La frénésie du Tim Hortons s’empare de Louiseville

Après la fermeture du garage Sylvestre érigé sur le boulevard St-Laurent-Ouest, les anciens propriétaires qui s’occupaient de la business familiale depuis 1969 avaient exprimé le désir qu’un nouveau commerce attrayant y voit le jour pour assurer la pérennité d’une vie grouillante dans ce secteur. André Sylvestre et Johanne Beaulieu pourront jouir de leur retraite sans crainte, puisque le restaurant Tim Hortons ouvert depuis lundi, muté au dépanneur Couche-Tard et à la station d‘essence Petro-Canada, connaissent un achalandage fou depuis la première heure. Par contre, l’arrivée de ces bannières géantes, particulièrement du Tim Hortons, ne s’est pas faite sans soulever de vagues.

«La première journée on a ouvert à 9h30 et à 10h30, il y avait encore du monde jusque dehors, une chance que les gens à Louiseville sont bien patients», révélait le propriétaire de la nouvelle franchise, Amand Martin. Verte recrue dans le monde de la restauration, le franchisé a travaillé avec acharnement pour dénicher une équipe de 32 employés qu’il décrit déjà comme sa «famille». L’homme d’affaires a vite réalisé que ce n’était pas tous ses «enfants» qui pouvaient supporter un rythme aussi soutenu, la frénésie des premiers jours ayant forcé quelques salariés à remettre leur démission, exténués.

«Ils trouvaient ça trop dur, je cherche encore des employés, surtout à temps plein. On est une jeune famille; c’est certain qu’on va faire des fautes. J’espère que les gens vont être patients», expliquait M. Martin, répondant tant bien que mal aux interrogations du journaliste entre la question d’un employé et la réquisition d’une cliente, sans oublier la nouvelle commis qui attendait de le rencontrer concernant son premier chiffre du lendemain.

«La restauration en tant que telle, c’est beaucoup plus dur que ce que je pensais», poursuivait l’ancien pompier, qui n’avait vraisemblablement pas perdu l’habitude d’éteindre des feux.

Pour lui venir en aide, Hugo Ouellet qui détient une franchise à Lavaltrie était sur les lieux afin de prodiguer de précieux conseils au nouveau venu. Il a bien voulu partager sa vision sur ce que représentait l’implantation d’une bannière multinationale dans un marché restreint, lui-même ayant passé par là en 2007.

«Dans la communauté, c’est toujours bienvenu. Ça change l’ordre établi dans les petites communautés, mais je n’ai jamais eu de problème avec les autres restaurateurs. J’ai essayé de ne jamais en causer non plus. Je pense qu’on a chacun notre spécialité, chacun notre créneau, mais on sait que ça affecte quand même le marché local.»

Les restaurateurs n’ont pas tous le même point de vue

Sur trois restaurateurs interrogés par L’Écho, deux croient que l’arrivée d’une bannière comme Tim Hortons est bonne ou aucunement néfaste pour eux et un autre pense l’inverse. Alain Béland de l’Arc-en-Fleur estime que l’attention supplémentaire des derniers jours sera bénéfique pour son restaurant.

«Ce n’est pas du tout la même branche (de restauration) que moi. Ça fait mon affaire, le monde attire le monde, explique-t-il. C’est le fun, à cause que le garage était fermé depuis un certain temps. Si ç’a l’avait été un St-Hubert, je n’aurais peut-être pas dit la même chose», a-t-il cru bon de préciser.

Même son de cloche pour Mario Bellemare, du restaurant La Porte de la Mauricie.

«Nous ne sommes pas dans le même marché, juge-t-il. Tim Hortons attire le marché plus local. Je n’ai pas de problème avec ça, mais si je restais en face, je tiendrais peut-être un autre discours.»

C’est précisément cet autre discours que tient Bernard Devault qui craint une baisse d‘achalandage à la pizzéria Chez Marco.

«La clientèle va baisser un peu c’est sûr. S’ils vont chercher 30 personnes là-bas, c’est 30 personnes de moins pour les restaurateurs de la région», affirme-t-il.

Selon ce dernier, les travailleurs de la restauration seront les plus affectés.

«Certains employés vont écoper. On va devoir couper des heures dans les cuisines, mes employés vont se chercher des emplois à l’extérieur de la ville et à Louiseville, on ne peut pas se permettre d’en perdre. Il y a 20 ans, on fermait à 3 heures du matin, maintenant, on ferme à 21 ou à 22 heures.»

De son côté, M. Martin croit avoir trouvé sa niche sans nuire aux restaurateurs locaux.

«On n‘offre pas la même sorte de nourriture, répliquait-il. Vous voulez manger un gros repas ce soir, ou vous avez le goût de frites, bien Tim Hortons n’a pas de frites. On fait partie de la communauté, maintenant. Les gens de Louiseville sont chaleureux et ils attendaient un Tim Hortons.»

De joueur de hockey à restaurateur

Natif du nord de l’Ontario, le célèbre numéro 7 des Maples Leafs de Toronto, Tim Horton, est mort avant que sa bannière n’ait connu le véritable succès auquel elle était destinée.

Le 21 février 1974, Tim Horton évoluait pour les Sabres de Buffalo. L’ironie du sort a voulu qu’il connaisse une fin tragique alors qu’il revenait au bercail après une partie disputée contre son ancienne équipe, ce jour-là. Le rapport de police a révélé qu’il circulait à plus de 100 miles à l’heure quand il a perdu la maîtrise de son véhicule. Il se trouvait alors dans la ville de Ste-Catherine, située au sud de l’Ontario. Les parents du célèbre joueur ont par la suite pris la décision de garder certains restaurants ouverts 24h/24 pour que les conducteurs aient un endroit de répit lors des voyages nocturnes. Parmi ses faits d’armes, le défenseur nommé sept fois sur l’équipe d’étoile de la LNH s’est aligné avec la dernière formation des Leafs à avoir soulevé la coupe Stanley en 1967.