou même dit!) cette affirmation? En réponse à cette dernière, le professeur de sociologie au Collège Laflèche, Stéphane Roy, amène un nouvel éclairage sur la jeunesse d’aujourd’hui.

«Les jeunes vont bien, contrairement à ce qu’on pense. Je dirais qu’un gros 85% des jeunes vivent relativement bien leur adolescence, avec les petits accrocs classiques qui viennent avec cette période. Environ 15% des jeunes ont besoin d’un coup de pouce supplémentaire, alors que peut-être 4% sont aux prises avec des comportements délinquants importants, le décrochage scolaire et la consommation de drogue», indique Stéphane Roy.

Les statistiques régionales confirment cela. En Mauricie, on constate que moins d’adolescentes sont victimes d’intimidation, fument la cigarette ou ont consommé de la drogue au cours de la dernière année comparativement à la moyenne provinciale pour les jeunes filles de leur âge.

Pourquoi pense-t-on alors que les adolescents n’ont pas d’allure?

«Simplement parce qu’ils sont différents de l’adolescent que l’on a été. Depuis l’Antiquité, quand on demande aux aînés ce qu’ils pensent des jeunes, c’est généralement négatif. Même quand je pose la question à mes étudiants, ils répondent que les adolescents d’aujourd’hui n’ont pas d’allure. Ils ne sont pas pires ni mieux, juste différents», rappelle M. Roy.

«Les personnes issues des années Peace and Love sont même souvent les premiers critiques de la jeunesse. Pourtant, les règles se sont beaucoup plus resserrées depuis, le taux de suicide est en baisse dans leur tranche d’âge et les campagnes de sensibilisation sont nombreuses. Ils sont bien encadrés. Ils aiment les nouvelles technologies et ont de nouvelles valeurs et on ne les comprend pas toutes», ajoute-t-il.

Portrait de l’ado en 2013

Le sociologue du Collège Laflèche a compilé quelques caractéristiques des adolescents: ils aiment s’épanouir dans plusieurs domaines, ils sont pragmatiques, ils veulent avoir la liberté de choisir, ils aiment l’authenticité, ils sont multitâches, l’école est un élément seulement de leur vie et leur famille et leurs amis sont très importants à leurs yeux.

«On remarque également que le temps est la nouvelle monnaie. Dans leur vie professionnelle, ils accepteront un salaire légèrement moindre s’ils peuvent avoir une meilleure qualité de vie et avoir plus de temps pour des activités à caractère social ou familial», précise M. Roy.

«Ironiquement, ils passent aussi un temps fou à communiquer avec des amis, surtout par messages textes, mais ce n’est pas toujours pertinent. C’est du temps de qualité qu’ils perdent dans ces moments-là», note-t-il.

Et pour ces adolescents qui ont littéralement grandi entourés par les nouvelles technologies, tout doit aller vite: ils doivent apprendre vite, grandir vite, etc., ce qui pourrait expliquer leurs premières relations sexuelles à un âge précoce.

Une histoire de chimie

Au-delà des sautes d’humeur et petits accrocs qu’impliquent généralement l’adolescence, il ne faut pas oublier que cette période de bouleversements est aussi chimique et physionomique.

«C’est une période où l’on se sent invincible, où l’on expérimente plein de choses et où le taux d’hormones est très élevé. C’est en partie dû au fait que le cortex frontal, qui est notamment lié à la maturité, n’est pas entièrement développé. C’est à cette période que se font des connexions entre le cortex frontal et le cerveau primitif, cette partie du cerveau reliée à la survie, au goût de l’adrénaline, etc. Ce n’est pas pour rien que les ados disent souvent des «C’est hot! C’est cool! C’est malade!». Ce sont des termes qui réfèrent aux sensations», souligne Stéphane Roy.

«C’est une période de remises en question. Les adolescents veulent découvrir les valeurs auxquelles ils tiennent et veulent briser le lien parent-enfant pour qu’il devienne adulte-adulte. Ce passage se fait souvent par l’opposition. C’est littéralement une recherche identitaire. C’est aussi une période très importante. L’adolescence est un facteur important à l’évolution de l’être humain depuis la nuit des temps», ajoute-t-il.

«Un adolescent, c’est comme un cerf-volant. Il vole au gré du vent et comme parent, on donne un peu de corde, on en ramène un peu. Si on donne trop de corde, le cerf-volant pique du nez et ce n’est pas mieux si on resserre trop. Le rôle du parent est de servir de guide pour obtenir l’équilibre permettant au cerf-volant de bien voler. J’ai confiance que les adolescents d’aujourd’hui sauront tirer leur épingle du jeu», conclut-il.