Du cynisme nuisible pour l’environnement

Industrie du recyclage

ENVIRONNEMENT. Les avantages du recyclage sont connus depuis longtemps. En plus de contribuer à la protection de l’environnement, à la viabilité de certaines entreprises ou organismes qui traitent et transforment la matière, le recyclage contribue au maintien de bon nombre d’emplois un peu partout à travers la province.

L’industrie du recyclage a toutefois mauvaise presse depuis quelques semaines. La fermeture récente de marchés internationaux, l’abondance des matières dans les centres de tri, leur valeur à la baisse et le transfert de plusieurs produits placés dans le bac bleu vers les sites d’enfouissement faute de solutions pour leur donner une autre vie laissent craindre le pire dans la tête de plusieurs personnes.

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire pour récupérer tous les produits placés dans le recyclage, des modèles d’affaires comme celui développé dans la région par Soleno Recyclage représentent une réussite digne de mention.

Le directeur du développement et de l’approvisionnement de l’entreprise de Yamachiche, Guillaume Villemure, est depuis longtemps sensible à la cause environnementale.

Ce dernier déplore le cynisme véhiculé dans les médias nationaux à l’effet que l’industrie du recyclage est en crise et qu’il n’y a que très peu de solutions de s’en sortir sans avoir recours aux exportations.
«Le citoyen est présentement gavé d’information interprétée de façon à provoquer un certain cynisme. On le décourage de continuer à participer au recyclage et après on jette la faute sur les centres de tri ou les récupérateurs. Le cynisme médiatique joue beaucoup dans la perception des gens et il vient nuire à l’environnement. Il y a tellement d’efforts, de résultats et d’histoires à succès qu’on ne doit pas décourager les citoyens avec ce qui se passe dans l’industrie du recyclage. Il y a des choses qui vont excessivement bien et les gens n’en parlent pas ou très peu», se désole-t-il.

M. Villemure rapporte que des entreprises, dont la sienne qui recycle plus de 100 millions de contenants de plastique par année, savent tirer leur épingle du jeu en innovant. Soleno Recylage recycle et conditionne le polyéthylène haute densité (PEHD) provenant d’usage domestique et industriel pour fabriquer des tuyaux durables pour la maîtrise de l’eau pluviale. En partenariat avec une entreprise d’économie sociale, elle permet à plus de 60 de personnes ayant des limitations fonctionnelles d’intégrer le marché du travail et d’occuper un emploi valorisant.

L’affaire de tous

Les politiciens et les municipalités ont un grand pouvoir d’influence, soutient Guillaume Villemure. «Les donneurs d’ordre doivent faire évoluer les normes, favoriser l’utilisation de produits à contenant recyclable et prioriser l’utilisation de produits fabriqués avec de la matière recyclée. Ce sont eux qui peuvent donner le ton et influencer la société», lance-t-il.

«Les organismes publics, les municipalités et tous ceux qui veulent emboîter le pas et contribuer à protéger notre environnement doivent se doter d’une politique d’achat responsable. C’est la même chose pour le consommateur qui doit acheter des produits dans des contenants recyclables. Ça vient dire à l’industrie que c’est ce dont on a besoin. Elle va s’ajuster et va répondre aux besoins. On peut devenir un exemple fort. L’environnement, c’est un problème qui appartient à tout le monde», insiste M. Villemure.

Il voit la fermeture des marchés internationaux comme une opportunité de mieux structurer l’industrie du recyclage dans les marchés locaux. «Le recyclage est quand même jeune. C’est une industrie qui est en train de se structurer et qui a de grands défis à court terme, mais ça nous amène à mieux faire nos devoirs. Le bac bleu, c’est la mine d’or de demain. C’est une source intarissable de matière première. Comment bien l’utiliser? En stimulant les marchés! Il est possible de développer des filières qui s’approvisionneront de cette matière première. Il suffit de donner le ton et de faire les choix appropriés. On est capable de faire les choses différemment pour avoir un bon rayonnement. Pour plusieurs sortes de plastique (numéro 1, 2 et 5), les filières sont bien établies et plusieurs de ces plastiques sont facilement récupérés. Nous avons une expertise incroyable au Québec pour la collecte, le transport et le tri des matières recyclables. Il faut continuer d’exploiter le recyclage.»

L’économie circulaire comme exemple

L’approche préconisée par Guillaume Villemure est basée sur l’économie circulaire qui se définit comme un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un produit tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités.

«La définition du développement durable au Québec, c’est économique, environnemental et social. Chez Soleno Recylage, on travaille sur ces trois aspects-là. Nous avons comme principe ici que tous les citoyens sont nos fournisseurs et ils sont du même coup nos clients», signale M. Villemure.

«On parle beaucoup d’économie circulaire, mais le citoyen est un maillon important de la chaîne. Quand il fait ses choix comme consommateur, il a un impact positif ou négatif sur notre environnement. Nous avons une société qui consomme beaucoup et il faut revoir notre mode de consommation. Tout ça passe par l’éducation des citoyens. Ça prend de la cohérence entre le message et les actions.»

Une aussi bonne qualité

Un produit fabriqué à partir de matière recyclée a bien souvent été perçu par le passé comme étant de moins bonne qualité. Cette perception a graduellement changé, note Guillaume Villemure.

«C’est maintenant prouvé qu’on peut faire des produits de qualité égale et supérieure à la résine vierge avec de la matière recyclée. Le plastique récupéré est aussi bon. Cependant, on constate qu’il y a une résistance au changement et que les gens doivent changer leurs habitudes», poursuit l’homme de Charette.

Dernièrement, l’entreprise Soleno a dévoilé la création de son pôle d’innovation qui a pour objectif d’attirer et de fédérer les expertises pluridisciplinaires afin de trouver des solutions durables à la problématique du recyclage des matières plastiques résiduelles menaçant l’environnement.

Suivez Pier-Olivier Gagnon sur Twitter: @POGagnon