L’appât du gain

Pour un joueur compulsif, l’appât du gain, le rêve d’une vie plus aisée et le désir de déjouer les probabilités sont les principales sources du problème qui l’entraîneront vers une spirale infernale menant tout droit à un puits sans fond. Dans la descente, il en vient à perdre la notion de plaisir que le jeu est sensé lui procurer, à perdre le contact avec la réalité et tout ce qui l’entoure, tel un cheval avec des œillères lors d’une course.

Depuis quelques semaines, mes garçons ont commencé à jouer au hockey.

Déjà coincé dans le rythme effréné de la vie moderne tous les matins scolaire, pourquoi ne pas continuer sur la lancée le weekend venu? Qui veut dormir plus tard que 7:00 dans ses journées de congé de toute façon… C’est le plus jeune qui a exprimé son désir de jouer le premier. Le plus vieux, après lui en avoir glissé un mot dans les deux dernières années, n’était pas intéressé. Mais quand il a vu son frère avec son attirail de gladiateur, il a trouvé ça « cool » et il voulait jouer lui aussi ! Direction aréna, habillage en vitesse, 3 tours de ruban gommé et c’est parti ! Je vais m’asseoir dans les estrades avec ma caméra pour immortaliser ce moment.

Oups ! J’ai oublié d’enlever les protège-lames ! Les protège-coudes et le casque font le travail, au moins on sait ça maintenant ! Passer deux heures sur un banc froid d’aréna me laisse beaucoup de temps pour réfléchir. Depuis quelques semaines, j’observe. J’écoute. Je me remémore mes années au hockey mineur ainsi que les quelques parties où j’étais allé voir jouer mes cousins et entendre ma tante s’époumoner. Je me suis aperçu que le hockey avait changé. J’ai compris pourquoi les jeunes abandonnent le hockey si tôt, pourquoi il est difficile de trouver des entraîneurs et des arbitres, pourquoi le hockey est en baisse. Le dévoilement public et la flambée des salaires dans la LNH au début des années 90 auront créé un monstre : les parents de joueur de hockey compulsif. Ça crie, ça gesticule, ça enguirlande l’arbitre, ça prend l’entraîneur dans un coin pour réclamer plus de temps de glace pour son rejeton, ça grimpe sur les bancs, ça fait un fou de lui ! Ça met aussi de la pression inutile sur le joueur, ça le déconcentre, ça créer de la friction avec ses coéquipiers et ça lui enlève progressivement le goût de jouer. Les parents voient déjà leur enfant dans la ligue nationale gagnant des millions et oublient que le hockey, comme la loto, est avant tout un jeu. D’où le parallèle avec mon ouverture de texte…

 

Sur les 16 575 joueurs atomes au Québec en 1991-92, seulement 6 se sont établis comme joueurs réguliers dans la LNH, pour un pourcentage de 0.036%. Certains parents s’imaginent père du prochain Crosby ou mère du prochain Brodeur, moi, j’espère juste être le fier papa de deux « ti-gars » qui vont avoir eu du plaisir, fait de leur mieux et avoir hâte à la prochaine partie. Quoi ??? Lecavalier gagne 10 millions cette année ? Hum? …

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