Jean Garceau: l’homme derrière la légende

PORTRAIT. Saint-Élie-de-Caxton est un tout petit village, mais il est loin d’être ordinaire. Il ne suffit que d’une visite sur place pour découvrir la qualité des gens qui y habitent.

Bien sûr, il y a l’offre touristique et l’engouement entourant le populaire conteur Fred Pellerin, mais la richesse de cette municipalité réside aussi dans la bonté et l’accueil de sa population.

Certains résidents, de véritables personnages, ont d’ailleurs marqué l’imaginaire des touristes lors de la diffusion de la série télévisée Saint-Élie-de-Légendes.

On se souviendra entre autres de Jean Garceau, mieux connu sous le nom de «Rocker», l’une des légendes de ce village. Fils de Ferdinand et Gisèle Garceau, il est le plus jeune d’une famille de trois garçons. Homme d’une grande simplicité, on découvre en discutant avec Rocker, un homme dévoué, sensible, émotif et fier de son patelin.

Expérience télévisuelle

Jean Garceau est très actif dans sa communauté. Bûcheron, journalier à temps partiel à la fabrique, fossoyeur et pelleteur à ses heures, il a partagé en toute authenticité et avec sa parlure unique son quotidien aux téléspectateurs de Saint-Élie-de-Légendes. Une expérience qu’il n’est d’ailleurs pas prêt d’oublier. «Je connaissais un peu la productrice et j’étais en confiance avec Fred. La thématique m’inspirait. Ça correspondait à ce que j’aimais et ce que je faisais. Je pensais être mal à l’aise et en fin de compte, ç’a été une belle expérience», relate-t-il.

«J’ai aimé ça. Je peux dire que ma participation à Saint-Élie-de-Légendes, ça m’a fait grandir. Ça m’a permis d’évoluer personnellement. J’ai eu la chance de rencontrer plein de gens depuis ce temps-là juste à cause de ça. Ça m’a aidé socialement parlant. Ça m’a fait du bien», reconnait le personnage.

La communauté d’abord

Plus jeune, après avoir quitté les bancs d’école, M. Garceau a eu l’opportunité de côtoyer les bâtisseurs de son village en travaillant dans les usines locales qui fonctionnaient à plein régime. Sa débrouillardise, il la doit aussi aux quelques années passées dans le domaine de la construction. Aujourd’hui, il carbure au bien-être collectif. Son implication avec la fabrique lui procure une certaine liberté qu’il n’est pas prêt à mettre de côté. «J’ai enterré mon premier mort en 1981. Ça fait une trentaine d’années que je fais ça. J’ai toujours travaillé à l’église. Le terrain, je le connais par cœur. J’entretiens même les marches de l’église le soir de Noël pendant la messe. Ça ne me dérange pas. Je suis toujours prêt à y aller. Je le fais parce que j’aime ça. Ce que j’aime aussi, c’est que j’ai ma liberté. Je travaille quand je veux et je sais quand je dois y aller», explique-t-il.

Jean « Rocker » Garceau, un fier ambassadeur de Saint-Élie-de-Caxton. Photo Pier-Olivier Gagnon

«Je ne gagne pas cher. L’argent, je n’en ai pas, je n’en ai jamais eu et je n’en aurai jamais. C’est correct comme ça. Je ne manque de rien. Quand les gens viennent ici et disent qu’on a un beau cimetière, que c’est propre près de l’église, c’est flatteur. Ça flatte ton égo. C’est ça ma vraie paie. Le soir, tu manges ton spaghetti et tu te dis que ta petite mission est accomplie. C’est ça mon but», mentionne l’homme d’une cinquantaine d’années.

Cet hiver, Rocker n’a pas manqué de boulot. Avec les accumulations de neige reçues, le téléphone a sonné plus souvent qu’à l’habitude. Les citoyens et les commerçants de Saint-Élie ont été nombreux à avoir recours à ses services. Et, heureusement, il a pu planifier adéquatement son pelletage puisqu’il est pratiquement connu comme étant le météorologue du coin. «Plusieurs fois par jour, je regarde mes sites et mes applications. J’en mange de la météo. Je me tiens informé en direct. La météo, c’est vrai. On est influencé par ça. Je suis ça, c’est une passion!»

Saint-Élie-de-Caxton tatoué sur le cœur

Avant l’arrivée de la nouvelle année, dans une période un peu plus morose, Saint-Élie-de-Caxton a bien failli perdre Rocker. Il lui est soudainement passé par la tête le goût du changement, c’est-à-dire s’établir en ville, à Trois-Rivières. «Il m’a pogné un buzz en décembre. Moi, je n’ai pas d’auto. Je ne suis pas totalement autonome à cause de ça. Je suis toujours obligé d’appeler quelqu’un pour aller à Trois-Rivières et ça vient long», rapporte M. Garceau.

Sa réflexion l’a toutefois amené à prendre conscience de l’attachement qu’il avait envers son village natal. «J’ai réalisé que je n’avais aucun crampon à Trois-Rivières. Moi, à Saint-Élie, j’ai fait tous les bouts de rue. J’ai des souvenances ici. J’ai vu pousser les arbres, les familles et j’ai vu évoluer le village», affirme-t-il.

Rocker a rapidement réalisé que s’il optait pour ce choix, il perdrait définitivement sa proximité avec ses racines et les touristes. «L’été, les gens viennent me voir pour me poser des questions et je leur réponds. J’aime ça répondre à des questions. Et en jasant avec eux, je m’enrichis intellectuellement parlant. Des fois, je prends une heure dans le cimetière pour jaser avec le monde. Je coupe mon temps et je m’en fous. Cette heure-là, je ne la perds pas et je ne perds pas non plus d’argent. Je viens d’en gagner sur la conscience. L’argent, ce n’est rien! Ça ne te fait pas évoluer ni grandir, ça te fait juste bien paraître», confie-t-il.

Jean « Rocker » Garceau, un fier ambassadeur de Saint-Élie-de-Caxton. Photo Pier-Olivier Gagnon

Au fil des années, Jean Garceau a bâti sa propre routine. C’est ce mode de vie qu’il avait peur de perdre. «Quand je vois ti-Fred dans le village, on pète une broue. Quand il a le temps, il remonte ses lunettes, il arrête son moteur et on jase. On répète parfois les mêmes affaires et ce n’est pas grave! C’est plaisant. J’ai une belle proximité avec lui. Je vais aussi péter de la broue avec les Méounes (propriétaires de Chez Méo) et leurs clients. Si je perdais ça, je m’ennuierais et je serais désorienté. C’est un peu pour tout ça que j’ai finalement décidé de rester là où j’ai vécu toute ma vie. Je suis habitué à ma petite vie et à mon petit monde. Ici, j’ai une continuité. Ma mère est proche. Déménager, j’aurais bien peur de faire échec».

Rocker vit simplement, sans luxe, sans superflu. Pour rien au monde il ne voudrait changer sa vie. «Je m’aperçois que j’ai une pas pire vie. Une belle vie! Il y en a qui ont de l’argent pour aller à Cuba ou pour s’acheter un spa. Moi je ne connais pas ça. Pour moi, c’est comme des artifices éphémères. Ça ne m’attire pas trop non plus. Si je veux aller dans l’eau au soleil, je vais aller me mettre les pieds au Floribell parce qu’ici, à Saint-Élie-de-Caxton, j’ai tout pour être heureux», conclut-il.

Suivez Pier-Olivier Gagnon sur Twitter: @POGagnon