Tuerie en N.-É.: deux policiers de la GRC ont tiré sur un homme innocent

HALIFAX — David Westlake est un homme incroyablement chanceux, qui se demande encore ce qui lui a sauvé la vie lorsque deux policiers de la GRC l’ont pris pour un tueur et ont ouvert le feu en sa direction.

Le matin du 19 avril 2020, le coordonnateur de la gestion des urgences se trouvait à la caserne de pompiers d’Onslow, en Nouvelle-Écosse, alors que le chef des pompiers accueillait des personnes évacuées de Portapique, en Nouvelle-Écosse, où un homme armé avait tué 13 personnes le soir précédent. 

En ce dimanche matin, le tueur était toujours en fuite et son déchaînement funeste n’était pas terminé. Il tuera au total 22 personnes avant d’être abattu par la police, plus tard ce dimanche-là dans une station-service d’Enfield. 

À 10 h 17, alors que M. Westlake discutait avec un policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) stationné devant la caserne, il a aperçu, incrédule, une voiture s’arrêter à environ 80 mètres et deux hommes en sortir avec des fusils. Alors que les deux pointaient leur arme vers lui, il a couru se réfugier dans la caserne.

«Je me souviens d’un tir qui ressemblait à un bang sonique, puis d’un autre qui était très fort, et j’ai bougé à ce moment-là», a raconté M. Westlake à un enquêteur de la commission qui se penche sur la pire tuerie de l’histoire moderne canadienne.

Les deux tireurs étaient en fait des policiers de la GRC qui ont cru, à tort, que M. Westlake était le tueur, principalement parce qu’il portait un gilet réfléchissant jaune et orange qui correspondait à la description de ce que portait le suspect.

Le récit dramatique de M. Westlake sur ce qui s’est passé ce dimanche-là, confié à un enquêteur le 15 juin 2021, a été relaté lundi dans un document contenant des extraits de cet entretien. «Ne me demandez pas quelle divinité a posé la main sur mon épaule ce jour-là et s’est assurée que ce n’était pas mon heure», a déclaré M. Westlake à l’enquêteur. 

Confusion à la GRC

Le document met également en évidence la confusion à laquelle les policiers de la GRC ont été confrontés alors qu’ils poursuivaient le tueur sur plus de 100 kilomètres. 

«J’étais juste un gros gars avec un gilet réfléchissant jaune et orange, au mauvais endroit au mauvais moment», a-t-il déclaré à l’enquêteur, non sans humour. «Je n’en ai jamais voulu aux deux individus qui ont appuyé sur la gâchette. J’aimerais les rencontrer. Je veux leur demander comment ils ont fait pour rater leur cible, parce que c’est clair que je ne peux pas me cacher derrière un poteau de téléphone…»

Le document soulève tout de même des questions embarrassantes pour la GRC, qui a peu parlé de cette erreur sur la personne presque mortelle. Les policiers qui se sont trompés ce dimanche matin ont expliqué qu’ils n’avaient pas vu leur collègue de la GRC assis au volant d’une autopatrouille presque identique, au fond, à la voiture utilisée par le tueur dans sa cavale meurtrière.

Dans un rapport publié en mars 2021, l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave, l’organisme de surveillance de la police en Nouvelle-Écosse, a disculpé les deux policiers de tout acte répréhensible. Le rapport a conclu que les policiers avaient des motifs raisonnables de croire qu’il s’agissait du tueur et qu’ils ont tiré «pour éviter d’autres morts ou blessures graves». 

L’agent Dave Melanson a déclaré aux enquêteurs le mois dernier qu’il avait crié au suspect «Montre tes mains!». M. Westlake soutient toutefois qu’il n’a pas entendu cette sommation, tout comme d’ailleurs huit témoins qui habitaient près de la caserne.

Les enquêteurs ont découvert que l’agent Terry Brown a tiré quatre coups sur M. Westlake et que son collègue Melanson a tiré une fois. Deux balles ont percé l’une des portes de garage de la caserne et endommagé un camion de pompiers à l’intérieur. Un troisième coup a frappé un panneau routier et un autre a atterri sur le côté de la caserne. Le cinquième coup a frappé un monument en pierre près de la porte utilisée par M. Westlake pour se réfugier.

Lorsque les tirs ont cessé, l’agent Gagnon est sorti de son véhicule les mains en l’air. Après un bref échange avec ses deux collègues, lui et l’agent Melanson sont entrés dans la caserne, où M. Westlake leur a dit que personne n’avait été blessé.

Les deux policiers ne se sont pas informés de l’état des autres occupants de la caserne: le chef des pompiers Greg Muise, le chef adjoint Darrell Currie et un citoyen évacué, Richard Ellison, dont le fils Corrie avait été assassiné la veille à Portapique.